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Voici le genre de lettre qui peut aisément concerner le commun des graphistes. Un genre de lettre qui se permet de remettre en cause la participation gratuite à un concours. Un genre de lettre qui, avec Pascal Béjean, Pierre Bernard et l’AFD peut nous enjoindre à ne pas être motivé à collaborer à l’aberration, à simplement résister, ou plutôt à tenter de fonctionner…
« Monsieur,
Nous sommes des graphistes, soutenus par d’autres professionnels des métiers du design.
Nous prenons connaissance de votre avis de marché.Votre projet est formidable. Votre désir de lui apporter un soin graphique vous honore. Malheureusement, la lecture du règlement ne nous encourage pas à y donner suite, car le cahier des charges impose aux candidats des modalités inacceptables.
Permettez-nous de vous apporter notre regard sur votre projet.Pour choisir une équipe de designers graphiques pour la réalisation d’un rapport annuel, vous organisez un appel d’offre qui exige le rendu de maquettes sans prévoir d’indemnités pour ce travail.
Cette méthode témoigne d’une méconnaissance de la profession de designer graphique. Elle méprise le principe selon lequel tout travail mérite salaire.
D’autres pays de la communauté Européenne – dans un esprit de partenariat et de respect – rémunèrent les propositions créatives quand elles sont exigées.
Nous dĂ©plorons qu’une structure publique et de plus une Ă©cole rĂ©putĂ©e d’arts graphiques offre pareil exemple de la considĂ©ration accordĂ©e aux acteurs des domaines intellectuels, artistiques et du design.Votre projet est clair.
Y répondre graphiquement de façon satisfaisante réclame un investissement d’énergie et de temps non négligeable.
Y répondre gratuitement signifie avoir les moyens (comme beaucoup d’agences de grande taille, grâce à des employés peu ou pas rémunérés, ou à une facturation autrement plus onéreuse que les petites équipes), ou y passer très peu de temps. En général, il n’en ressort que des propositions graphiques très pauvres.
À l’époque où nous vivons, il ne nous semble pas valorisant pour une structure comme la votre d’encourager le gaspillage d’énergies et de compétences dont nous avons tous besoin pour développer notre économie, et par là même celle de notre pays.À titre d’information, répondre à votre appel d’offres représente environ 3 jours de travail pour qui voudra s’y consacrer sérieusement. Selon une moyenne européenne, une journée de travail pour une seule personne (salaire, charges sociales et de structure) est évaluée à 500 Euros hors taxes, droits d’auteurs non compris, puisque cela concerne les projets non retenus.
L’inacceptable sélection sur projets non indemnisés est une option trop facile, qui dé-responsabilise et discrédite le commanditaire, d’autant s’il est un opérateur culturel. Trop communément adoptée, elle est une perte de temps et d’argent pour les designers et pour les commanditaires, alors que les projets menés en étroite collaboration et en bonne intelligence aboutissent le plus souvent sur des projets éditoriaux de qualité, à la satisfaction des deux parties.
La méthode idéale serait de convier dans votre équipe une personne connaissant notre profession et apte à apprécier les qualités des candidats, afin d’en retenir 3 qui travailleront à un projet correspondant à l’indemnité que vous pourrez accorder aux 2 graphistes non retenus.
Sélectionner une équipe sur dossier est la meilleure option lorsqu’un budget est trop limité pour indemniser les participants. Cela permet un dialogue enrichissant, et des solutions graphiques et techniques adaptées au sujet.C’est donc à regret que nous refusons de répondre à votre appel.
Nous espérons que vous aurez compris le sens de notre démarche qui se veut constructive, et que vous aurez été sensibilisée à ces questions pour vos prochaines consultations.
Pour plus d’informations, nous joignons à ce courrier un texte rédigé par l’Alliance Française des Designers. Nous vous invitons également à visiter le site http://www.alliance-francaise-des-designers.org/les-marches-publics.htmlNous restons à votre disposition pour en parler.
Bien cordialement. »
illustrations : lettre et réponse à la lettre de non-motivation de Julien Prévieux.
Cette lettre est destinĂ©e aux arts dĂ©coratifs de Strasbourg. Une intervention du type qui s’est liĂ©e Ă d’autres interventions de graphistes et de responsables du domaine graphique a dĂ©jĂ rĂ©ussi Ă faire modifier l’appel d’offre de l’identitĂ© de l’ESAD Paris. Evidement on ne peut prĂ©sager de l’effet de chaque courrier mais il parait important de se manifester face Ă ce qui parait dommageable.
Et alors finalement, est-ce que l’intervention de ces graphistes avait rĂ©ussi Ă faire changer la politique d’appel d’offre de cette « Ă©cole rĂ©putĂ©e d’arts graphiques »?
on peut s’appuyer sur l’exemple de l’appel d’offre de l’ESAD de Strasbourg pour l’exposition des diplĂ´mes 2011