La côte ouest des États-Unis a connu un épisode caniculaire au cours des mois d’août et septembre 2017. La chaleur du soleil n’était cependant ressentie que lorsqu’on sortait des espaces clos. Après une heure quotidienne et climatisée dans les bouchons de l’Highway 101 et de l’Interstate 405, il était par exemple pénible de sortir de la voiture et de marcher sur le parvis de pierres blanches du Getty Research Center. En souvenir, en me rendant un matin à la bibliothèque pour consulter les archives de David Antin, j’ai pris une photographie avec un appareil numérique. L’appareil avait conservé les réglages de la balance des blancs que j’avais réalisés le jour précédent dans la salle de consultation sans fenêtre et éclairée au néon. La lumière de la photo est étrangement bleue. Lorsque je consulte les photographies de documents prises au cours des trois semaines de travail dans les archives, leur couleur change en fonction de mes réglages jour après jour.
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Le 21 août 2017, avant de me rendre à Los Angeles, je me suis rendu à New Haven pour consulter celles de Gertrude Stein à la Beinecke Rare Book & Manuscript Library. En sortant du bus Greyhound venant de New York, la lumière était presque argentée. Lorsqu’il y a trop de soleil, les yeux cherchent à s’adapter ce qui peut provoquer un léger vertige. Là, le vertige persistait. Dans un square tout proche de la bibliothèque, des gens s’installaient et scrutaient le ciel. Ils regardaient l’éclipse totale du Soleil, la première à passer au-dessus des États-Unis au XXI° siècle.
William Carlos Williams, finit la première section du Livre III de Paterson intitulée « Bibliothèque » par une vision de vertige :
et la pauvre araignée
tisseuse, sur les toits, qui se prépare
. regarde en bas
En fouillant parmi les livres ; l’esprit ailleurs
regarde en bas
Cherche.
Dans une coïncidence heureuse, le manuscrit rejoue la béance du vide. La sensation est proche de celle ressentie lorsqu’on plonge dans un amas de documents. L’expérience de l’archive, de la bibliothèque et de la lecture est corporelle. Dans son essai « Persistance », Lisa Robertson se sert de son corps comme d’un lutrin, il devient le lieu de contact avec le texte et à travers lequel le sens sédimente. A propos de son écriture, Emily Dickinson déclare en 1885 dans une lettre à sa belle-sœur Susan : « Émerger de l’Abysse, et y ré-entrer c’est la Vie, n’est-ce pas, ma Chère ? »
Plonger dans des documents, dans une lecture ou dans les interstices laissée par les blancs typographiques de l’écriture de Antin, induit un positionnement vertigineux. Ils sont le lieu d’une expérience visuelle paradoxale, à la fois séparation des mots et unification des membres des phrases, plongeon et lieu de repos.
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Un an plus tard, menant un peu plus loin mes recherches sur Antin et la présence inamovible du magnétophone dans son travail, je débute un cours sur l’histoire de l’enregistrement sonore et celle des techniques de reproduction de la voix. Pour illustrer un premier glissement entre invisibilité et visibilité des ondes sonores, je commence un de mes cours par la série de variations que le peintre Edvard Munch réalise au cours des années 1890 autour du motif de Songe d’une nuit d’été (La Voix). Ce qui m’intéressait, et ce malgré le titre qui se référait à William Shakespeare, c’était l’absence de bouche et l’omniprésence des yeux. Au fond de chacun des tableaux, gravures ou dessins, on trouve une sorte de « i » parfois inversé, formé par le soleil et son reflet sur l’eau. Une forme typographique apparaît pour signifier un objet naturel et son image projetée. Le sujet de la voix devient chez Munch celui de la lumière et de sa perception. Si le personnage féminin principal tourne le dos au soleil et fixe le spectateur, le regard de ce dernier finit immanquablement par se poser sur le soleil couchant. Je retrouve un même point aveuglant dans Le Soleil de 1909. Cette fois le sujet n’est pas seulement le reflet, mais aussi l’explosion du spectre lumineux. Cette lumière résonne avec celle brûlante du Getty.
