Dans le magnifique Les mots et les choses, Michel Foucault s’intéresse, avec une langue splendide, à la question de la représentation à la Renaissance et à l’âge classique, soit à la scène primitive de notre pensée moderne. Comment on découvre ou on découpe dans le réel un ordre des choses… Comment on l’exprime par le langage ou le discours. Comment le jeu intriqué de ce double effort de représentations définit une pensée du monde et de l’humain.
À un moment, il en appelle, pour parler de la pensée d’identités et de différences de l’âge classique, à l’exemple des calligrammes botaniques de Carl Von Linné. Il relève ce rêve typographique d’inscrire, dans le texte même, l’apparence visible de l’animal, ou plutôt l’expression de sa /structure/, analyse des rapports visibles des parties distinctes de l’animal. Cette structure « capable de limiter et de filtrer le visible ».
« Il voulait [ nous dit Foucault] que l’ordre de la description, sa répartition en paragraphes, et jusqu’à ses modules typographiques reproduisent la figure de la plante elle-même. Que le texte, dans ses variables de forme, de disposition et de quantité, ait une structure végétale. […] Il faudrait qu’on sépare la description en autant d’aniléas qu’il existe de parties dans la plante, qu’on imprime en gros caractères ce qui concerne les parties principales, en petites lettres, l’analyses des “parties des parties”. […] Transposée dans le langage, la plante vient s’y graver, et, sous les yeux du lecteur, elle recompose sa pure forme. Le livre devient l’herbier des structures. »
illustration Anne de Vries, plant.