J’ai compris qu’il y avait dans ce livre une chose inexplicable, mais que je recherchais depuis longtemps. Une sorte de “hein?”.
Cette phrase de l’artiste Ed Ruscha, à propos de son livre Twentysix Gazoline Stations (1963), pourrait se rapporter aux œuvres réunies dans l’exposition A kind of “huh?” (Les Abattoirs-Médiathèque 8•11 2012—23•03 2013) de Jérôme Dupeyrat et Maïwenn Walter, avec Aurore Chassé, Claude Closky, Information as Material, Julien Nédélec, Ed Ruscha. Une installation, des volumes, des vidéos, des photographies, mais aussi de nombreuses éditions d’artistes, dont le fonds de la médiathèque des Abattoirs offre une remarquable connaissance. Des livres et des éditions d’artistes car une médiathèque est l’un des lieux les plus appropriés pour rendre visible ce type de productions. Des œuvres impliquant d’autres médiums que le livre et l’édition, car tout en offrant une alternative au fonctionnement conventionnel de l’art, les livres d’artistes ne constituent pas une sphère autonome, confidentielle ou marginale au sein de la création contemporaine, mais s’y inscrivent pleinement.
Les démarches dont l’exposition rend compte se fondent sur une mise en tension de ce qui est évident et de ce qui est indéchiffrable, de ce qui semble logique ou rationnel et de ce qui semble absurde, de ce qui est affirmé et de ce qui n’est pas dit, de ce qui est simple et de ce qui est hermétique, de ce qui est perceptif et de ce qui est déceptif. De cette tension résulte l’effet “huh?” : un effet ténu, fugitif, variable, qui se manifeste dans ce moment où ayant perçu une chose, on n’en saisit pas encore le sens ou l’objet ; lorsque la contradiction, l’ambivalence, le doute ou la perte de repères se chargent paradoxalement d’une valeur positive et constructive. Car l’effet “huh?” est en fait un moteur du processus de réception esthétique.