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« le soleil se lève à intervalles réguliers plus ou moins régulièrement à l’est cela relève de l’ordre de la nature et il se couche à l’ouest », écrit David Antin. Le poète et critique n’aimait pas particulièrement les couchers de soleil, ses descriptions sont souvent terre-à-terre et lapidaires. Plus encore, les couchers de soleil sont pour lui « douteux » ou leur couleur rose est le produit de la pollution. Ce n’est pas le romantisme qu’ils peuvent évoquer qui le préoccupe, mais « l’effet de la lumière déclinante sur la visibilité ». De même pour l’éclat des explosions des bombes atomiques. La lumière aveuglante n’est pas révélatrice d’un apogée de la technique militaire, ni la trace visuelle d’une destruction, elle « appartient […] au système métaphorique que nous devons mobiliser lorsque nous essayons d’interpréter les peintures [ici celles de Rothko] ». Elle est entrée dans la culture visuelle. Comme un mot peut évoquer un champ sémantique, une peinture abstraite convoque les effets des perceptions lumineuses concomitantes. Les yeux brûlent ainsi à la vue des œuvres d’Ad Reinhardt – à la saturation des noirs des tableaux répond la saturation des blancs des murs de la salle d’exposition. La pupille se contracte. Et quand Antin réfléchit à la camera obscura, il parle de soleil et d’éclipse tout en se demandant si les yeux d’Aristote ont pleuré lorsqu’il a essayé de regarder le soleil.
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« Notebook 1979 »
Archives David Antin
Getty Research Institute
2008.M.56/Antin
Box 2, F 6
Déc 30
[xxx] Jeannette a appelé et Elly lui a demandé si elle avait aimé le livre sur la vision. Jeannette avait alors un problème terrible aux yeux – celui auquel on avait retiré la cataracte est entièrement aveugle – et l’autre a une mauvaise vue à cause d’un glaucome naissant, le stress et sa peur de devenir complètement aveugle. Le livre qu’Elly lui avait donné pour Noël était un livre philosophique – mais pratique pour s’exercer seule à avoir une meilleure vue, quels que soient les problèmes dont vous souffrez [xx]. « Je n’ai pas pu lire. Il m’a fait pleurer, » fut la réponse de Jeannette.
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Les deux dernières pages sur les sept que Antin consacre à Bottom : On Shakespeare de Louis Zukofsky dans un carnet daté de 1964 commencent par cette citation :
Ce qui est essentiel pour les caractères écrits, pour les mots, est le fait physiologique de l’amour, qui résulte de la vue, s’y accumulant, tout comme aux autres sens, et pénétrant l’intellect (qui, nullement dupe du Temps, ne fait défaillir l’œil), car l’art du poète doit informer et enchanter avec la vigueur de l’Amour (et avec les faiblesses de l’Amour, seulement parce qu’elles sont nécessaires.)
Comme s’il cherchait à vérifier les spéculations poétiques de Zukofsky, Antin trace sous cette citation le dessin du processus de vision esquissé dans le texte. Une flèche qui part d’une boîte de conserve pointe vers un œil schématisé. Dessous, on peut lire, relié par deux courts traits, le mot « CAN ». Sur la gauche, un peu au-dessus de l’œil, Antin a tracé un cercle relié à une oreille, elle aussi associée au même mot « CAN ». Juste devant ce mot se trouve un autre cercle, ouvert cette fois, qui semble représenter une bouche. Antin accompagne son schéma d’une note encadrée : « nommer c’est retenir / garder dans l’oreille ou le cerveau ». Il illustre ainsi les différentes interactions entre le cerveau (le cercle), l’œil et l’oreille (les deux schématisations), la bouche (le signe indéfini) et la chose vue (« CAN »), points cardinaux entre lesquels, selon Zukofsky, naviguent les opérations de lecture, d’écoute, d’intellectualisation et d’énonciation. Ce faisant, il rabat la dimension poétique dans le domaine ordinaire – « les faits physiologiques de l’amour » sont des fonctions qui ne concernent plus l’écriture mais une simple boîte de conserve.
