Le cinéma n’est pas la photographie. Le cinéma n’est pas seulement du grain, des présences, un cadrage définissant une certaine relation du champ plus ou moins profond et du hors-champ, une échelle des plans, une lumière. Du jaune, du blanc, des nuances de gris. Le cinéma c’est du mouvement. Lumière, action.
Et le cinéma n’est pas un art du mouvement seulement parce qu’il est constitué d’une « bande image ». Parce qu’au sein de la surface de projection qu’il circonscrit, l’image est animée de mouvements.
Le cinéma est cinématique parce qu’il est, comme la parole, comme le texte, un langage de la suite, une forme technique du montage qui distribue les significations, opère par séparation, ponctuation et rapprochement.
Le cinéma est aussi cinétique parce que son cadre est animé de mouvements internes et externes, zoom, travelling, panoramique, tressant champ et hors champ.
Robert Massin1 et Pierre Faucheux2 ont déjà parlé de la manière dont ils avaient pu intégrer dans la vieille forme bibliophile la dynamique populaire du cinéma. Mais il y a plusieurs façons pour les informations de participer à la cinétique du livre.
D’abord, et l’aventure des clubs du livre en a usé et abusé, les pages liminaires du livre, entrée et sortie, sont le lieu du défilement de possibles génériques, de la mention de ce et ceux qui génèrent les matières du livre. Un encadrement à la fois perceptif et rhétorique qui ouvre et referme la dynamique de l’ouvrage en l’articulant à ce qui n’est plus ou pas encore lui.
Le cinéma peut aussi se retrouver dans la rythmique des rubriques du livre. Une structure narrative ou logique accusée par des différences des matières et des couleurs du support papier. Noir, lumière, valeurs de gris. Contrastes des corps typographiques, défonces. Cut, panneau, iris, fondu.
Enfin, la bande des images, des merveilleuses images, peut venir jouer son petit air cinématique en traversant le corps du livre. Elle peut venir déborder la séparation interne du pli de la page double ou le bord extérieur de la simple page. Cadrage débordement, promesse cinétique de la page tournée, effet de hors-champ.
Elle peut aussi, et peut-être plus étonnamment, glisser dans l’ombre de la reliure névralgique du livre pour réapparaître à la fin de la séquence du cahier texte suivant. Montage alterné, raccord sur le mouvement…
Illustrations : Maquette & mise en page, Pasolini Roma, Skira Flammarion, 2013
- Robert Massin, « On dĂ©testait le code typographique et toutes les règles anciennes de composition » in La typographie du livre français, Presses universitaires de Bordeaux, 2008 [↩]
- Pierre Faucheux, « Les mĂ©tamorphoses du livre Ă partir de 1946 », in Histoire de l’édition française tome 4. Le Livre concurrencĂ© 1900-1950. sous la direction de Henri-Jean Martin, Roger Chartier et Jean-Pierre Vivet, Paris, Promodis, 1986 [↩]