Maximage, Audimat 1, photographie Samuel Aubert

Friedensreich Hundertwasser, alors qu’il réalise, en 1983, six timbres pour le compte des Nations Unies, assure que : « les timbres représentent le niveau culturel d’un pays ». S’il avait été plus graphiste, il aurait peut-être pu préciser : « le niveau de la culture graphique d’un pays ». Il en va sans doute de même pour les outils visuels développés par les différents festivals estivaux et la dernière affiche de notre belle fête de la musique nationale n’est pas pour redorer le blason de l’exigence de notre France du graphisme. Il est pourtant des entreprises de résistance de la commande graphique qu’il convient de saluer comme celle des toulousaines Siestes électroniques.

Un festival auto-proclamé « aventureux » qui semble vouloir faire confiance à des graphistes qui paraissent tels et mener une politique éditoriale singulière. Par exemple en décidant de faire paraître sur la place publique une revue qui décale et prolonge ses actualités événementielles – sans doutes brûlantes – par une réflexion au long cours sur le fait que, comme le dit Samuel Aubert, son directeur artistique :

« la musique ne se résume pas à un déplacement d’air, elle ne peut être réduite à sa seule expression physique, elle véhicule inévitablement des images et des valeurs qui définissent un ensemble esthétique et social qui la dépasse ».

officeabc, Audimat 0, photographie Catherine Guiral

officeabc, Audimat 0, photographie Catherine Guiral

officeabc, Audimat 0, photographie Catherine Guiral

officeabc, Audimat 0, photographie Catherine Guiral

En 2012, la communication visuelle du festival, numéro 0 d’Audimat compris – la revue, donc, des cultures et des imaginaires des musiques plus ou moins électroniques – a été confiée à la luxuriance des associations libres du tandem officeabc auquel je cède la parole :

« L’enjeu était de donner une forme au contenu éditorial en s’écartant des modèles de la presse musicale. Le format Poche s’est peu à peu imposé après de multiples échanges et essais, notamment pour sa dimension économique et sa référence à l’histoire du livre.
La conception graphique a elle aussi joué des écarts et des transitions à la manière d’un pont musical. Fragmentation sonore, l’écho de l’Audi® et celui du Mat se détournent et se recollent en Audimat, titre de la revue.

La première couverture s’appuie sur le logo d’Audi, éclaté en autant de combinaisons permettant également de signer la fin de chacun des articles dans la revue. Imprimé en dorure à chaud, les signes circulaires, semi-circulaires, en somme lunaires, se répercutent, points visuels, sur la quatrième de couverture. Celle-ci est une table des matières où se lit, par cercle, la trame sonore de chaque article.
Sur l’intérieur des rabats, ainsi que sur la deuxième et troisième de couverture, une matière visuelle bruyante et graniteuse fait office d’ouverture aux textes. Ces derniers sont mis en forme en Albion, Wellingborough et Monotype Grotesque, autre jeu sophistiqué d’écarts où les ligatures ornementales de la Wellingborough rejouent la sensation de pont entre deux lettres.
La publication, enfin, est bornée par deux images: les phrares d’une Audi la nuit et le «roi» en mat.

Cet ensemble d’écarts et de jeux visuelo-sonores a comme point de départ l’anecdote suivante: Lorsque le constructeur de voitures August Horch ouvre son usine en 1899 il lui donne simplement son nom. Quelques années plus tard des querelles apparaissent à la direction de l’entreprise. Une nouvelle structure se crée qu’il faut rebaptisée. August Horch choisira “Audi, qui est certes un acronyme de Automobile Union Deutschland Industrie, mais aussi un petit jeu de mot de la part d’Horch, qui tient à laisser une trace de son nom de famille. ‘Horchen’, ‘écouter’ en allemand, se traduit en effet par ‘audire’ en latin.” »

Maximage, Audimat 1, photographie Samuel Aubert

Maximage, Audimat 1, photographie Samuel Aubert

En 2013, alors que l’affiche et le programme sont confiés au jeune studio parisien Large, le numéro 1 d’Audimat revient à la non moins jeune Société Suisse Maximage. Dans la droite ligne de la grande tradition helvète, mais avec un entêtement qui confine à l’humour à froid, au moins à la distanciation critique, Julien Tavelli et David Keshavjee ne retiennent des jeux linguistiques proliférants du premier opus que leur dimension formaliste minimale : un format, disent-ils « adapté », et une absence d’image. Un espace typologique dans lequel ils viennent conformer aux différents niveaux de texte de la commande les variations de gamme historicistes de leur neue typographie sériale Programme.

« Comme il fallait aussi intégrer une nouvelle de 70 000 signes (Les rouleaux de bois de Tristan Garcia) dans cette édition, nous avons décidé de séparer les articles et la nouvelle. Un sens de lecture et une couverture pour chaque. Comme notre typo programme a plusieurs variantes stylistiques, nous avons utilisé la version classique pour la nouvelle, et la version plus brute pour les articles.
Pour la couverture de la nouvelle, nous avons mandaté James Marsh, afin d’avoir une illustration forte au format livre de poche. James Marsh est un illustrateur qui a réalisé de nombreuses couvertures de romans que nous aimons beaucoup. »