I first discovered Zeno when reading the memoirs of English philosopher and mathematician Bertrand Russell. In 1914,
Russell wrote that “Zeno’s arguments, in some form, have afforded grounds for almost all theories of space and time and infinity which have been constructed from his time to our own”. A century later, this statement continues to ring true, as is evidenced by Nicolas Pineau’s essay on Zeno, La cigale par les ailes (Æthalidès, 2019).
In an extract from his recent book About Time, cosmologist Adam Frank, in a chapter called “The End of Beginnings and the End of Time” discusses the theories of Julian Barbour, whom he describes as “so thoroughly a rebel that he has spurned the world of academics”:
“As we live, we seem to move through a succession of Nows”, says Barbour, “and the question is, what are they?” For Barbour each Now is an arrangement of everything in the universe. “We have the strong impression that things have definite positions relative to each other. I aim to abstract away everything we cannot see (directly or indirectly) and simply keep this idea of many different things coexisting at once. There are simply the Nows, nothing more, nothing less.”
The echo of Russell’s voice comes from over a century ago, with his “at-at” theory of movement, which states that “to
be in motion is to be at different places at different times”, itself an echo of Zeno, who abolished motion when he said “What is in motion moves neither in the place it is nor in one in which it is not”; in other words, nothing moves during any instant, but time is entirely composed of instants, so nothing ever moves.
La cigale par les ailes, eight chapters covering the life and thought of Zeno, through the words and writings of Samuel Beckett, Paul Valéry, Jorge Luis Borges, Gilles Deleuze et Roland Barthes among others. The voice of the author is here, and we have the impression that he faces the figures alongside us, that he is, like us, marveling at the stories being told. We are also accompanied by Marion Cachon who gives shape to Nicolas Pineau’s ideas, creating a rich back and forth between the text that one reads, the text that one sees and the book-object in one’s hands.
The author, the authors, of the text and of the book, alongside us, pointing out this or that detail, guiding our gaze.
The book is wonderfully crafted. The text is wonderfully crafted. The four hands at work have created something of rare intelligence. It is a joy to read. Returning to the End of time I read:
“Barbour’s Nows can be imagined as pages of a novel ripped from the book’s spine and tossed randomly onto the floor.
Each page is a separate entity existing without time, existing outside of time. Arranging the pages in some special order and moving through them in a step-by-step fashion makes a story unfold. Still, no matter how we arrange the sheets, each page is complete and independent. As Barbour says, “The cat that jumps is not the same cat that lands”. The physics of reality for Barbour is the physics of these Nows taken together as a whole. There is no past moment that flows into a future moment. Instead all the different possible configurations of the universe, every possible location of every atom throughout all of creation, exist simultaneously. Barbour’s Nows all exist at once in a vast Platonic realm that stands completely and absolutely without time.”
Borrowing a trick form the Argentinian, I could just as easily say of The Cigale par les Ailes that “Each page is a separate entity existing without time, existing outside of time. Arranging the pages in some special order and moving through them in a step-by-step fashion makes a story unfold. Still, no matter how we arrange the sheets, each page is complete and independent”, and conclude with “The book that one picks up is not the book that one puts down”.
Illustrations, fragments and whole images, paintings, engravings and illustrations, placed and considered as a whole, a more than the sum of its parts come to expand and open out the text, and the texts behind the text, we scrape away the layers and there are more underneath, perhaps as in the paradox, where we cut the distance to be covered in half, to then cut those distances in half, and so on until we realize that the texts behind the texts behind the texts stretch out forever, or at least as long as the word has existed. This is the true beauty of such a text – an arrow that was loosed many centuries ago continues its flight.
The book concludes with a reproduction of The Tomb of the Diver, an archaeological monument, built around 470 BC, and the author writes: “…the paradox as an image of thought: this is what the suspended gesture of the diver brings to mind, the human comma in an infinite movement of creation, a passer of forms and textures, a formidable transmitter of eternity”.
La cigale par les ailes is published by Aethalides as part of their “de sable plain” collection of essays.
« Tout à coup un ivrogne traversa en zigzag le trottoir… »
Je découvris Zénon pour la première fois en lisant les mémoires du philosophe et mathématicien anglais, Bertrand Russell. En 1914 Russell écrivit : « Les arguments de Zénon ont fourni la base à presque toutes les théories de l’espace, du temps et de l’infini qui ont été proposées depuis son époque ». Un siècle plus tard, cette déclaration continue à sonner juste comme le montre l’essai sur Zénon de Nicolas Pineau, La cigale par les ailes.
Dans un extrait de son dernier livre, About Time, le cosmologue Adam Frank, dans un chapitre intitulé « The End of Beginnings and the End of Time », explore les théories de Julian Barbour, un scientifique « tellement révolté qu’il a éconduit le monde universitaire ».