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Wittgenstein écrit dans Remarques sur les couleurs : « Le papier que voici est plus ou moins clair selon les endroits ; mais puis-je dire qu’il est blanc à certains endroits et gris en d’autres ? – Certes, si je le peignais, je mélangerais en tout cas un gris pour les endroits plus sombres. » Le blanc, où qu’il se trouve, sur une feuille de papier, comme fond à la simulation de page de mon logiciel de traitement de texte ou entre les membres des phrases d’Antin est une surface de projection des ombres, l’inscription d’un gris typographique plus ou moins dense.
La première section des Remarques philosophiques propose quant à elle que « la re-présentation octaédrique [des couleurs] est une re-présentation synoptique de règles grammaticales. » Plus loin en ouverture de la quatrième section il précise :
« 39. L’octaèdre des couleurs est grammaire car il dit que nous pouvons parler d’un bleu tirant sur le rouge mais non d’un vert tirant sur le rouge. »
Grammaticalement, j’ai dans ma garde-robe un pantalon que je considère comme bleu mais que d’autres pensent gris, et un pull vert qui est lui perçu comme bleu. Dans une interview enregistrée au Centre Pompidou en 1982, David Antin parle des blancs typographiques comme des moyens de signifier des jonctures. En linguistique, ce sont les lieux de rencontre de deux morphèmes, de deux syllabes. Grammaticalement, encore, ceux des segments d’une phrase.
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Dans la section « 1.133 – § 3. The Observational Part of Philosophy † 2 » des Collected Papers de Charles Sanders Peirce, on peut lire :
Au sujet de divers obstacles plus sérieux, je mentionnerai cependant une fois de plus l’idée que percevoir ce qui se trouve devant nous à tout moment est une chose extrêmement facile. Mais le pire reste que tout homme devient plus ou moins imprégné de ses opinions philosophiques […] Mais même si elles sont justes, elles empêchent la véritable observation autant qu’une paire de lunettes bleues empêchera un homme d’observer le ciel bleu.
À ce constat d’échec de l’interférence de la perception, je préfère la proposition de Lisa Robertson qui dans « Color / Rose » expérimente le port des lentilles roses pendant quelques jours. Selon elle, « la lumière et les couleurs ont perdu leur distinction », le ciel est devenu violet et le lever de soleil est « teinté comme une tasse de café vive et irisée offerte en cadeau de mariage et sur laquelle l’apparition du soleil levant est acculée dans la partie la plus profonde de la tasse. » Si les nouvelles lentilles suppriment la mauvaise humeur, elles permettent aussi de penser et d’observer le monde comme une profondeur. Le rose n’a alors rien à voir avec le désir, plutôt avec l’expérience de l’intérieur d’un corps. « Les pores ouverts de la peau reçoivent et diversifient les images », écrit-elle.
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La première image de David Antin que j’ai vue était une vidéo sur Youtube. Quelqu’un avait uploadé une captation du déploiement de ses Sky Poems à Santa Barbara en 1987. On le voyait interviewé avec une veste et un chapeau blancs commentant les poèmes qui s’inscrivaient dans le ciel. La traduction de la lumière sur la bande, puis de la bande vers la plateforme numérique a rendu le ciel bleu électrique. L’image vibre et tire franchement sur le blanc lorsque la caméra se tourne vers le soleil et que le transfert sur bande ne permet plus d’accepter autant d’information lumineuse. Elle devient réellement surexposée et permet à peine de voir la vapeur d’eau blanche tracer les lettres sur le fond bleu du ciel. Par souci de transposition documentaire, le ciel devient un monochrome violet lorsqu’apparaît une version numérique en fin de bande. Dans une autre vidéo tournée à l’occasion de la seconde édition des Sky poems en 1988, les couleurs de l’image sont saturées. Le ciel et la mer sont d’un violet profond, les blancs sont oranges, la peau d’Antin est rouge et le vert des pelouses et des palmiers est entièrement irréel. Le passage par les différents transferts illustre la valence de la représentation des signes du monde naturel.
