BientĂŽt.
Dans le bleu orangĂ© dâune aurore ou le bleu pourpre dâun crĂ©puscule, patiemment ou Ă brĂ»le-pourpoint, la mort sĂ©vira. La feuille que Peter Saville a conservĂ© lors dâun aprĂšs-midi au Windsor Great Park sâĂ©tiole et elle se dĂ©composera intĂ©gralement. Le soir mĂȘme de sa chute, ce jour oĂč la sĂšve nâĂ©tait plus assez puissante pour la raccrocher Ă un ensemble, le graphiste sâest plantĂ© dans une forĂȘt, pour capturer, resserrer dans un espace fermĂ©, grĂące Ă son complice le photographe TrĂ©vor Key, une larme de chĂątaignier. Un clichĂ© a Ă©tĂ© retenu. Quelques feuilles ont Ă©tĂ© ramassĂ©es comme indices dâun concept photographique. Une fragile lame vĂ©gĂ©tale, ni ratatinĂ©e, ni brĂ»lĂ©e, Ă peine rongĂ©e, a Ă©tĂ© encapsulĂ©e dans un bleu nuit. Comment devant lâinĂ©luctable aussi lĂ©ger que la tombĂ©e de la nuit, que le lĂącher des feuilles, ne pas succomber au charme de lâĂ©vanescence, comment devant lâinĂ©luctable ne pas enrager de formules passives ?
1987 : Peter Saville fige la chute dâune feuille pour un album de New Order, comportant deux titres, Truth Faith et 1963. De la figure poĂ©tique des feuilles mortes sâĂ©parpillant dans le vent, il isole un unique Ă©lĂ©ment. Lâenveloppe vĂ©gĂ©tale courbĂ©e par le vent se fossilise en un corps minĂ©ral, une feuille dâor. Le directeur artistique accĂ©lĂšre le processus, toute once de vie a disparu, nimbĂ©e dans un prĂ©cipitĂ© esthĂ©tique.
Au cĆur dâune scĂšne musicale, mettant le dĂ©sir, les convulsions des corps, les dĂ©chirures intĂ©rieures comme failles nĂ©vralgiques, comme structures indĂ©passables, Peter Saville a Ă©laguĂ© un rĂ©pertoire avec une imagerie « sophistiquĂ©e », lit-on souvent, une imagerie inconvenante, aussi anodine quâun herbier, aussi insoupçonnable et impĂ©tueuse quâun coup de vent. Ses armes visuelles peuvent Ă©tonner : une illustration scientifique en noir et blanc datant de 1977 (Fac 10), une feuille morte (Fac 183), une carte postale (Fac 75), des marbrures (Fac 45)⊠à chaque fois, il parvient Ă sublimer lâĂ©tat premier (et ringard) de ces images. Pour FAC 183, devant un phĂ©nomĂšne naturel, Peter Saville a Ă©conduit le rĂ©current et le banal.
La pochette de Truth Faith tĂ©moigne dâun revirement plastique dans le parcours de Peter Saville amorcĂ© neuf ans plus tĂŽt Ă la Factory. « This was a first work from real life »1 . Lâimage naĂźt apparemment dâun contact (empathique ? ressourçant ?) avec la nature, depuis un cadre, un pare-brise, depuis un intĂ©rieur, sa voiture. Peter Saville Ă©voque un moment « sans filtre », indiquant quâhabituellement, il filtre constamment. Il suffit dâimaginer ĂȘtre enfermĂ© dans une piĂšce recouverte de ses carrelages de 315 mm, le/ la prisonniĂšre serait plongĂ©(e) dans un univers quasi Ă©purĂ© de toute contingence matĂ©rielle, Ă©vinçant les mesquineries quotidiennes, la misĂšre, les instances de dĂ©goĂ»t. La trivialitĂ© (de son Ă©poque ou de celle du prisonnier) nâa guĂšre droit dâexistence. Ses images ne tĂ©moignent dâaucune emprise du rĂ©el, elles ne restituent aucune peur. Elles dĂ©tiennent une beautĂ©, impavide. En miroir aux annĂ©es 1980, elles pourraient rĂ©verbĂ©rer des mines apeurĂ©es, Ă©prouvant ces « nuits fauves », Ă©cĆurĂ©es de ses rĂ©formes thatchĂ©riennes, vomissant ces Ă©critures du moi qui se heurtent Ă toutes sortes de condamnations.
