Jacques Rivière n’a pas été que le directeur de La Nouvelle Revue Française que l’on sait. Il a aussi écrit. Par exemple, entre symbolisme et surréalisme, entre influences de Claude Debussy, d’Henri Bergson, ou de son ami Alain-Fournier, une Introduction à une métaphysique du rêve.
C’est ce nouveau texte de passage entre les catégories littéraires qu’ont proposé les Éditions du Chemin de Fer aux talents de metteurs en livre d’enseignants et d’enseignés de l’École Supérieure Art et Design de Grenoble-Valence.
Un troisième opus pour la collection Cheval Vapeur, en train de tenter de modestement régénérer les ambitions d’une typographie expressive, lisible et joueuse, dans le sillage des clubs des livres, par un tour des écoles du graphisme français.
Mais laissons la parole à Margot Baumard, Sébastien Biniek, Gauthier Plaetevoet et Angelica Ruffier qui ont travaillé sous l’égide de David Poullard :
« L’Introduction à une métaphysique du rêve a d’emblée soulevé de nombreuses questions en nous. En effet, il semblerait que pour Jacques Rivière, la rationalité occidentale signe la fin de l’imaginaire et que le progrès technique est symptomatique d’un délitement de la force créatrice de l’individu. Ce que propose la collection Cheval Vapeur est un sorte d’exercice du regard, l’interprétation graphique d’un texte littéraire dans le cadre de sa réédition. L’inscription de cette pensée dans un objet technique — le livre — constitue alors en soi un paradoxe à la spontanéité, dans la mesure où les ressorts créatifs dont on use, reposent sur notre capacité à jouer des techniques de mise en forme. Quelque part, ce projet se nourrit donc de ses propres contradictions.
L’iconographie a été extraite d’un ensemble hétéroclite d’ouvrages, tous contemporains du texte de Rivière et ayant pour point commun de produire un regard sur le paysage physique : atlas, cartes postales, etc. Ce sont des images reproduites, passées par le prisme de la machine, tramées , colorisées, retouchées. Toutes ces actions font figure de supplément non narratif, qui créent de l’incertitude dans l’image photographique. Agrandies et re-cadrées partiellement, leurs trames vibrent différemment, créant des inégalités, des disparités et des dialogues singuliers, ouvrant des espaces à l’interprétation, à la stimulation de l’imaginaire. Fonds perdus de manière non systématiques, elles se succèdent comme des flashs, des accidents, dans une séquence consécutive au texte. Sorte d’écho pouvant interférer avec les images formées dans l’imaginaire du lecteur. L’inquiétude qu’elles provoquent réside peut être dans la difficulté à saisir leur sens et à déterminer leur forme comme les rêves au réveil.
Pour le texte de Jacques Rivière et ainsi qu’à certains endroits dans le péri-texte, nous avons préféré ne pas circonscrire l’espace du texte, ne pas le justifier. Les nuages de mots, vagues de mots, que forme le texte lyrique de Rivière, flottent dans la page. Ce poème aux formes d’inscription mallarméennes semble résulter de l’érosion. En somme une action des forces du paysage sur des abstractions formelles du langage, réceptacle du discours de Rivière.
La postface de Jérôme Duwa tente de replacer le texte surréaliste de Rivière dans sa contemporanéité. La prégnance des formes dactylographiés ramène à une pensée de la machine, à un moment de la rationalité typographique. Flottantes en bas de pages, les notes nous ramènent au texte de Jacques Rivière, au désir d’une vie toujours mouvante, à l’intuition d’une composition. Mais aussi au flux de l’écriture manuscrite, comme celle qui est donnée à voir dans le pneumatique en fin d’ouvrage.
Les couleurs sont profondes, deux couches qui se mêlent pour accentuer le caractère onirique de l’objet. Une gamme colorimétrique faisant écho au précédents tomes de la Collection Cheval Vapeur. »