Le texte qui suit est issu d’une communication donnée dans le cadre du Colloque international Un atlas de la microédition : quelle route pour quels enjeux ? (Auditorium du Musée de Beaux-Arts de Rouen, 22 et 23 mars 2012), organisée par le laboratoire Edith de l’ESADHaR (Ecole Supérieure d’Art et de Design Le Havre/Rouen)1. Que les organisateurs soient ici remerciés pour leur accueil chaleureux et la qualité des échanges.
En 2010, dans un entretien accordé suite à la réalisation de l’ouvrage Emigre: The Looking Back Issue – une anthologie prenant la forme d’un inattendu soixante dixième numéro de plus de cinq-cents pages –2, Rudy VanderLans revenait sur la principale difficulté rencontrée lors de la réalisation du livre en déclarant de façon presque désarmante : « The biggest problem was that I could no longer open a lot of the old digital files. One of the first page make-up programs I often used was ReadySetGo! and I could simply not open those files anymore. So I ended up recreating a lot of the older layouts which took a lot of time »3. La question des formats employés par le logiciel de mise en page ReadySetGo! aux alentours du milieu des années 1980 peut paraître un détail pratique, purement matériel, voire anecdotique. Le constat d’obsolescence et l’impossibilité de combler le désir d’origine évoquent pourtant la force anarchivante qui travaille toute archive4. Que s’agit-il ici de consigner avec tant de méticulosité (fig. 1) ? De quelle masse documentaire Rudy VanderLans se fait-il l’archonte ?
En revenir au début des années 1980, c’est assumer que cette communication relève en partie de l’histoire, d’une histoire5. Il sera question de celle d’une véritable plate-forme éditoriale aux multiples facettes : Emigre Graphics. Il y a bientôt trente ans paraissait le premier numéro d’un curieux Magazine for the Exiles, comme l’indiquait le sous-titre présent au dessous de la trace d’un pouce, empreinte d’une identité en devenir (fig.2). Un sous-titre très éphémère puisqu’il fut remplacé dès le deuxième numéro par The Magazine That Ignores Boundaries (fig. 3). Les éditions Emigre devinrent peu à peu célèbres via le magazine éponyme qui en fut indubitablement le fleuron.
L’aventure éditoriale d’Emigre, à tout le moins dans les milieux du design graphique, a acquis le statut de mythe. Elle se poursuit encore aujourd’hui à un rythme beaucoup plus lent avec l’édition de fontes typographiques, de livres et autres multiples. L’ultime numéro inédit du magazine Emigre paraît en 2006 (n°69, fig. 4). Il ne faut cependant pas inféoder Emigre à ce seul support puisque le terme recouvre un projet que l’on pourrait qualifier de transmédial. Emigre a par exemple aussi été un label musical dans les années 1990. Le magazine n’en demeure pas moins le média imprimé qui a véritablement porté les expérimentations graphiques, avec une mise en page parfois sidérante et l’emploi de nouvelles fontes de caractère dont bon nombre créées en interne par Zuzana Licko. De plus, cela reste suffisamment rare pour être vivement souligné, le magazine Emigre a porté une pensée théorique sur le design graphique qui contrastait avec la fréquente indigence des contenus des magazines spécialisés émanant de grosses maisons d’édition.
Emigre s’impose donc comme un authentique paradigme, une précieuse balise, sur ces chemins, ces routes de la micro-édition que se propose d’arpenter le colloque. Et si nous transposons au cas Emigre certaines des questions sur lesquelles se sont construites ces journées, les réponses donnent à penser que le statut micro-éditorial a indéniablement partie liée aux possibilités exploratrices mises en œuvre. Contrairement aux usages consacrés, je ne maintiendrai pas en suspens la grappe problématique du propos introductif et livrerai d’emblée quelques éléments de réponses lapidaires afin de permettre de cerner dès maintenant quelques spécificités. Quatre questions qui forment donc un préalable nécessaire à l’étude.
1. Quelles alternatives propose Emigre dans les années 1980 et 1990 ?
Elles sont multiples, mais il faut insister sur le positionnement éditorial très libre – sur le fond, comme sur la forme – en rupture face à une esthétique corporate internationalisée devenue l’ultime avatar d’un modernisme dévoyé et moribond.
2. Comment le magazine Emigre est-il passé d’un tirage de cinq-cents exemplaires cantonné aux seules villes de San Francisco et Los Angeles, pour devenir l’étendard d’une nouvelle génération de graphistes ?