Si Peter Saville a Ă©pousĂ© une hygiĂšne de travail et une attitude de rock-star, ses images le prĂ©munissent dâun Ă©talage journalier et intime. Elles distancient. Elles ne semblent jamais rattrapĂ©es ou entachĂ©es par la rĂ©alitĂ© de lâactualitĂ©, alors quâau quotidien la scĂšne quâil « communique » crache des mĂ©taphores acides, provoque, rĂ©veille et fait danser avec un rĂ©pertoire de chantres excommuniĂ©s, Ă la recherche dâespaces de libertĂ©.
Le critique est unanime : « Peter Saville marque de son sceau le mouvement post-punk »2 . Il faut regarder Ă nouveau, sâĂ©tonner de ses Ă©tranges dĂ©tournements dialectiques, il faut peut-ĂȘtre pour saisir leur singularitĂ© les conjuguer aux diapositives de The Ballad of Sexual Depedency de Nan Goldin, oĂč la photographe fulgure avec une captation de lâĂ©phĂ©mĂšre et une urgence Ă retenir le rĂ©el3. Les lits dĂ©faits, les draps et les oreillers froissĂ©s, les intĂ©rieurs mal assortis, dĂ©peignent des preuves fragiles, de lĂ oĂč se blottissent et sâenlacent des corps. Des visages, des Ă©treintes sculptent des instants refuges, des fragments introspectifs, la vulnĂ©rabilitĂ©4. Acteurs de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration, leurs dĂ©cors diffĂšrent, mais on pourrait entendre les mĂȘmes notes rĂ©sonner entre les murs quâils conquiĂšrent. Peter Saville dĂ©ploie une optique oĂč filtres, cadres, Ă©crans sont des mĂ©dias essentiels Ă sa production. « De toutes les maniĂšres, le sexe est plus excitant sur lâĂ©cran et entre les pages quâentre les draps » Ă©crit Andy Warhol5 , questionnant lui-aussi, les relations personnelles entre dĂ©pendance et interdĂ©pendance.
La pochette Truth Faith Ă©voquerait un moment intime6 , douloureux7 , dont nous ne savons rien8 . Le pathos de lâimage a Ă©tĂ© Ă©poussetĂ©. Le filtre a opĂ©rĂ©. La littĂ©rature sur Peter Saville dĂ©finit son esthĂ©tique dâ« industrielle », exemplaire pour un label de musique au nom dĂ©nuĂ© dâaffect : Factory. Fact. Des faits bruts, des faits rĂ©els. Chaque sortie de cette usine de production musicale est numĂ©rotĂ©e. Les labels de musique se savent de courte durĂ©e (Factory usinera de 1978 Ă 1992), ainsi Factory a inventĂ© dĂšs sa naissance un systĂšme archiviste qui Ă©tablit et « consigne » de façon systĂ©matique, sans Ă©motion, un catalogue pour lâavenir. Une machine Ă imprimer marque dâun numĂ©ro une sĂ©rie de produits Ă vendre. Dans cette usine, tout au long de son existence, Peter Saville rĂ©ussit instantanĂ©ment Ă faire de ces biens consommables, des objets « saisis » par lâavenir.
Le numĂ©ro 1839 est peut-ĂȘtre lâimage la moins usinĂ©e de Peter Saville, mĂȘme si, pour ce moment quâil dit empreint de « vie rĂ©elle », Peter Saville met en place un processus de distanciation.
Technique, dâabord, il Ă©labore avec Trevor Key, une utilisation personnelle du dichromat10 . Dâune photographie en noir et blanc, ils colorisent le clichĂ©. Ils enlĂšvent les tonalitĂ©s de lâoriginal et intensifient la tension chromatique par le contraste bleu-orange.
