En anglais, chaise se dit chair. En français comme en anglais, ce mot a évidemment de toutes autres résonances.
La chaise est une prothèse anatomique qui semble rejouer la structure du corps par analyse ou par empreinte. La chaise est en particulier cet objet plus ou moins sourdement libidinal qui concentre son support dans l’assise, sous les intimités dissimulées des uns et des autres. La chaise est aussi ce lieu de toutes les projections et de tous les exercices de style des designers d’ameublement. La chaise est l’objet du désir du design de l’objet.
Olivier Lebrun vient de mette en livre pour Onomatopee le projet The Chair Affair, une série photographique salace proposée par le couple formé par l’artiste Margriet Craens et le designer Lucas Maassen. Il s’agit de tout un kama sutra de positions érotiques réalisées par un catalogue de l’histoire plus ou moins exigeante du design de chaises, parfois légèrement humanisées par de tendres gilets, saisi en couleur sous lumière crue.
Le format de l’édition est ténu, à l’échelle de la main et de la presse du cœur. Une sur-couverture à oculi vient proposer ses brillances ocultantes et ses imageries rêvées de moment d’exception. L’histoire d’amour d’ameublement prend avec distanciation et esprit faussement potache des airs de roman photos pour dame et d’erotic novel. Les espoirs de pulsion scopique de masse et de rendez-vous de charme débouchent, en première, sur un accouplement mobilier, et en quatrième, sur la vision auto-réflexive, mais toujours mainstream, d’un objet de la focalisation démocratique des regards devenu, comme tout un chacun, voyeur. L’intérieur vient prendre en sandwich un cahier de nouvelle érotique par tout un effeuillage de figures acrobatiques mobilières. Le texte de labeur écrit par Twan van Bragt s’habille du corps imposant aux graisses mouvantes d’une didone romantique marquée de soudaines inflexions cursives. D’abord sensible aux usages du roman, le rectangle d’empagement confortable se projette hors-champ en marge de tête et de pied pour un effet d’échange internet1 ou de prompteur de série télévisuelle qu’on devine sinon érotique, du moins sentimentale.
La figure du cercle de l’iris, de la lune romantique, du soleil euphorique et du cycle de la narration troublante s’achève non sans cynisme sur l’angoisse d’une liaison sans lendemain…2