Le bestiaire sculptural frénétique de Sylvie Auvray s’origine dans une multitude de bibelots ramassés ça et là jouant le rôle de gabarits ou tout simplement d’inspirations. Ces spécimens sont ensuite sur-dimensionnés et retravaillés assez adroitement en céramique.
Le jeu conversationnel des matériaux qu’effectue Sylvie Auvray dans son travail d’agrandissement dépasse le rapport traditionnel de la conversion matérielle à l’œuvre dans les bibelots modèles.
Elle inverse même ce rapport, car nous sommes coutumiers de la miniaturisation des figures dans la production d’objets décoratifs.
N’oublions pas également, avant de trop vite minorer ces derniers, que si l’objet trouvé modèle est agrandi, c’est qu’il possède ce potentiel, même si sa révélation doit passer par la déformation.
L’objet aimable et euphorique se ainsi voit ouvert à l’intuition de déformations et d’hybridations.
Quand le bibelot ou l’objet d’agrément transpire la moite évidence de sa facticité matérielle (ostentatoire corbeille en plastique imitant l’osier) la sculpture de Sylvie Auvray est plus complexe et moins transpirante (même si toujours coulante et dégoulinante).
JuxtaposĂ©es dans un emballement visuel exaltĂ©, affublĂ©es d’une coiffe ou entortillĂ©es dans du plastique fondu, les figures se confondent et bavardent. L’emballement en est tel qu’il ne laisse dĂ©sormais plus aucun crĂ©dit Ă l’objet originel.
Englué sous ses propres couches, l’objet sculpté ou une de ses parties, le ventre rebondi d’un opossum par exemple, est pensé comme une toile vierge prête à être recouverte d’émaux à effets. Une sculpture de subterfuges plastiques, presque picturaux, rappelant autant les étrangetés croisées dans un parc à sculpture tout britannique que les grands œuvres de Benard Palissy.
Il y a généralement dans la pratique de la céramique un penchant pour le développement d’univers endogamiques, presque festifs, qui déploient un imagier de bestioles, de breloques et de variations formelles.
Le même Bernard Palissy célèbre par exemple l’exubérance de dame nature dans ses figulines lyriques, alambiquées et au luxe fantaisiste. Sylvie Auvray semble plutôt fêter l’ouverture vers le farfelu et les souvenirs (parfois fallacieux quand elle y appose les siens) que peux contenir l’objet trouvé.
Grâce à ses définitions larges et mobiles, le craft, surtout quand il est malmené, reste un moyen de saisir la manière dont on peut s’emparer de la culture populaire en restant en contact avec ses aspects les plus libérateurs et expressifs. Envisagé comme un code de nivellement de goût, l’artisanat est socialement régulé, mais la malléabilité et la perméabilité de ses équivalences le laissent toujours libre et extraverti.
La céramique qui est sûrement la plus excitante et exubérante des traditions artisanales, se prête habilement à cette célébration car plus que dans tout autre médium, elle contient une coutume qui veut que l’accident soit validé et fasse partie intégrante du processus artistique. D’ailleurs, quand ses sculptures se brisent, boursoufflées par des cuisson imprécises, Sylvie Auvray les recolle à d’autres fragments avant des les enfourner une dernière fois, rassemblées dans une farandole où bricolage et infirmité sculpturale se mêlent et où sont déjouées toutes les précises voire imperfectibles habiletés de l’artisan.
Avec le désir de susciter des confrontations, une sélection de céramiques de Jacques Pouchain est également présentée en regard du travail de Sylvie Auvray.