Ensuite, la marque de Peter Saville se rĂ©vĂšle par un processus de simplification, il Ă©limine au maximum, tout en prĂ©servant une Ă©vidence Ă©nigmatique. « Jâexpliquerais peut-ĂȘtre les formes simples par antithĂšse : elles ne sont ni simplistes, ni nĂ©gatives, ni rapides, ni minimalistes. Ce sont justement, peut-ĂȘtre, des formes trĂšs complexes, mais qui ont lâapparence de la simplicitĂ© ».11
Enfin, la distanciation passe par le recours Ă un autre. Cette chute, cette pluie dâor est Ă©videmment Ă mettre en relation avec lâĆuvre dâYves Klein. Dâune autre maniĂšre que pour Fac 47, Fac 50, Fac 2, Fac 23, Fac 53, Peter Saville sâapproprie les mĂ©thodes artistiques et la signature dâun autre. Le graphiste crĂ©Ă© entre les palimpsestes de compositions artistiques de maĂźtres, il conceptualise une Ćuvre ouvertement empreinte, il opĂšre ainsi rĂ©guliĂšrement des disjonctions entre des « saisies » Ă lâart (plutĂŽt quâavec des emprunts au rĂ©el).
Le vinyle Fac 183 doit Ă lâenveloppe Soleau n° 63471 dĂ©posĂ©e par Yves Klein en 1960 et Ă cette idĂ©e dĂ©rangeante quâil est lĂ©gal de sâapproprier une couleur pour disposer de lâimmatĂ©riel. Faut-il breveter son idĂ©e esthĂ©tique ou croire Ă la transparence technique ? Peter Saville ne tranche jamais. Les formules « ou », « ou bien » jouent des logiques faussĂ©es, comme le rĂ©el. Il signe, toujours avec dâautres.
En 1967, Ă New York est publiĂ© le texte dâYves Klein Je suis partisan dâune sorte de dĂ©personnalisation dans lâart, qui rĂ©sonne avec lâĆuvre de Peter Saville.
« Lâartiste qui crĂ©e ne doit plus crĂ©er pour signer son Ćuvre ensuite, mais doit, en citoyen honnĂȘte de lâespace incommensurable de la sensibilitĂ©, crĂ©er constamment par le fait mĂȘme quâil est conscient quâil vit, et quâil est profondĂ©ment illuminĂ© comme lâest tout lâUnivers que nous ne voyons ni ne sentons, enfermĂ© dans le monde psychologique de notre optique apprise.
Je suis donc Ă la fois pour un individualisme extrĂȘme et une dĂ©personnalisation totale qui peut paraĂźtre paradoxale mais ne lâest pas en derniĂšre analyse, si lâon veut bien se donner la peine de penser en sensibilitĂ©, Ă la stabilitĂ© du mouvement absolu dans lâespace » Yves Klein12 .
Au-delĂ de ces collaborations crĂ©atrices, Peter Saville disparaĂźt rĂ©guliĂšrement par une signature dâemprunt. DĂšs lâanecdote de son entretien dâembauche, avec Tony Wilson et Alan Erasmus, Peter Saville revĂȘt le costume de lâusurpateur, il se prĂ©sente avec le travail et la pensĂ©e dâun autre, dâun Jan Tschichold. Il nâapporte pas son book. Il a le livre de Tschichold, La nouvelle typographie (1928). Le jeune anglais de vingt-trois ans provoque avec un corpus Ă©ditorial dâhistoire du design graphique pour un contexte musical. Avec la Factory, Peter Saville est parvenu Ă partager lâhistoire du design graphique Ă un plus grand nombre (de non graphistes). Son histoire se compose de titres empreints de modernisme, Pionners of Modern Typography dâHerbert Spencer (1969) ou encore LâArt des couleurs de Johannes Itten.
MĂ©thodiquement, Peter Saville sâĂ©clipse dans les effets colorĂ©s. Fac 183 transpose dâune certaine maniĂšre certains idĂ©aux conceptuels dâYves Klein attenants aux monochromes13 . Lâallusion Ă lâInternational Blue Klein et aux monochromes or de lâartiste permet Ă lâauditeur de voyager dans lâespace et dans la profondeur de la couleur. On pourrait faire remonter ces emprunts aux icĂŽnes byzantines, aux mosaĂŻques de bleu et dâor de Ravenne et marteler les pouvoirs et la suffisance de la couleur, comme rĂ©ceptacle spirituel. La couleur imprĂšgne nos idĂ©es, elle a la capacitĂ© dâabstraire, de bouleverser jusquâĂ mener Ă des sphĂšres immatĂ©rielles. La feuille dâor suggĂšre le pouvoir de transformer ce qui ne vaut rien, de mĂ©tamorphoser le peu en grandiose. Lâor en tant que valeur dâĂ©change demeure un symbole de passage. Se coulant, se frottant, lâor moule des dĂ©sirs changeants, des dĂ©sirs constamment redĂ©finis, sans rien Ă©tancher de la soif.
