On avait pu ressentir la Petite introduction Ă l’histoire d’une discipline d’Alexandra Midal (Agora, 2009) comme une sorte de rĂ©ponse prĂ©monitoire au tonitruant Design & crime d’Hal Foster (Les prairies ordinaires, 2010). Quand ce dernier voyait, non sans quelques raisons, le designer en bras armĂ© du capitalisme tardif, culturel et mercatique, Alexandra Midal, pas moins Ă©thique, assurait dans le fil d’un William Morris, la promotion d’un design visionnaire et progressiste : un design capable de rĂ©former l’industrie et le rĂ©el au nom de la justice sociale et de la primautĂ© de l’imaginaire.
Une réponse de spécialiste à double titre : avec Hocus pocus thrilling stories, Alexandra Midal avait pu un peu plus tard (2011) démontrer que les serial killers comme Henry Howard Holmes pouvaient constituer d’excellents designers d’espaces glaçants et autres châteaux hantés. Elle avait aussi proposé un format critique qui prenait le risque de s’engager du côté de l’invention des formes de la théorie : d’une sorte de design de la réflexion du design.
Avec Politique Fiction, Alexandra Midal présente depuis peu une nouvelle fresque théorique piquante, télescopant extraits de films et documents d’archive, pour dégager, dans l’esthétique du choc et la digression, un discours sur les implications morales et politiques d’un design résolument situé du côté des consistances de l’art et de la « catalyse des imaginaires ». Une démonstration qui vient s’élargir à tout l’espace de démonstration d’une exposition à la Cité du design de Saint Étienne. Une exposition et un exposé relayés par un catalogue réalisé par les bons soins d’officeabc qui se heurte à la question épineuse des droits d’auteur. Un cadre légal qui interdit à nombre d’astronomes iconographes de relayer publiquement leurs propositions. Une contrainte à laquelle nos habitués de la pirouette savante répondent en tentant, avec le concours éclairé de Sarah Kremer, de paradoxales ekphrasis réticentes par l’image et tout un jeu sur le détail en typographie assez éloigné des modesties empiriques d’un Jost Hochuli ou d’un Jan Tschichold.