Dans son Autobiography of Red, Anne Carson écrit que les adjectifs « ont la charge de tout attacher dans le monde à sa place dans sa particularité. Ce sont les loquets de l’être. » Comme tout loquet, il est possible de les défaire. C’est ce qu’elle fait dès le titre en transformant l’adjectif « rouge » en nom, et de surcroît en nom propre.
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Le système des référents s’est constamment distendu au cours de cette recherche. L’écriture des textes sur et autour d’Antin a commencé en retard, et à rebours. J’ai d’abord découvert les premières traductions françaises des recueils d’Antin. Elles m’ont conduit, accompagné de Jean-François Caro, à travailler à une traduction du recueil parler aux frontières. David Antin était alors encore en vie. Puis, toujours avec Jean-François Caro, il a semblé nécessaire de pallier à l’absence de traductions de ces textes critiques sur l’art et la littérature. Ce n’est qu’ensuite, après leur publication, que j’ai pu me rendre dans les archives du poète. Antin était entre temps décédé.
Je n’ai connu la présence physique et la voix d’Antin qu’à travers les quelques vidéos disponibles en ligne. Une fois pourtant, j’ai failli l’entendre. C’était au téléphone, à Bruxelles, mais c’est Jean-François Caro qui lui parlait pendant que j’étais à côté. Jean-François se souvient ainsi de la scène :
C’était le lundi 12 octobre 2015. […] Nous attentions la réponse d’Antin au sujet du contrat d’achat de droits.
À l’époque, nous partagions un bureau place Loix. Nous étions vraisemblablement ensemble ce jour-là, et nous avons convenu d’appeler dans la soirée […]. Je me souviens de deux coups de téléphone, l’un sur la terrasse du Dillens [un bar près de notre bureau], l’autre dans mon salon. Le premier coup de fil, c’est forcément moi qui ai dû le passer, et je suis tombé sur Eleanor, dont je me souviens de la voix grave, chaleureuse et teintée d’ironie. Dans [un] e-mail, Charles Bernstein nous disait qu’il arrivait à David de ne pas répondre aux e-mails, et parfois oubliait certaines choses. […] Eleanor clarifie la situation : David n’avait pas oublié, il était très heureux d’apprendre notre projet, mais n’arrivait pas à lire le document. Je pense qu’elle m’a proposé de rappeler un peu plus tard, pour l’une ou l’autre raison. Et c’est ce que nous avons dû faire : nous sommes rentrés chez moi, et soit nous avons rappelé, soit elle nous a rappelés.
[…]. La voix de David était lointaine, très affaiblie, sa diction laborieuse, parfois difficilement compréhensible. Il était visiblement – audiblement ? – malade, mais semblait tout à fait lucide, plaisantant sur ces lettres trop petites qu’il n’arrivait pas à lire.
Nous avons finalement renvoyé un document avec des lettres plus grosses.
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L’été dernier, je préparais une série de cours autour de la poétesse Susan Howe. Dans son essai « The Disappearance Approach », elle revient sur la mort de son mari Peter Hare, disparu deux ans plus tôt. Le texte est pour elle l’occasion de parler du vide laissé par sa disparition à travers son expérience des manuscrits. Elle écrit par exemple :
Une trace peut-elle être la chose dont elle donne la trace, fixe comme jamais, réelle comme jamais – un ensemble choisi de fragments d’écho ?
Quelques années plus tard, dans Spontaneous Particulars – The Telepathy of Archives, elle publie un manuscrit du philosophe sur lequel se mêlent écriture et dessin, comme une forme de rébus qui n’aurait pas tout à fait stabilisé son statut. « The eye has me / L’œil me possède ». Dans The Midnight, elle écrivait déjà :
Bien qu’un signe soit compris comme consubstantiel à la chose ou à l’être qu’il représente, mot et image sont essentiellement rivaux. L’espace transitionnel entre image et écriture est souvent une zone de conflit. Ici nous devons déparer.