Fac 183 repose sur un effet coloré, minimal, une harmonie complémentaire (un bleu roi, un orangé doré)14 .
« Le bleu est toujours froid et le rouge toujours chaud, le bleu a un effet attirant vers lâintĂ©rieur âč introvertissantâ âș. Comme le rouge est ordonnĂ© au sang, le bleu lâest aux nerfs. Les personnes qui dans leur accord subjectif de couleurs prĂ©fĂšrent le bleu ont la plupart du temps un teint pĂąle et une circulation sanguine faible. En revanche elles sont plus fortes nerveusement. Le bleu est une grande puissance, comme celle de la nature en hiver, oĂč toutes choses cachĂ©es dans lâombre et le silence entrent en germination et en croissance. Le bleu est toujours ami de lâombre et dans sa plus grande splendeur il incline au sombre. Câest un nĂ©ant insaisissable et nĂ©anmoins prĂ©sent, comme lâatmosphĂšre transparente. Dans lâatmosphĂšre, le bleu va du bleu ciel le plus clair au bleu noir le plus sombre du ciel nocturne. Le bleu entraĂźne notre esprit sur les ondes de la foi dans le lointain et lâinfini de lâesprit » Ă©crit Johannes Itten15 .
Dans cet essai, Johannes Itten donne des exemples concrets et conseille mĂȘme à « lâĂ©lĂšve de la figure » quâelle (câest une fille) devrait recevoir des devoirs de compositions tels que « nuit, lumiĂšre dans un local sombre, tempĂȘte dâautomne, inhumation⊠»16 . Que dirait Itten devant la composition colorĂ©e de Saville dâune scĂšne dâautomne ? Quelle interprĂ©tation, quelles Ă©motions y lirait-il ?
Peter Saville a dissĂ©minĂ© dans les intĂ©rieurs anglais des parcelles colorĂ©es, des pochettes dâimmatĂ©rialitĂ©,
qui par les effets propres Ă la couleur, captent, transportent.
« Les feuilles viraient au pourpre et Ă lâor »17.
Fac 183 permet de sâĂ©merveiller de la fragilitĂ© des changements dâĂ©tats et solidifie la mĂ©lancolie de la matiĂšre.
« (âŠ) MĂ©lancolie de la matiĂšre, qui nâest que celle de notre Ăąme projetĂ©e sur les objets. Il mâest arrivĂ© dâavoir des larmes aux yeux en quittant tel paysage. Pourquoi ? » se demandait Flaubert. Dans le mĂȘme questionnement Ă©pistolaire, lâĂ©crivain nâarrive pas Ă rĂ©soudre : « Je suis convaincu que les appĂ©tits matĂ©riels les plus furieux se formulent incidemment par des Ă©lans dâidĂ©alisme, de mĂȘme que les extravagances charnelles les plus immondes sont engendrĂ©es par le dĂ©sir pur de lâimpossible, lâaspiration Ă©thĂ©rĂ©e de la souveraine joie. Et dâailleurs je ne sais (et personne ne sait) ce que veulent dire ces deux mots : Ăąme et corps, oĂč lâune finit, oĂč lâautre commence. Nous sentons des forces et puis câest tout »18 .
Fac 183 cadre le souvenir du chagrin,19 des pochettes de New Order compriment des forces20 .
Pourquoi recourir Ă un auteur du 19e siĂšcle pour piĂ©ger la profondeur dâun objet graphique et entretenir sa flamme post-punk ? Comment un graphiste si attachĂ© Ă ĂȘtre « groovy g», Ă sâĂ©carter de ce qui pourrait ĂȘtre « gboring g» ou « gunsexy g»21 a-t-il eu recours dans les annĂ©es 1980 Ă des images aussi Ă©loignĂ©es dâun « glossy » dâAllen Jones ?
