Friedensreich Hundertwasser, alors quâil rĂ©alise, en 1983, six timbres pour le compte des Nations Unies, assure que : « les timbres reprĂ©sentent le niveau culturel dâun pays ». Sâil avait Ă©tĂ© plus graphiste, il aurait peut-ĂȘtre pu prĂ©ciser : « le niveau de la culture graphique dâun pays ». Il en va sans doute de mĂȘme pour les outils visuels dĂ©veloppĂ©s par les diffĂ©rents festivals estivaux et la derniĂšre affiche de notre belle fĂȘte de la musique nationale nâest pas pour redorer le blason de lâexigence de notre France du graphisme. Il est pourtant des entreprises de rĂ©sistance de la commande graphique quâil convient de saluer comme celle des toulousaines Siestes Ă©lectroniques.
Un festival auto-proclamĂ© « aventureux » qui semble vouloir faire confiance Ă des graphistes qui paraissent tels et mener une politique Ă©ditoriale singuliĂšre. Par exemple en dĂ©cidant de faire paraĂźtre sur la place publique une revue qui dĂ©cale et prolonge ses actualitĂ©s Ă©vĂ©nementielles â sans doutes brĂ»lantes â par une rĂ©flexion au long cours sur le fait que, comme le dit Samuel Aubert, son directeur artistique :
« la musique ne se rĂ©sume pas Ă un dĂ©placement d’air, elle ne peut ĂȘtre rĂ©duite Ă sa seule expression physique, elle vĂ©hicule inĂ©vitablement des images et des valeurs qui dĂ©finissent un ensemble esthĂ©tique et social qui la dĂ©passe ».
En 2012, la communication visuelle du festival, numĂ©ro 0 dâAudimat compris â la revue, donc, des cultures et des imaginaires des musiques plus ou moins Ă©lectroniques â a Ă©tĂ© confiĂ©e Ă la luxuriance des associations libres du tandem officeabc auquel je cĂšde la parole :
« L’enjeu Ă©tait de donner une forme au contenu Ă©ditorial en s’Ă©cartant des modĂšles de la presse musicale. Le format Poche s’est peu Ă peu imposĂ© aprĂšs de multiples Ă©changes et essais, notamment pour sa dimension Ă©conomique et sa rĂ©fĂ©rence Ă l’histoire du livre.
La conception graphique a elle aussi jouĂ© des Ă©carts et des transitions Ă la maniĂšre d’un pont musical. Fragmentation sonore, l’Ă©cho de l’AudiÂź et celui du Mat se dĂ©tournent et se recollent en Audimat, titre de la revue.La premiĂšre couverture s’appuie sur le logo d’Audi, Ă©clatĂ© en autant de combinaisons permettant Ă©galement de signer la fin de chacun des articles dans la revue. ImprimĂ© en dorure Ă chaud, les signes circulaires, semi-circulaires, en somme lunaires, se rĂ©percutent, points visuels, sur la quatriĂšme de couverture. Celle-ci est une table des matiĂšres oĂč se lit, par cercle, la trame sonore de chaque article.
Sur l’intĂ©rieur des rabats, ainsi que sur la deuxiĂšme et troisiĂšme de couverture, une matiĂšre visuelle bruyante et graniteuse fait office d’ouverture aux textes. Ces derniers sont mis en forme en Albion, Wellingborough et Monotype Grotesque, autre jeu sophistiquĂ© d’Ă©carts oĂč les ligatures ornementales de la Wellingborough rejouent la sensation de pont entre deux lettres.
La publication, enfin, est bornĂ©e par deux images: les phrares d’une Audi la nuit et le «roi» en mat.Cet ensemble d’Ă©carts et de jeux visuelo-sonores a comme point de dĂ©part l’anecdote suivante: Lorsque le constructeur de voitures August Horch ouvre son usine en 1899 il lui donne simplement son nom. Quelques annĂ©es plus tard des querelles apparaissent Ă la direction de l’entreprise. Une nouvelle structure se crĂ©e qu’il faut rebaptisĂ©e. August Horch choisira âAudi, qui est certes un acronyme de Automobile Union Deutschland Industrie, mais aussi un petit jeu de mot de la part dâHorch, qui tient Ă laisser une trace de son nom de famille. âHorchenâ, âĂ©couterâ en allemand, se traduit en effet par âaudireâ en latin.â »
En 2013, alors que lâaffiche et le programme sont confiĂ©s au jeune studio parisien Large, le numĂ©ro 1 dâAudimat revient Ă la non moins jeune SociĂ©tĂ© Suisse Maximage. Dans la droite ligne de la grande tradition helvĂšte, mais avec un entĂȘtement qui confine Ă lâhumour Ă froid, au moins Ă la distanciation critique, Julien Tavelli et David Keshavjee ne retiennent des jeux linguistiques prolifĂ©rants du premier opus que leur dimension formaliste minimale : un format, disent-ils « adaptĂ© », et une absence dâimage. Un espace typologique dans lequel ils viennent conformer aux diffĂ©rents niveaux de texte de la commande les variations de gamme historicistes de leur neue typographie sĂ©riale Programme.
« Comme il fallait aussi intégrer une nouvelle de 70 000 signes (Les rouleaux de bois de Tristan Garcia) dans cette édition, nous avons décidé de séparer les articles et la nouvelle. Un sens de lecture et une couverture pour chaque. Comme notre typo programme a plusieurs variantes stylistiques, nous avons utilisé la version classique pour la nouvelle, et la version plus brute pour les articles.
Pour la couverture de la nouvelle, nous avons mandatĂ© James Marsh, afin d’avoir une illustration forte au format livre de poche. James Marsh est un illustrateur qui a rĂ©alisĂ©Â de nombreuses couvertures de romans que nous aimons beaucoup. »