À l’image des conflits entre lettre et dessin repérés par qui tombe sur le rébus de Peirce, les différentes expériences visuelles et sonores autour des textes et des archives d’Antin sont des expériences où les signes déparent les uns des autres, comme deux vêtements qui ne devraient a priori pas être portés ensemble, mais dont l’assemblage construit un sens. Elles sont chacune des compléments qui se rattachent à la compréhension textuelle et visuelle des textes d’Antin.
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Dans son poème parlé « mémoriser enregistrer représenter », David Antin décrit la représentation extrêmement schématique d’un œil qui illustre le Traité d’optique d’Alhazen, écrit entre 1015 et 1021 – ici sa version latine typographiée de 1572. Il compare sa description à une camera osbcura. Plus loin, Alhazen aplatit l’œil comme si un anatomiste avait cherché à transformer un écorché en tableau abstrait et géométrique. Dans Le Dioptrique, René Descartes revient sur l’optique d’Alhazen et montre à son tour à plusieurs reprises un œil géométrisé accompagné cette fois d’un homme barbu qui en observe le fonctionnement.
Giorgio Agamben écrit à son propos dans « Le Je, l’œil et la voix » :
À travers le dédoublement ironique que l’image met en œuvre, l’œil qui regarde devient l’œil regardé et la vision se transforme en un « se voir voir », en une représentation au sens philosophique, mais aussi au sens théâtral du terme.
Qu’il s’agisse de l’énucléation distanciée de Descartes ou des situations d’observations chez Antin, la perception visuelle devient l’endroit d’une interrogation de représentations du sujet regardant et observant. Les descriptions et les récits d’observation sont pour Antin des moments où il s’observe regarder. Comme les récits biographiques et les expériences personnelles dont il parsème l’ensemble de ses poèmes parlés, ils passent par le filtre de leur narration en public. Les blancs de leur transcription typographique deviennent alors l’image rythmée de cette nouvelle couche. Non pas seulement la partition d’une lecture qui mimerait l’oralité, mais le lieu d’une représentation destinée au spectateur devenu lecteur.
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Dans un carnet de 1973, Antin réfléchit à la manière de jouer avec l’attention déclinante des spectateurs lors de ses longues performances. Après avoir envisagé différentes stratégies sonores ou narratives, il propose qu’il faut « [f]ournir – xx – une image d’ordre – ou plutôt plus particulièrement de xxx relations ». Souvent Antin dit ainsi rechercher une forme d’accord avec le spectateur au cours de ses performances. Les blancs seraient la matérialisation vide de ces relations.
Dans Eros the Bittersweet, Anne Carson écrit que le « pouvoir de séparation de l’espace » est une donnée fondamentale du désir. « Un espace doit être maintenu sinon le désir s’éteint », écrit-elle encore. L’érotisme ou le sentiment amoureux se construit autour d’une figure géométrique, un circuit à trois points où interagissent l’amoureux, celui qui est aimé et ce qui se trouve entre eux deux, un espace signe de l’éloignement, du manque et du désir. Dans ce triangle, la forme nominale du désir se mue en verbe et « électrifie » les transformations éventuelles. Et selon elle, une des manières possibles d’activer ce verbe se situe dans l’action du regard. « Jeter un coup d’œil peut être un […] projectile puissant » dans ce triangle d’énergie. Dans certains poèmes, les paupières font d’ailleurs vibrer l’intervalle séparant deux personnes. « Et quelque chose devient visible sur le chemin triangulaire où les volts se déplacent, quelque chose qui ne serait pas visible sans la structure tripartite. » Antin lui décrit une fumée blanche qui lors de sa transaction avec le public rend les silences visibles et d’une certaine manière matériels. Comme l’octaèdre des couleurs propose des relations grammaticales entre des points géométriquement situés, les silences des blancs typographiques rendent visibles les projections de désir d’atteinte de l’auteur et du lecteur par l’intermédiaire du texte.