Une des mĂ©taphores du graphisme peut ĂȘtre la mise en scĂšne. LâidĂ©e, comme le dit lâĂ©crivain, dramaturge et metteur en scĂšne, ValĂšre Novarina, quâil y a un « rapport entre la feuille de papier et la page du thĂ©Ăątre ». Justement, le jeune studio K-i-m, associĂ© pour lâoccasion Ă Line Monthiers, viennent de proposer une nouvelle adaptation Ă©ditoriale de la piĂšce Le vrai sang, que Novarina a Ă©crite en 2010 et mise en scĂšne en 2011 Ă lâOdĂ©on ThĂ©Ăątre de lâEurope.
Pour mettre en page le texte dĂ©jĂ jouĂ© et incarnĂ© Ă la scĂšne comme un « retour au livre », Thomas Kim, Lisa Huang et Line Monthiers nâont pas voulu « sâaventurer dans une interprĂ©tation personnelle » mais on prĂ©fĂ©rĂ© « adopter la transparence et un systĂšme graphique au service de la piĂšce, de maniĂšre quasi-chirurgicale, avec peut-ĂȘtre juste une touche dâabsurditĂ© ». Comme si « la vie [Ă©tait] encore captive de lâalphabet » et que lâespace du livre pouvait laisser « observer lâoffensive verbale des mots ».
« La page, scĂšne imprimĂ©e, admet ses propres unitĂ©s de mesure ; le temps dâune rĂ©plique prononcĂ©e devient un nombre de mots, dâoccurrences. Chaque point y trouve une rĂ©sonance, une importance spatiale, une chasse typographique.
La matérialité et la gestualité des mots sont mises en valeur. Une réplique trouve un espace pour raisonner. Les mots sont imprimés ici et là , comme une géographie de repÚres mémoriels. Nous pourrons y revenir, y repenser.
Construit comme un manuel organisĂ© pour permettre de visualiser la piĂšce, le livre feint de dissĂ©quer le langage mathĂ©matiquement pour mieux mettre en valeur ses questionnements et ses rĂ©sistances. âLâespace est sĂ©parable, sĂ©cable, sexuĂ© : il se divise perpĂ©tuellement en autre que luiâ
Sur la page de droite chaque rĂ©plique se place simplement comme dans une bataille navale : son abscisse est dĂ©terminĂ©e par son ton ; et son ordonnĂ©e, par le nombre de mots quâelle contient. Les nombres Ă droite correspondent Ă la quantitĂ© de signes que contient chaque rĂ©plique.
Sur la page de gauche se trouve la liste de tous les personnages de la scĂšne, citĂ©s dans leur ordre dâarrivĂ©e. Ceux qui parlent sont placĂ©s en noir Ă cĂŽtĂ© de leur rĂ©plique. Ceux qui restent silencieux sont aussi prĂ©sents, en gris, en retrait. âLe lancer du langage dans lâespace a lieu Ă lâaide de tous nos couteaux.â
Avec ces outils dâorganisation de la page, nous tentons de classifier de maniĂšre objective les diffĂ©rentes variations de ce âfluide organiqueâ quâest le langage. »