Le magazine a su, sans que cela ne soit aucunement prémédité au moment de sa création, agréger les attentes, se repenser à de multiples reprises et s’offrir comme tribune aux graphistes qui peinaient à faire entendre leurs voix.
3. Comment les productions Emigre étaient-elles diffusées ?
Par correspondance avant tout, Emigre assurant sa propre diffusion, mais également chez certains revendeurs, aussi divers que des libraires indépendants, des galeries, des institutions muséales. En France, à la toute fin des années 1980, on ne pouvait par exemple le trouver qu’à Paris, de manière presque subreptice, à Artcurial, La Hune, la Librairie du Musée d’Art Moderne ou Parallèles6.
4. La localisation en Californie a t-elle joué un rôle déterminant ?
Pour ne mettre dès maintenant en avant qu’un seul facteur, rappelons que le contact avec les technologies les plus récentes issues de la Silicon Valley a permis la continuation de cette entreprise éditoriale, en réduisant les coûts et en ouvrant de nouvelles possibilités graphiques et typographiques. On ne peut penser Emigre sans souligner l’importance de l’arrivée du Macintosh.
C’est dans le but d’étoffer certaines de ces réponses qu’il paraît opportun de faire retour sur une aventure qui, derrière son statut mythique, reste mal connue, particulièrement en France. Les quelques focales thématiques esquissées seront développées au sein d’un déroulé insistant sur les architectes principaux d’Emigre : Zuzana Licko et Rudy VanderLans (fig.5). Je travaillerai essentiellement autour des premiers numéros, les plus imposants de par la taille (28,5 x 42,5 cm). Le « degré micro-éditorial » se trouve d’ailleurs inversement proportionnel au format du magazine. Il faut savoir que la revue Emigre cesse d’être une édition indépendante pour devenir une coédition Emigre/Princeton Architectural Press à partir de 20027. Me concentrer sur les trente-deux premiers numéros permet de couvrir une période de dix ans et être ainsi au plus prés de ce que pouvait être une « micro-édition » en un temps pré-internet, au même moment où le métier de graphiste dut faire face à des changements sans précédent. Une conscience du chemin parcouru et une volonté historiographique se sont assez vite fait ressentir, si bien que VanderLans et Licko prennent en charge la publication, dès 1993, d’un premier ouvrage rétrospectif qui reste encore aujourd’hui une mine précieuse d’informations sur les débuts d’Emigre8, que ne remplace ni le livre de 20079, ni le site internet officiel pourtant très fourni10. La question des sources primaires mérite aussi d’être rapidement soulevée. Mon propos s’appuie sur une consultation systématique des numéros d’Emigre issus des collections de la Bibliothèque Kandinsky (Centre Pompidou, Paris), de la Bibliothèque Nationale de France et de certains fonds privés venant compléter les quelques carences institutionnelles11. Il faut insister sur l’importance d’un travail sur les originaux car les reproductions et les anthologies ne rendent pas vraiment justice à la première décennie d’existence et à ces jeux parfois subtils avec le grand format (espaces de respiration, séquençage, etc.).
Une question d’importance doit encore être posée : d’où vient le nom même d’Emigre ? Le titre Emigre fut proposé par Menno Meyjes, trahissant une volonté de s’intéresser aux émigrés travaillant sur la scène artistique américaine, et particulièrement les artistes hollandais de Californie dont faisaient partie les trois fondateurs du magazine : Menno Meyjes, Marc Susan et Rudy VanderLans. Suite au départ de ses deux compères VanderLans conserve le titre comme souvenir et poursuite de la sensation déterritorialisante qui anima les premiers numéros. Quant à la graphie même du titre, il est amusant de noter le rapport formel entre le logo d’Emigre (fig. 6), que l’on doit à Rudy VanderLans, et celui du Merz de Kurt Schwitters (fig. 7), revue réalisée à Hanovre mais ouverte à la scène internationale12. L’inclinaison de la traverse centrale des lettres « E » d’Emigre n’est pourtant pas de l’ordre du pastiche, puisque légitimée par le fait que les deux accents aigus du mot « émigré » descendent le long du fût, qui sacrifie une partie de son plein pour ménager un espace afin que les accents s’intègrent en son sein et se substituent pleinement à la traverse centrale.