More than this
Parfois la machine Ă production est tellement douloureuse, tellement enrayĂ©e, quâelle se doit de voler aux autres, Ă la mĂ©lancolie de la matiĂšre, des instants ressources. Etonnant, comme cette feuille dâautomne est revenue dans lâĆuvre de Peter Saville. ImmĂ©diatement, avec Trevor Key, Peter Saville se livrera Ă des variations colorĂ©es, changeant ainsi lâharmonie et les Ă©motions ressenties.
Dans ces multiplications de feuilles, lĂ , Peter Saville pose sa connivence formelle et conceptuelle avec Andy Wahrol, dont le questionnement le fascine (lâun des premiers Fac 5 en tĂ©moignait). Ce que GTF affirme par la conception de « lâidentitĂ© » visuelle, lâaffiche The Saville Show22 (Design museum 2003). Lâombre de Warhol plane sur lâĆuvre de Peter Saville.
Chacun sa Factory, sa cour, son studio show, sa relation Ă la cĂ©lĂ©brité⊠Andy Warhol creusait son imagerie artistique dans les biens de consommation, Peter Saville conçoit ses produits culturels dans lâhistoire des arts visuels. Lâartiste new-yorkais travaille la surface comme une fin en soi, en faisant de la multiplication, de la sĂ©rie une valeur fondamentale. La surface peut avoir valeur de vĂ©ritĂ©, du moins dâimpacts rĂ©vĂ©lateurs. Le graphiste londonien fait de chacune de ses piĂšces reproductibles, une piĂšce dĂ©tachĂ©e, singuliĂšre, des Ă©trangetĂ©s dans les vitrines de la consommation.
Au sein des arts et de leurs Ă©changes avec la sociĂ©tĂ©, « mensonges » et « corruption » sont des clĂ©s particuliĂšrement travaillĂ©es par les deux hommes, avec lesquelles ils vont enfermer Ă double tour leur Ćuvre. Manipuler, dĂ©voyer les codes devient une stratĂ©gie de lecture dans une sociĂ©tĂ© anglaise gouvernĂ©e au « Tina », There is no alternative. Les slogans, dâun pouvoir Ă un autre, sont des pierres de luttes qui ne parviennent jamais Ă tailler la rĂ©alitĂ©, trop fragmentaire, trop envahissante. Alors, des Ćuvres de Peter Saville renvoient Ă lâidĂ©e dâun lisse achoppement. Ceci se lit plus ouvertement dans Fac 75. Pour lâalbum Power, Corruption & Lies (Fac 75), Peter Saville imagine dans un premier temps, travailler avec une illustration de Machiavel. Puis, il se saisit de la reproduction en carte postale dâun tableau dâHenri Fantin-Latour23 , Corbeille de roses , conservĂ© Ă la National Gallery de Londres. Ce rectangle de papier, fragment de souvenir achetable, ramĂšne la problĂ©matique de lâaura des Ćuvres dâart et de celle des objets de design graphique. Lâimage ready-made que Peter Saville accole Ă une mesure tangible et chromatique ne leurre pas sur sa nature dâimage reproduite.
Le graphiste refuse la croyance selon laquelle lâimage vĂ©hiculerait un quelque chose de vrai, il intrigue la lecture apparemment simple dâune composition florale avec un Ă©talonnage de couleurs. Le classicisme de ses images et de ses typographies (empruntĂ©es, modernistes ou non) ouvre toujours une brĂšche Ă un espace de confusion, oĂč la clartĂ© immĂ©diate des formes ne produit pas un sens Ă©vident. La puissance de lâarticulation crĂ©atrice cĂŽtoie le dĂ©sordre, du moins le dĂ©sarroi esthĂ©tique. PS est un graphiste qui a mis de la distance, avec les signes, les signaux, et les significations quâils sont « sensĂ©s » communĂ©ment vĂ©hiculer. Lâauditeur savoure le mordant de ces sens
suspendus. Ses images (arte) fact24 distendent les liens entre reprĂ©sentation et rĂ©el, elles ne colmatent pas les fissures de la rĂ©alitĂ© sociale. Le graphiste ne documente pas une Ă©poque. Dâautres le font. Le directeur artistique ne sâillusionne pas : il ne prĂ©tend pas Ă lâimposture de reprĂ©senter, de rĂ©soudre, de rĂ©parer.
