Il y a quelques années je m’amusais, en regardant une conférence de Gilles Gavillet et du regretté David Rust, de toutes ces typographies commandées à François Rappo par le duo pour des projets divers et qui étaient toutes l’Helvetica.
Je me disais alors que mon œil n’était pas assez exercé. Que je souffrais d’une forme d’essentialisme de la néo grotesque de fonction d’après (seconde) guerre (mondiale) peut-être assez typique d’un français au goût formé dans les années nonantes et huitantes.
J’avais même imaginé à l’époque une exposition confrontant tous ces alphabets qui étaient – par leur synthèse – et n’étaient pas – par toute une galaxie de détails – la fameuse typographie de caractère suisse.
Je découvre aujourd’hui avec ravissement l’intervention de Manuel Krebs du fameux studio Norm dans la variation drolatique de l’abecedarium d’Alexandra Midal donné il y a quelques jours au Mudac : le rigolarium. Dans cette forme de sourire si nécessaire en ces temps éprouvés, Krebs présente un merveilleux numéro d’ironie typographique à froid.
Il admet la drôlerie sourde d’une hiérarchisation de trois genres du texte d’un catalogue consacré à Art & Language en HelveticaNeue 55/56 – soit la digitalisation de l’originelle Helvetica Neue Haas Grotesk de Max Miedinger dans les années 1980, dans sa version medium en romain et italique –, Univers – la concurrente à peine hétérozygote de l’Helvetica par Adrian Frutiger sortie la même année –, et Unica – leur combinaison d’essencialisme rationalisto-objectif des années septante, huitante.
Il finit par un portrait à la scientificité relative façon « psychologie des caractères » à la française, en confiant à un graphologue un tracé cursif réalisé en transparence sur un texte en helvetica.
Helvetica, suissesse dans la force de l’âge garde le contrôle de ses émotions en toute circonstance. Ses manières sont réservées et démontrent un tempérament de premier de cordée. Elle sait ce qu’elle veut et apprécier une situation. Elle n’a pas l’habitude de ré(a)gir spontanément. Rien ne dénote apparemment la tempête qui peut se déclencher en elle. Elle ne s’exprime pas si librement.
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