La forme est un ancien moule romain dont l’appellation se constitue par un genre de contrepèterie dite « française » ou « de salon »1, plus académiquement appelée métathèse, du grec morphê. La forme est un contenant qui ne sera défini que par son contenu, son in-formation.
Le suffixe pesant -at, reçu du participe passé italien formato, accolé à l’issue du mot forme, lui donne quelque chose de plus immanent et tangible. Le format tient plus du médium, du support, de ce qui concrétise l’information en lui imposant certaines contraintes. Alain Rey nous rappelle que le format – en informatique mais selon nous pas seulement – est un « modèle définissant les règles à observer pour les dimensions des informations et leur disposition »2. En quelque sorte le format est un medium dont Régis Debray nous assure qu’il est à la fois message – statut, point de locution qualifiant –, medium – moyen de la transmission –, milieu – milieu proprement écologique de la vie des messages et des signes, avec leurs familles, leurs grands prédateurs – et médiation – effet productif de cette relation .
Le message, le médium, le milieu, la médiation. M de message, comme militance, messianisme, ministère. M de médium, comme mémoire, matériau, machinerie, monument. M de milieu, comme monde, mode, macro-système technique, moyenne (bande), in medio stat virtus. M de médiation, comme mélange, malédiction ou miracle.
RĂ©gis Debray3
Inventer un format n’est pas chose facile. C’est pourtant ce que viennent de réussir Anouk, Mona et Morgane, trois étudiantes en art ou en design graphique des écoles des beaux arts de Lyon et de Valence, lors des derniers mouvements sociaux lyonnais. De longs bâtons fichés de textes multicolores devenaient à la fois des étendards et des supports proprement éditoriaux des mouvements sociaux et politiques du moment.
Chaque manifestation était l’occasion de la réalisation de petits imprimés plus ou moins colorés typographiés avec soin et esprit d’une sélection de textes choisis selon la définition anglaise de l’editor – celui qui choisit et monte les contenus qui vont être donnés à la lumière du jour4.
Puis cette sĂ©lection de textes Ă©tablie dans un rapport oblique et ouvert avec les revendications, renouvelĂ©e pour chaque Ă©vĂ©nement, vient prendre place sur les attaches fragiles du bâton devenu support et emblème de la manifestation, de l’Ă©mergence publique des formes qui peuvent constituer la place publique. Les textes se fichent, s’affichent, s’envolent Ă la rencontre d’un nouveau public. Le bâton de parole et de lecture devient le support lĂ©ger de la rencontre, de l’échange, de l’information, de la rĂ©flexion et de l’individuation.
- Contrepèterie sans contenu inconvenant sur lequel pèserait un quelconque interdit. [↩]
- Alain Rey (dir.), « Format », Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française, Dictionnaires Robert, Paris, 2000, Tome 2, p. 1460 [↩]
- RĂ©gis Debray, « Histoire des quatre M », Les cahiers de mĂ©diologie, N° 6, Gallimard, Paris, 1998, p.8 [↩]
- Selon Alain Rey, Ă©diter provient du latin edere « produire, mettre au jour », liĂ© probablement au verbe dare « donner », « Ă©diter », Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française, op. cit., tome 1, p. 1188 [↩]