En 1984 Zuzana Licko et Rudy VanderLans, qui se sont rencontrés lors de leurs études à Berkeley et mariés une année auparavant, investissent 1500 dollars d’économie en imprimant cinq-cents exemplaires du premier numéro, mise en page à la main par VanderLans essentiellement à l’aide d’une photocopieuse et tout un jeu d’agrandissements de caractères de machine à écrire (fig. 8). Les premiers numéros d’Emigre se caractérisent par une ligne éditoriale extrêmement flottante, ce qui fait du magazine un objet difficilement identifiable. Il y est très peu, voire pas du tout, question de design graphique mais essentiellement d’écriture, de poésies, de performances, de peintures, de dessins, de photographies. Cette scène artistique californienne post-beat, post-hippie, post-punk, constituée en partie d’émigrés, souffre à l’évidence d’un manque total de visibilité et réfléchit la nature de son positionnement « contre-culturel » à l’ère de la culture globalisée. Durant les sept premiers numéros, de 1984 à 1987, des artistes sont mis en avant à plusieurs reprises comme Didier Cremieux, Gavin Flint ou Susan King. Cette dernière, qui avait pris part à l’aventure féministe du Woman’s Building de Los Angeles dans les années 1970, est par exemple présentée comme une book artist.
Le design graphique comme sujet même du magazine n’apparaît que graduellement pour ne s’imposer qu’en 1988 avec le dixième numéro dédié au département design graphique de la Cranbrook Academy of Art (fig. 9). Le troisième numéro s’inscrivait cependant déjà en rupture, non sur le fond mais sur la forme. Il marque le début d’une phase d’apprivoisement de VanderLans avec un nouvel outil dont Zuzana Licko s’est totalement enamouré : le Macintosh (fig.10). Le huitième numéro pourrait bien marquer le point d’orgue de cette première phase. Le titre thématique intérieur – alienation – est écrit avec le New Alphabet de Wim Crouwell, élégant vestige expérimental de 1967 qui fait office de prélude à un autre bouleversement typographique. Pour la première fois VanderLans réalise l’intégralité de la mise en page et du placement texte via le Macintosh. Le magazine ne présente que la coulée de plusieurs textes jouant d’une expressivité typographique rassemblant les fontes de Zuzana Licko13, associant ainsi rugosité du bitmap et photographies presque surannées reprenant les codes publicitaires14. Sur les pages de droite se trouve un texte de Bret Easton Ellis, sur celles de gauche s’égrène un poème de Charles Bukowski, le séquençage final orchestre un recouvrement à l’encre sur une dizaine de page (fig. 11-13).
Avant même d’être l’éditeur d’un magazine tout entier consacré au design graphique, Emigre Graphics devient un éditeur de caractères typographiques. Dès 1987 Licko et VanderLans décident de miser sur cette activité pour survivre. Le magazine Emigre va se faire la vitrine des fontes qu’il offre à la vente. Cela n’a en soit rien de novateur, le U&lc de Herb Lubalin avait par exemple une ligne éditoriale très libre alors même qu’il promouvait les fontes ITC pour la photocomposition. Une différence tient cependant dans le fait qu’Emigre sera beaucoup plus volontiers qualifié de « micro-édition ». Ce dernier phénomène, lié à l’émergence des cultures numériques, va d’ailleurs commencer à embarrasser les quelques grandes fonderies qui dominent le marché. Cette redistribution des cartes arrive peu à peu avec le Macintosh 128k qui, contrairement aux produits IBM, devient plus abordable pour le particulier. Le onzième numéro d’Emigre (1989) entérine cette fascination pour le Macintosh (fig. 14). Il convient de ne pas oublier que la découverte et l’achat d’un premier Macintosh par VanderLans et Licko en 1985 fait suite à une campagne de propagande commerciale. Le magazine MacWorld (fig.15) – qui n’a rien d’une édition indépendante puisque la publication émane directement d’Apple – invitait bons nombres de graphiste et illustrateurs de la région à des séances de présentation suivie d’essais, avec pour intention non dissimulée qu’ils puissent à terme fournir le magazine en illustration.
