À la fin de mon improvisation, je devais lui dire : « Et vous alors, est-ce que vous croyez aux fantômes ? ».[…] À la demande du cinéaste elle dit cette petite phrase : « Oui, maintenant oui. » […]
Quand deux ou trois ans après, alors que Pascale Ogier, dans l’intervalle, était morte, j’ai revu le film aux États-Unis […]. J’ai vu tout à coup arriver sur l’écran ce visage de Pascale, que je savais être le visage d’une morte. Elle répondait à ma question : « Croyez-vous aux fantômes ? » En me regardant quasiment dans les yeux, elle me disait encore, sur grand écran : « , maintenant oui. » Quel maintenant ? […]
J’ai pu avoir le sentiment bouleversant de retour de son spectre revenant me dire, à moi ici maintenant : « Maintenant… maintenant… maintenant, c’est-à -dire dans cette salle obscure d’un autre continent, dans un autre monde, là , maintenant, oui, crois-moi, je crois aux fantômes. »
Jacques Derrida, « Spectographies », in Jacques Derrida and Bernard Stiegler, Echographies of Television, Cambridge: Politiy Press, 2002