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Zoe Williams

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Le travail de Zoe Williams se fonde sur la fabrication soignĂ©e d’artefacts rassemblĂ©s ensuite pour la construction de fictions fantaisies filmĂ©es. Ce rĂ©pertoire matĂ©riel est vaste, comprenant dĂ©jĂ  un porte-encens, un flacon (très mystĂ©rieux quant Ă  son contenu), un papier-peint, une cape et un mini-bar.

Zoe Williams, vue d’installation de Drench dans une pièce parfumĂ©e, Glasgow School of Art degree show 2012

Posés sur des socles laqués, plongés dans une pénombre suivie de lumières flashy, cernés de rideaux en daim, la sophistication de la monstration de ces objets se voit chargée des sensations du théâtre, ou plutôt des effets théâtraux utilisés dans l’achalandage des différents types de displays que les vitrines peuvent convoquer.

L’intĂ©rĂŞt de Zoe Williams rĂ©side dans la captation et la reprise de cet Ă©trange moment au cours duquel une forme devient théâtrale et des diffĂ©rents moyens employĂ©s pour y parvenir, et non dans le théâtre comme pratique.

L’intĂ©gration progressive des objets dans un rĂ©cit filmĂ© complique leur lecture. D’Ĺ“uvres, ils deviennent tour Ă  tour, un dĂ©cor cachotier, des adjuvants excentriques ou de retorses parures. Ils agissent comme le contenu d’un coffre de dĂ©guisements magiques, capables d’endosser plusieurs emplois car une fois chargĂ©e du nouvel angle de lecture apportĂ© par la vidĂ©o, une soupière peut par exemple se transformer en un rĂ©ceptacle orgiaque (Orgy Urn, cĂ©ramique Ă©maillĂ©e contenant de l’encens solide, 2012).

 Les connotations de chacun des ustensiles sont elles-mĂŞme ambigĂĽe; l’un oscille entre art et mode, l’autre entre art et craft, passĂ© et futur se croisent chez certains tandis que d’autres mĂ©langent loisir et travail. Leur rĂ©ception se voie ainsi complexifiĂ©e par la saynète construite autour d’eux.

Zoe Williams, Orgy Urn, Hand modelled glazed ceramic containing resin incense mix on Jade Laquer Box, 2012.

Les artefacts ne sont pas uniquement conçus dans le but du film final, leurs qualitĂ©s plastiques dĂ©passent la 2D de la vidĂ©o. Ainsi certains sont par exemple olfactifs comme Gem69 qui sent bon le savon au pamplemousse ou Orgy Urn qui contient de l’encens solide. Leur degrĂ© de rĂ©alisation ne dĂ©pend pas non plus de leur position artificielle dans la composition finale filmĂ©e. Tout goĂ»t pour le dĂ©cor s’en voit ici chamboulĂ©, oscillant entre l’exaltation de matières brillantes et la dĂ©sillusion de leur rusticitĂ©.

 

L’ensemble, soit la présentation des objets et le film qui l’accompagne, compose un univers multisensoriel et lascif. Les poseurs affectés interagissent entre eux ou avec ces séduisants attributs dans un style vaguement performatif.

Pourtant, les figures dansantes ne sont pas vraiment des caractères, des personnages, elles agissent plutôt comme des symboles. Leur présence ectoplasmique nous en apprend plus sur le cadre à l’intérieur duquel ils évoluent et sur leurs goûts que sur leur psychologie.

MalgrĂ© cette existence Ă©thĂ©rĂ©e, nos danseurs semblent prĂ©occupĂ©s par quelque mystĂ©rieuse cĂ©rĂ©monie. L’usage d’une iconographie symboliste traditionnelle (le serpent, le lys, le coquillage, la plume de paon, le candĂ©labre…) renforce cette impression qui semble jouer sur deux registres. Celui d’abord d’une culture de la beautĂ© classique et des mystères qu’elle renferme ; enfin un autre teintĂ© des mĂŞmes traits cette fois repris dans les imprimĂ©s et motifs dessinĂ©s par de nombreuses marques durant les annĂ©es 1980 (une cravate Versace apparaĂ®t d’ailleurs au dĂ©tour d’un plan dans Drench).

Zoe Williams, Capture d’Ă©cran extraite de Drench, 2012

Ces motifs chargĂ©s tĂ©moignent d’une Ă©poque prĂ©occupĂ©e par un glamour formel et des intĂ©rieurs “designĂ©s” ou le mot design serait devenu une sorte de prĂ©fixe marketing utilisĂ© comme un renfort permettant de vendre tout et n’importe quoi. Les accessoires utilisĂ©s en ce sens participent d’un curieux effet de rĂ©alisme cependant malmenĂ© car oscillant entre construction fallacieuse d’identitĂ© et fantasme.

Zoe Williams, Capture d’Ă©cran extraite de I feel love, 2013

Malgré une sensualité  évidente et parfois même revendiquée, peu de plaisirs physiques et pulsionnels transpirent dans les vidéos de Zoe Williams. Certes les liquides sont épais et leurs traces dégoulinantes mais ces épanchements sont vites contenus par une caméra rafraîchissante et paradoxalement clinique.

 

Les pulsions n’appartiennent pas aux corps qui s’agitent mais semblent plutôt être celles de Zoe Williams vis-à-vis de l’imagerie fashion et des parures qu’elle peut faire endosser aux corps qu’elle filme.

 

Humberto Leon, fraîchement débarqué chez Kenzo en 2011 expliquait, par son utilisation omniprésente de logos, vouloir constituer une forme de communauté, de fan-club, et qu’il s’agissait presque d’un des devoirs de la mode.

En dĂ©pit de l’absence de logos identifiables ou de marqueurs vestimentaires pouvant rappeler une communautĂ© stylĂ©e typique, se dĂ©gage nĂ©anmoins du travail de Zoe Williams un goĂ»t certain pour les congrĂ©gations. Au lieu d’être dĂ©bonnaires et bavardes, les rĂ©unions qu’elle met en scène semblent repliĂ©es sur elles-mĂŞmes, partageant le mĂŞme amour des belles matières, des rĂ©fĂ©rences sophistiquĂ©es similaires voire le goĂ»t de plaisirs interdits, mais demeurant invariablement inaccessibles.

Zoe Williams, Capture d’Ă©cran extraite de Drench, 2012

Ces rĂ©unions forment finalement une sorte de communautĂ© d’intĂ©rĂŞt oĂą les participants partagent des prĂ©occupations sur des sujets particuliers tout en s’intĂ©ressant peu aux autres au-delĂ  de ce domaine commun.

 

La construction d’une confrérie peut également s’effectuer par la danse, pensons aux rondes, aux manifestations, aux festivals; mais pour se faire, les corps ne doivent plus être anonymes et le look doit s’effacer au profil de la sociabilité.

 

Laissons-là nos protagonistes et leur bal incertain fêter leur propre instabilité et superficialité, tant à force de mélanges et d’imbrications, leur célébration semble vidée de tout sens.

 

Zoe Williams 

Drench 

I feel Love 

 

Zoe Williams, Gem69, Pigmented soap cast scented with grapefruit oil, taken from 3D print of the digital object, 2013.

Zoe Williams, Soft Paste, exhibition view SWG3 Gallery Glasgow, 2013

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