De l’usage du premier Mac découle clairement une certaine excitation ; Licko et VanderLans se présentent comme des « nouveaux primitifs » dans un article écrit pour I.D. Magazine et dont l’exergue est une citation de Piet Zwart : « We are primitives of the new technical era »15. Il est aujourd’hui difficile d’appréhender les techniques des années 1980. Outre ReadySetGo! précédemment cité, bon nombres des premières couvertures d’Emigre sont réalisées avec les logiciels mis au point par Bill Atkinson : MacPaint (fig. 16) et MacVison (ce dernier est aussi un numériseur vidéo)16. Le dépôt légal de la Bibliothèque Nationale de France permet d’accéder assez facilement à la plupart des manuels (en langue française) dédiés aux applications graphiques entre 1985 et 198917. Il appartient de mentionner la toute première phrase de l’un d’entre eux ; on peut en effet lire dans l’ouvrage de Bernard Le Du : « Macintosh est le premier micro-ordinateur qui permette d’appréhender concrètement la véritable révolution de l’écrit que constitue la micro-édition […] »18. Où l’on constate que le terme de micro-édition, sans être aucunement théorisé, cristallise un désir qui se nourrit d’une utopie technologique post-gutenbergienne (notons que ce n’est pas le support imprimé qui est ici remis en cause).
Le terme de micro-édition reste éminemment problématique. Il me semble d’une part qu’il ne peut se réfléchir sans être confronté à une histoire des techniques, mais cela n’est pourtant pas suffisant. Peut-être faut-il aussi se rappeler que tout phénomène éditorial touche au politique. Peut-on alors trouver dans la micro-politique de Deleuze et Guattari et la réflexion qu’ils ont mené sur les segmentarités molaire et moléculaire un outil adéquat afin de penser notre affaire ? Pour Deleuze et Guattari, « le moléculaire, la micro-économie, la micro-politique, [et nous serions donc tenter d’y ajouter la micro-édition], ne se définit pas pour son compte par la petitesse de ses éléments, mais par la nature de sa « masse » – le flux à quanta, par différence avec la ligne à segments molaire »19. Il ne serait donc plus question d’envisager la micro-édition en terme d’équipements ou d’importance de tirage, mais plutôt dans les conditions qui permettent que « toujours quelque chose coule ou fuit »20. Emigre fut une plate-forme pour le design graphique, qui permit la « connexion » des flux, avant de déboucher sur leur « conjugaison »21.
De nombreux acteurs disséminés font d’Emigre un magazine international qui ne se veut pas le véhicule d’un style international. L’application théorique au graphisme (dans son versant dit postmoderne) semble se manifester assez tôt au Etats-Unis, particulièrement localisable aux environs de Detroit via l’enseignement de Katherine McCoy à la Cranbrook Academy of Art, phénomène reconduit et poursuivi au Californian Art Institute (CalArt) par certains « anciens » de Cranbrook (Lorraine Wild, Jeffery Keedy, Ed Fella). Au passage des années 1980 et 1990, les tentatives de cerner une nouvelle esthétique à l’œuvre ont occasionné une véritable levée de bouclier. La guerre lisibilité/visibilité fit rage et le cri de ralliement des partisans d’Emigre se ramasse dans une phrase célèbre de Zuzana Licko : « people read best what they read most ». Son efficacité s’inscrit pourtant dans la même catégorie aphoristique que le « less is more » de Mies Van der Rohe, icône de Massimo Vignelli qui qualifiait en 1991 la revue Emigre d’aberration culturelle et d’usine à ordure. Paul Rand se replie quant à lui dans son Design, Form and Chaos publié en 1993 et, la même année, Steven Heller publie son article « Cult of the ugly », qualifiant la production d’Ed Fella de voie sans issue et insinuant qu’Emigre ne serait qu’une passade. Ce moment chargé émotionnellement, désormais historique, porte avec lui l’argument selon lequel la modernité graphique pourrait être, à l’encontre de la façon dont elle se pense, une entreprise d’occultation.
