Lorsque le nouveau directeur prit ses fonctions à la Jan van Eyck Academie fin 2011, pour parer aux «cuts» du gouvernement et tenter de sauver l’établissement, l’un des problèmes qu’il pointa en direction des résidents («researchers») du département «Fine art» était le fait qu’aucun d’entre nous n’était un peintre au sens traditionnel du terme, avec une pratique d’atelier. Au-delà du trop faible taux de représentation néerlandais parmi les résidents, l’un des problèmes des effectifs était de ne pas incarner suffisamment les grandes catégories classiques de l’art ; ce serait le type d’argument que les commissions politiques en charge du maintien ou non de l’existence de la Jan van Eyck auraient à l’esprit pour établir leur expertise selon lui.
Deux mondes se rencontraient : que pourraient-ils donc comprendre à un travail tel que celui d’Adrien Lucca ? Résident de Janvier 2010 à Décembre 2011, Adrien Lucca était justement considéré par ses pairs (en toute amitié, et avec admiration) comme le peintre de la Jan van Eyck. Les «Études» de couleur de la série D65 (du nom de tubes fluo censés reproduire la lumière du jour d’Europe du Nord) qu’il y développait quadrillaient la surface de larges feuilles à dessin (160x110cm environ). Ces planches reflétaient le lent processus de réglages, d’un essai de trame à l’autre, dont l’objectif était de parvenir à un mélange de quatre (ou plus) pigments de couleur donnant du gris neutre ; le tout, expérimenté avec patience, précision et calculs, au tire-ligne dans l’atelier à de toutes petites échelles. Chaque planche de la série explorant des relations nouvelles entre couleur, papier et lumière, il y était aussi question d’équivalences visuelles (entre des trames géométriques variées, composées d’un différent nombre de couleurs organisées), de disparition, d’effets de transparence (ou de quelle façon une trame au tire-ligne peut ne pas apparaître, par mélange optique, par dessus l’impression numérique d’un nuage de points aléatoires ?), et de fausse lampe (simulation d’un point de lumière ponctuelle sur le papier).
C’est à cette même période, toujours à la Jan van Eyck, qu’Adrien Lucca débute son projet de transformateur de lumière, et dont témoigne notamment la conférence vidéo ci-après. Collaborant notamment avec Robert Ochshorn par la suite, à Netwerk, l’idée du transformateur de lumière consiste à superposer sur une surface la trace de la lumière ambiante et une image négative de celle-ci jusqu’à disparition mutuelle (En anglais, l’expression semble plus efficace et synthétique : «a negative picture of the light»). Au terme d’un lent mapping de la zone à uniformiser, les trames aléatoires de points noirs atténuent les différentes quantités de lumière présentes sur le mur, jusqu’à faire apparaître un monochrome gris, mélange donc de la lampe en place et de l’étude expérimentale de Lucca.