
Allen Ruppersberg,
El Secundo Record Club
http://www.elsegundorecordclub.com/
À l’occasion de la prochaine exposition Posters et affiches d’artistes et à la journée d’études attenante Poster/affiches, Des arts plastiques au design graphique et vice-versa que Véronique Souben organise prochainement au Frac Normandie, je vous propose un court extrait de la conversation que nous avions menée et publiée avec Jérôme Dupeyrat au sujet proche des livres d’artistes dans La fille, le fruit, le perroquet et la piqûre à cheval.
Thierry Chancogne :
Même si Anne Mœglin-Delcroix refuse – en nuançant tout de même le propos de Clive Phillpot – aux graphistes artistes multimedia reconnus tels que Kurt Schwitters, Théo Van Doesburg ou Laszlo Moholy Nagy, la paternité d’une démocratisation de l’art par les matières industrielles du graphisme1, il faudra bien reconnaître que nombre des acteurs du livre d’artiste, d’Edward Rusha à George Maciunas en passant par Wolf Vostell, Dick Higgins, Dieter Roth, Guy de Cointet ou Lawrence Weiner, sont liés plus ou moins clairement à la pratique du graphisme et de la typographie et que leur attention à la forme du livre est « professionnelle » à plus d’un titre.Jérôme Dupeyrat :
Camiel van Winkel rapporte d’ailleurs que lorsque l’historien de l’art Benjamin Buchloh exprima son admiration à Lawrence Weiner à propos de ses travaux de la fin des années 1960, en lui disant qu’il admirait la complète absence de choix graphiques et typographiques dans ses mises en page ou plus largement dans ses mises en forme, Weiner le corrigea en lui expliquant : « Ces premières manifestations [de mon travail] sont designées à un point que vous ne pouvez pas imaginer. Je veux dire, prenez Statements : il y a un facteur graphique pour le faire ressembler à un livre d’1,95 $ que vous pourriez acheter. La police de caractère, le décision d’utiliser une machine à écrire et tout le reste étaient des choix graphiques ». Camiel van Winkel rapporte également que les propos de Lawrence Weiner à la fin des années 1960 n’allaient pas nécessairement dans ce sens. Il ne faut donc pas négliger la part de réécriture de sa propre histoire qu’il peut y avoir là de la part de l’artiste, mais sa remarque n’est pas non plus sans fondement2 .
- Anne Mœglin-Delcroix, Esthétique du livre d’artiste, Marseille, Le mot et le reste ; Paris, BNF, 2012, p. 47-48 [↩]
- Selon Camiel van Winkel, la visualisation de l’information peut être considérée comme l’essence du design graphique. Or puisque l’art conceptuel est précisément un art d’information, il est logique que le design graphique en soit l’un des outils. Cela ne veut pas dire que l’art conceptuel serait une branche du graphisme, ou à l’inverse que le graphisme serait obligatoirement conceptuel, autrement dit l’un et l’autre ne se confondent pas car leurs finalités diffèrent, mais ils empruntent l’un à l’autre des outils, des procédures, des langages et des formes. Selon Camiel van Winkel, « l’art conceptuel et le design graphique peuvent être vus comme deux formes complémentaires de la ‹ production déléguée de culture › », cette dernière expression — « production déléguée de culture » — étant empruntée à un ouvrage consacré au graphiste hollandais Wim Crouwel. Cf. Camiel van Winkel, « Information and Visualisation : The Artist as Designer », During the Exhibition the Gallery Will Be Closed: Contemporary Art and the Paradoxes of Conceptualism, Amsterdam, Valiz, 2012, p. 133-201 [↩]