Un projet éditorial comme Emigre, d’une importance capitale pour le design graphique, prouve qu’une « poche micro-éditoriale » peut porter en germe des projets d’une ampleur inédite, avant une phase possible d’institutionnalisation (fig. 17-18). Il est encore difficile de dire sous quelles formes la micro-édition se déplace sur l’internet (revue participative, micro-blogging, auto-édition ?). En guise d’ouverture je me contenterais de présenter rapidement un seul livre. Il s’agit de Pages from an Imaginary Book de Rudy VanderLans (fig. 19), publié en 2003 chez Onestar Press. Petit livre en noir et blanc comportant 156 figures – et dans lequel il semble possible de voir une hybridation de deux figures séminales du livre d’artiste : Ed Ruscha et Marcel Broothaers – il développe une élégie discrète, caractéristique de l’univers de VanderLans. Les pages alternent les noms de sites géographiques du désert de Mojave (parfois des « mots-images » très plastiques) et des photographies (certainement du lieu-dit) qui conduisent constamment à l’image déceptive du désert. Livre sur un livre qui n’existe pas, livre de livre, méta-livre. Plusieurs années après l’aventure du magazine Emigre, Pages from an Imaginary Book véhicule la mélancolie d’un graphiste-éditeur et donne à voir un objet qui n’aurait d’existence que projectuel. La quatrième de couverture porte la mention suivante :
Imagine this book to be twice as large, with a hardbound cover and gold debossed title, beautiful endpapers, head and tail bands, and a dust cover with a French fold. The inside would have glossy, coated paper throughout. Printed on this paper would be a number of carefully selected full color reproductions of landscape photographs of the Mojave Desert. The photos would have been taken with a field camera holding 8 x 10 inch negative film. The reproductions would be scanned with the latest high-end scanning device, and printed at 300 lines per inch in five colors with a spot varnish. The tonal qualities and detail of the reproductions would match the originals perfectly. To explain the images and create context, there would be two critical essays by well known critics. And to lend the book credibility it would be published by a New York art book publisher or institute of photography. It would be a beautiful book, indeed. This is not that book (See figures 2-155).
- Voir HYPERLINK « http://www.esadhar.fr/lh/?p=3765″ http://www.esadhar.fr/lh/?p=3765 [↩]
- Voir Emigre No. 70. The Looking Back Issue, Selections from Emigre Magazine #1-69, 1984-2009. Celebrating 25 Years in Graphic Design, Berkeley, Ginko Press, 2009. [↩]
- Rudy VanderLans, Entretien avec Antje Dohman [Page Magazine, 2010], repris à l’adresse suivante : HYPERLINK « http://www.emigre.com/VanderLans12.php » http://www.emigre.com/VanderLans12.php. [↩]
- Cela renvoie éventuellement au mal d’archive derridien, l’accumulation conduisant irrémédiablement à sa destruction. « Il n’y aurait certes pas de désir d’archive, écrit Derrida, sans la finitude radicale, sans la possibilité d’un oubli qui ne se limite pas au refoulement. » (Jacques Derrida XE « DERRIDA, Jacques », Mal d’archive. Une impression freudienne, Paris, Gallilé, 1995, p. 38). [↩]
- Signalons l’existence d’un texte de l’artiste Martin Beck retraçant une histoire d’Emigre. Voir Martin Beck, « How to Historicize a Typographic Moment » or « I Hope I Die Before I Get Old&nbsop;» (communication prononcée dans le cadre de Postscript, Künstlerhaus, Vienne, 24 octobre 2002), transcrit dans Julie Ault et Martin Beck, Critical Condition: Ausgewählte Texte im Dialog, Essen, Kokerei Zollverein, 2003. [↩]
- On trouva ensuite Emigre de manière plus durable chez Flammarion 4, Un regard autre, et à Bordeaux, à partir de 1996, chez Mollat (éléments basés sur la liste des distributeurs présentes à la fin de chaque numéro du magazine). [↩]
- L’éditeur new-yorkais se charge désormais de l’impression et de la distribution. Emigre fournit le pdf finalisé, Princeton Architectural Press en imprime 6000, en distribue 3500, et en donne 2500 à VanderLans. [↩]
- Voir Rudy VanderLans et Zuzana Licko, Emigre (The Book): Graphic Design into the Digital Dream, New York, Byron Preiss Book/Van Nostrand Reinhold, 1993. [↩]
- Voir Emigre No. 70. The Looking Back Issue, Selections from Emigre Magazine #1-69, 1984-2009. Celebrating 25 Years in Graphic Design, op. cit. [↩]
- Voir http://www.emigre.com/ [↩]
