Les anecdotes qui dessinent la triste histoire des exĂ©cutions aux États-Unis semblent fasciner Ă plus d’un titre les passionnĂ©s de reconstitutions morbides. Il faut repenser Ă ce très beau film, pĂ©riode amĂ©ricaine, de Fritz Lang: Secret Beyond the Door (Le Secret derrière la porte, 1948) qui raconte l’histoire de Celia Barett, hĂ©ritière tombant sous le charme de l’Ă©trange Mark Lamphere. Ce collectionneur de «chambres» – dont la spĂ©cificitĂ© non moins Ă©trange est d’ĂŞtre le lieu de crimes – raconte aux visiteurs attirĂ©s par ces curieuses Frevelkammern, comment celles-ci sont de vĂ©ritables reconstitutions.
Reproduire le dernier repas d’un condamnĂ© revient Ă composer une nature morte des plus curieuses. Il faut imaginer alors et ensuite donner forme Ă ces menus qui, dans certains États comme la Floride ou le Tennessee, ne devaient pas dĂ©passer une cinquantaine de dollars. Leur simplicitĂ© tranche parfois avec l’histoire du condamnĂ© ou plutĂ´t de ses crimes. Elle dit surtout la tradition rigide qui prĂ©cède l’autre rituel, Ă©lectrique ou non, du dernier instant.
C’est pourtant Ă une autre histoire du goĂ»t que renvoient les «tableaux» de l’inconnu du site famouslastmeals. Celle de repas ordinaires, riches en lipides et glucides, ou spartiate, comme le cafĂ© noir d’Aileen Wuornos. D’ailleurs il n’est certainement pas question de goĂ»t a proprement parlĂ©, les journalistes et le cinĂ©ma entretenant la tragĂ©die du dernier repas comme celle de l’ultime confession d’une rĂ©alitĂ© basique: je mange donc je suis, et celui ou celle qui va mourir n’est pas si diffĂ©rent de nous.
Les images de Famous Last Meals, renvoient Ă ces indices-lĂ . Mais montrent aussi le goĂ»t de leur auteur pour la reconstitution de l’avant. Avant que le repas ne soit consommĂ©. Avant les restes qui pourraient dire, aussi bien que la photographie de Payne citĂ© par Barthes, oui, ça a Ă©tĂ©, il Ă©tait vivant mais dĂ©jĂ mort…