On pourrait classer Henri Chopin dans la même catégorie que Ian Hamilton Finlay: des poètes visuels, des typographes du son, des jardiniers des signes. Né en 1922, Chopin est une des figures-clés de cette nouvelle avant-garde française qui germe à la fin de la seconde guerre mondiale. La Norwich Gallery avait ainsi organisé une rétrospective de son travail en 1998, Sonic Memory revenait sur les recherches visuelles et typoétiques d’Henri Chopin (notamment ses poèmes à la machine-à -écrire).
«Principalement fêté comme un représentant de la poésie concrète et sonore, Chopin réalise un nombre considérable d’enregistrements et devient un pionnier des usages techniques d’enregistrements sonores. Son attention se porte sur l’aspect corporel du son, sur le lien à l’oralité entre ordre et chaos. Il a été au coeur des relations internationales entre artistes et sa carrière polymorphe (graphiste, typographe, éditeur indépendant, réalisateur…) aura été comme le baromètre de la création européenne des années 50 aux années 70.
Il édite les revues audio-visuelles OU (à l’origine CINQUIÈME SAISON) qui, entre 1958 et 1974, seront les réceptacles des anciens et des nouveaux, de Jiri Kolar au Lettrisme, de Raoul Hausmann à Fluxus.»
Comme l’écrivait Jean-Philippe Renoult dans Poptronics, Chopin est «ce corps usine à sons», prolégomène et aboutissements expérimentaux de la poésie sonore, je cite une nouvelle fois Renoult:
« Évidemment la question d’une paternité de la poésie sonore peut poser maintes contradictions… Je ne prétends pas résoudre la question ici. Mais de fait je mentionne, tout comme Henri Chopin, les premiers poèmes sonores de Raoul Hausmann (nous sommes en 1918… donc bien au-devant d’Isidore Isou). le « mouvement » Poésie Sonore, qui trouvera son pendant immédiat en Sound Poetry chez les Américains, appartient de fait à Chopin. Le lettrisme est lui, un mouvement de recomposition linguistique totale qui prend comme brique fondamentale la lettre et non le mot. Tandis qu’un poème sonore est une construction textuelle purement sonore fondée sur l’utilisation de la bande son et sur des opérations de manipulation du son (cut up, filtrage, échos, mixage…). Ces définitions posées, nous sommes bien conscient des interconnections sous-jacentes entre Dada, Surréalisme, Lettrisme, Poésie Concrète, Poésie Sonore, et d’autres. Le charme est là , finalement.»