- J’en profite ici pour remercier chaleureusement Pascal Béjean de m’avoir permis de travailler sur sa collection. [↩]
- Le premier numéro de Merz intitulé « Holland Dada » avait un lien très fort avec le pays d’origine de VanderLans puisque qu’il célébrait une tourné organisée par Theo VanDoesburg en Hollande. L’hypothèse d’un rapprochement conscient a été posée lors du colloque. Interrogé postérieurement, Rudy VanderLans, dans un mail daté du 27 juillet 2012, affirme qu’il ne s’agit que d’une ressemblance qui n’a en rien dicté la graphie. Cela n’empêche aucunement de signaler ce rapprochement car il produit du sens. A ce compte signalons une autre curiosité. Si Steven Heller ne fait pas mention d’un rapprochement dans le lettrage, les deux revues, certes fort différente, se trouvent associées dans la fourchette vertigineuse du titre de son ouvrage De Merz à Emigre et au-delà. Le choix d’un tel titre est-il une façon pour Heller de se rédimer du jugement hâtif et quelques peu malheureux qu’il prononça en 1991 dans son fameux article « Cult of the Ugly » ? (Voir Steven Heller, De Merz à Emigre et au-delà. Graphisme et magazines d’avant-garde au XXe siècle, trad. fr. de Catherine Makarius, Paris, Phaidon, 2005 et Steven Heller, « Cult of the Ugly », in Eye, vol. 3, n° 9, 1993, pp. 52-59). [↩]
- Zuzana Licko est une des rares femmes présentes au panthéon de la typographie. Les fontes numériques Emperor, Universal et Oakland créées pour l’écran (aujourd’hui réunis au sein du pack Lo-Res) étaient en 1985 considérées comme râpeuses, tribales. L’Emperor, l’Oakland, l’Emigre, l’Universal jouent sur la rigosité du bitmap. Le Matrix et le Modula sont par contre plus classicisants. Emigre ne distribue pas que les fontes de Licko, Barry Deck fut l’un des premiers contributeurs extérieures avec l’inoubliable Template, déployé de façon audacieuse sur tout le long du dix-neuvième numéro d’Emigre (1991). [↩]
- Les photographies de Stéphane Massei ne sont évidemment pas numérisés (il est impossible d’avoir un tel rendu avec un numériseur en 1987). [↩]
- Piet Zwart cité en en exergue par Rudy VanderLans et Zuzana Licko, « The New Primitives », in I.D. Magazine, vol. 35, n° 2, 1988, p. 58.
Outre la référence à la figure centrale du graphisme hollandais – Piet Zwart est un contemporain du mouvement De Stijl – il est intéressant de souligner le fait que cette idée d’accompagner les avancées machiniques reste très moderniste, très fonctionnaliste, alors même qu’Emigre allait devenir la vitrine d’une émancipation dite « postmoderne ». Les paradoxes sont nombreux. Martin Beck concluait d’ailleurs sa communication de 2002 par la chute suivante : « What is ironic about the typography field’s embattled transition into a postmodern arena, is that it was enabled by one of the ultimate signposts of modernity: the Cartesian grid logic—the conceptual basis of digital design technology. However disintegrated, diffused, referential, or illegible the shape of individual letterforms set in a particular typeface had become, however anti-hierarchical and layered a layout looked, these mutations were technologically enabled by a geometric rationale that is more modernist than anything else » (Martin Beck et Julie Ault, op.cit., p. 289). [↩] - L’usage de ces logiciels est parfaitement visible sur les couvertures des numéros 9 à 12. [↩]
- Voir par exemple Andreas Pfeiffer, Applications graphiques pour Macintosh, Paris, Cedic/Nathan, 1985, ouvrage repris et augmenté dans Andréas Pfeiffer, Graphisme et mise en page sur Macintosh, Paris, Cedic/Nathan, 1987. [↩]
- Bernard Le Du (avec la collaboration de Alain Lalisse), Macintosh. Pour la presse, l’édition et la publicité, Paris/Berkeley/Düsseldorf, Sybex, 1985, p. 7. « Aujourd’hui, Macintosh et l’imprimante LaserWriter assurent presque l’ensemble de la chaîne éditoriale. » [↩]
- Gilles Deleuze XE « DELEUZE, Gilles » et Félix Guattari XE « GUATTARI, Félix », Capitalisme et schizoprénie t. 2. Mille plateaux, Paris, Éditions de Minuit, 1980, p 265. [↩]
- Ibid., p. 264. [↩]
- « [S]i la « connexion » marque la manière dont des flux décodés et déterrotorialisés se relancent les uns les autres, précipitent leur fuite commune, et additionnent ou échauffent leur quanta, la « conjugaison » de ces mêmes flux indique plutôt leur arrêt relatif, comme un point d’accumulation qui bouche ou colmate maintenant les lignes de fuite, opère une reterritorialisation générale, et fait passer les flux sous la dominance de l’un d’eux capable de les surcoder ». (Ibid., p. 269). [↩]