Ferdinand de Saussure a pu opposer la langue et l’écriture. Dénonçant le « prestige de l’écriture » il a préfèré pour son étude de la langue, s’intéresser à l’expression orale et à ses « images acoustiques » que Platon pensait déjà plus proches de la mémoire « interne », du « discours vivant » de la pensée1.
Pauvre écriture, pour Saussure son « unique raison d’être […] est de représenter […] le système de signes de la langue [confondue avec son expression orale] »2. La voilà réduite à un système de substitution3. Un système traitre, presque immoral, en tous cas bien inefficace, qui ne parvient pas à suivre les évolutions de la vie des langues, qui multiplie les signes inutiles, les équivalents confus, les valeurs changeantes. Saussure parle de « tyrannie de la langue »4 et accuse : « l’écriture voile la vue de la langue : elle n’est pas un vêtement, mais un travestissement […] l’image visuelle arrive à créer des prononciations vicieuses »5.
Heureusement d’une faiblesse un peu coupable peut parfois naître un bien. Dans l’espace du désaccord économique « entre graphie et son », on peut cultiver le jeu dont on sait qu’il est aussi une distance, un écart nécessaire au fonctionnement des engrenages, comme ceux de la machinerie poétique et drolatique que les récentes et tautologiques éditions éditions proposent avec leur dernier exercice sémiotique en forme de calembour typographique Haut mot faux nids.
- Platon, Phèdre, 274b-278e [↩]
- Ferdinand de Saussure, « Prestige de l’écriture » Cours de linguistique gĂ©nĂ©rale, Paillot, Paris, 2005 (1916), p. 45. [↩]
- Ferdinand de Saussure, « DĂ©saccords entre graphie et son » Cours de linguistique gĂ©nĂ©rale, ibid., p. 48. [↩]
- Ferdinand de Saussure, « DĂ©saccords entre graphie et son » ibid., p. 53. [↩]
- Ferdinand de Saussure ibid., p. 53. [↩]