Dans son abécédaire, Gilles Deleuze évoque cette image nietzschéenne de la flèche qu’envoie le penseur et qui se fichera au sol avant qu’une nouvelle pensée ne s’en empare pour la relancer vers de nouveaux horizons.
Cette métaphore de l’aventure culturelle a séduit Kevin Gotkovsky et Célestin Krier qui ont eu envie de se mettre à l’épreuve de cette pratique jubilatoire et risquée, mais aussi généreuse, de la publication des matières de l’esprit. Ensemble, ils se sont mis à éditer quelques exemplaires d’un périodique format tabloïd, bien nommé La flèche, qui est comme la prise de notes joueuse, le carnet de bord nécessaire et subjectif de leur périple estudiantin au cœur des paysages artistiques et culturels.
« Il y a 20 000 ans environ, l’humanité est organisée en petits groupes de chasseurs cueilleurs, mais avec l’agriculture et la sédentarisation, ce mode de vie a presque totalement disparu.
Aujourd’hui, dans un contexte quelque peu différent, nous repartons à la recherche d’une nourriture plus spirituelle que calorique. Tendant notre arc à la manière d’un Walter Benjamin s’apprêtant à l’écriture, nous partons sur les traces de l’animal, trouvant en chemin quelques baies ou tubercules à cueillir. Notre territoire de chasse n’est plus la taïga paléolithique mais notre vaste paysage artistique et culturel.
Après quelques semaines de traque, décochant nos flèches et autres sagaies, nous terrassons enfin la bête. Vient ensuite le temps du dépeçage et de l’équarrissage, la bête est prête à être rapportée au reste du groupe. Là bas, elle sera agrémentée de quelques herbes sauvages, et partagée au cours d’un joyeux festin. »