Exposer un travail éditorial est une affaire délicate, et d’autant plus si l’exposition rétrospective signe la fin d’une collaboration, un « split », pour rester dans l’esprit du titre du studio Hey Ho qui s’est placé pendant près de cinq années, non sans ironie, sous la bannière bruyante de l’énergie butée et carrée du stéréotype punk rock des Ramones.
Pour entrer dans le vif du sujet, un large extrait de la feuille de salle de l’exposition « Sans plein, ni délié » écrite par Christophe Lemaitre :
À l’économie, Hey ho dépouille de ses propositions l’inutile : pourquoi donc s’embarrasser des pleins et déliés ? La sobriété élégante, physique et austère du studio signe de façon remarquée les identités graphiques des éditions Galaade et du journal Particules en 2006 et 2007. La grille de mise en page architecture leurs livres, généralement composés à peu de couleurs, et avec le moins de polices de caractères possible.
À l’invitation de produire ce projet rétrospectif (le studio s’est séparé en 2010), la question posée par Thomas Petitjean et Julien Hourcade fut la suivante : Dans le cadre d’une exposition, comment présenter des livres sans donner à voir en réalité le travail présenté par ces livres ? C’est-à -dire, comment présenter ces objets sans renvoyer par définition à l’artiste du-dit catalogue ou à l’auteur du-dit roman mis en forme par le graphiste ? Comment se suppléer à son contenu pour redevenir, en tant que graphistes, le sujet même du livre, pour sa forme et seulement sa forme (au moins le temps de l’exposition) ?
Évidemment, tout livre est dénotatif, à la manière d’une image. De la même façon que la photographie d’un coucher de soleil donne à celui ou celle qui la contemple la sensation d’assister (de percevoir, réellement) à un coucher de soleil, la lecture du « Mont Analogue » apporte au lecteur le sentiment véritable d’entreprendre le voyage vers l’île de René Daumal ; loin du lecteur l’idée d’apprécier l’interlignage et l’élégance des caractères. Ni le photographe, ni le graphiste ne semblent convoqués. Pourtant l’auteur du livre, ce n’est pas le romancier, mais bien le graphiste (Le romancier n’est que l’auteur du texte).
L’exposition de Thomas Petitjean et Julien Hourcade ne présente donc volontairement pas de livre mais une série de 5 posters grand format, édités à 500 exemplaires et laissés à la disposition des visiteurs. Ces 5 images sont autant de zooms, brusques recadrages au plus près des trames, dans les pages de 5 livres réalisés (et choisis pour l’occasion) par Hey ho.L’identité des contenus s’évanouit, seule reste une gamme de textures. C’est alors, bien qu’excédée, une image qui contient le livre plutôt qu’un livre qui contient des images.
Exposition au Pavillon Blanc à Colomiers jusqu’au 20 avril.