« En vivant, il semble que nous traversons une succession de « Nows » ou de « maintenants »  dit Barbour, « et il s’agit de comprendre quelle est leur nature ». Pour Barbour chaque « Now » est un agencement de tout ce qui existe dans l’univers. « Nous avons la forte impression que les choses ont des positions définies les unes par rapport aux autres. Je cherche à faire abstraction de tout ce que nous ne pouvons pas voir (directement ou indirectement) et tout simplement retenir cette idée de la coexistence de nombreuses choses différentes à la fois. L’univers est composé simplement de ces « Nows », rien de plus, rien de moins. »
L’écho de la voix de Russell nous parvient d’il y a plus d’un siècle, avec sa théorie « at at » du mouvement, qui dit que « d’être en mouvement est simplement être à des endroits différents à des moments différents », une déclaration qui fait écho à Zénon lui-même quand il abolit le mouvement en disant : « Ce qui est en mouvement ne bouge ni à l’endroit où il se trouve ni à l’endroit où il ne se trouve pas » ; rien ne bouge à aucun moment, le temps est entièrement composé de moments, donc rien ne bouge jamais.
La cigale par les ailes comporte huit chapitres, traversant la vie de Zénon et de sa pensée, à travers des mots et des écrits de Samuel Beckett, Paul Valéry, Jorge Luis Borges, Gilles Deleuze et Roland Barthes. La voix de l’auteur est là , et on a le sentiment qu’il est à nos côtés, émerveillé comme nous face à ce que le livre nous raconte. Nous sommes aussi accompagnés par la graphiste Marion Cachon, qui donne forme aux idées de Nicolas Pineau, créant un jeu entre le texte qu’on lit, le texte qu’on voit et le livre qu’on manipule. L’auteur, les auteurs, du texte et du livre, nous pointent des détails ici et là , guidant notre regard vers des fragments et vers l’ensemble.
Le livre est façonné de manière remarquable. Le texte est écrit de manière remarquable. Le travail à quatre mains a créé quelque chose d’une rare intelligence. C’est une joie de le lire. Revenant à The End of Time, je lis :
« Les « Nows » ou « maintenants » de  Barbour peuvent être imaginés comme des pages d’un roman arrachées du livre et jetées au hasard sur le sol. Chaque page est une entité à part entière, qui existe sans notion de temps, qui existe en dehors du temps. En organisant les pages dans un ordre précis et en les parcourant pas à pas, une histoire se dévoile. Néanmoins, peu importe la façon dont nous organisons les feuilles, chaque page est complète et indépendante. Comme le dit Barbour, « le chat qui saute n’est pas le même chat qui atterrit ». La physique de la réalité pour Barbour est la physique de ces « Nows » considérés comme un ensemble. Il n’y a pas de moment passé qui se jette dans un moment futur. Au lieu de cela, toutes les différentes configurations possibles de l’univers, chaque emplacement possible de chaque atome à travers toute la création, existent simultanément. Les « Nows » de Barbour existent tous en même temps dans un vaste royaume platonicien qui se tient complètement et absolument sans temps. »
En empruntant un tour de l’Argentin, je pourrais aussi bien dire de La cigale par les ailes que chaque chapitre est une entité à part entière, qui existe sans notion de temps, qui existe en dehors du temps. En organisant les pages dans un ordre précis et en les parcourant pas à pas, une histoire se dévoile. Toutefois, peu importe l’agencement des feuilles, chaque chapitre est complet et indépendant, et de conclure avec le livre que l’on ouvre n’est pas le livre que l’on ferme.
Des illustrations, des fragments d’images et des images entières, des tableaux et des gravures, organisés et considérés comme un ensemble, un « plus que la somme de ses parties » qui étend et ouvre le texte, et les textes derrière le texte, et les textes derrière ces textes-là . On creuse les strates et là encore, peut être comme dans le paradoxe de Zénon où on coupe la distance en deux, pour ensuite couper la moitié en deux, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’on se rende compte que les textes derrière les textes s’étendent à l’infini, ou au moins jusqu’aux origines du mot. Voici la vraie beauté d’un tel texte – une flèche libérée des siècles auparavant continue son trajet.
Le livre se termine avec l’image de la fresque de la Tombe du Plongeur, datant du Ve siècle avant J.-C., et l’auteur nous dit : “…le paradoxe comme image de pensée : voilà ce que nous rappelle le geste suspendu du plongeur, homme virgule dans l’infini mouvement de la création, passeur de formes et de textures, formidable embrayeur d’éternité”.
La cigale par les ailes est publiĂ© par Aethalides dans le cadre de sa collection d’essais « de sable plain ».