Dans ses imperturbables formats carrĂ©s, il peaufine les cadres et les marges (câest-Ă -dire quâil insiste sur les structures apparentes). Pour saisir ces effets, il suffit dâimaginer ses productions avec des marges et des cadres diffĂ©rents. Pour Closer, Fac 25, le graphiste Ă©teint le clair-obscur de la photographie prise par Bernard-Pierre Wolff dans la crypte dâun cimetiĂšre gĂ©nois, par un double cadre (la marge et le filet noir) et une marge tournante consĂ©quente (blanche), il ramĂšne la photographie Ă son statut dâillustration rĂ©employĂ©e. Ă fond perdu, la tombe aurait eu une autre valeur. En contraste, Jonathan Barnbrook optera plus rĂ©guliĂšrement pour une immersion dans lâimage, notamment pour lâalbum Heathen de David Bowie (2002), il va recourir Ă un rĂ©pertoire de peintures classiques (chrĂ©tiennes), quâil va profaner : il restitue ainsi le choc et la beautĂ© du vandalisme25 (et de la rĂ©bellion). De maniĂšres diffĂ©rentes, les deux graphistes interrogent (se mĂ©fient, tout en Ă©tant attirĂ©s) de lâiconolĂątrie, les deux posent la distance par un travail typographique, prĂ©cieux et historicisĂ©.
Comme si, lâair de rien, ils venaient mettre des touches de mĂ©fiance dans un univers musical Ă ce point assujetti Ă lâimage. Les chanteurs sont des enveloppes 2D, des images-posters. Interview, The Face lâont institutionnalisĂ©. Les images peuvent ĂȘtre raturĂ©es, Ă©ventrĂ©es, tailladĂ©es et les corps sur-reprĂ©sentĂ©s dans lâempire de la reproduction mĂ©dia peuvent subir rĂ©ellement des actes de violence.
Les graphistes rĂ©-injectent des filtres. Que faire de ce corps, de ces corps (chanteurs, groupes), les manipuler, les transformer, les faire disparaĂźtre ? Dâune certaine maniĂšre, une pochette de disque se repose des questions fondamentales face Ă la reprĂ©sentation des corps (certains corps de stars se divinisent). « Les corps, dans la prĂ©sence rĂ©elle, peuvent ĂȘtre des images (âŠ). Les corps peuvent ĂȘtre dĂ©truits au nom des images : cette perversion est symĂ©trique Ă cette condition fondamentale. Les images peuvent ĂȘtre endommagĂ©es ou dĂ©truites Ă la place des personnes, ou comme si elles Ă©taient des personnes : câest le principe mĂȘme de lâagression iconoclaste » Ă©crit le thĂ©oricien de lâart Horst Bredekamp26. Que dĂ©cide le graphiste avec le corps de lâautre ? Quel pouvoir lui donne-t-il ? Quel corps donne-t-il en image, câest-Ă -dire Ă©galement en pĂąture Ă un public ?
Peter Saville a mis des filtres, sâest positionnĂ© personnellement, entre lui et les auditeurs de Joy Division (et de New Order). Il a Ă©laborĂ© des images suffisamment investies, pour que la violence de lâidolĂątrie soit fourvoyĂ©e. Une idolĂątrie qui se dĂ©double contrarie la tombĂ©e unique de la foudre.
« Alors que la langue parlĂ©e est le propre des hommes, les images leur opposent une corporĂ©itĂ© qui, pour ainsi dire, ‹ garde ses distances ›. Les images ne peuvent ĂȘtre entiĂšrement remises Ă la disposition des hommes, Ă qui elles doivent leur formation, que ce soit Ă travers des opĂ©rations sensibles ou une exploration du langage. Câest dans cet effet mĂȘme que rĂ©side la raison de la fascination exercĂ©e par lâimage. Une fois crĂ©Ă©e, elle gagne son indĂ©pendance pour devenir lâobjet de lâadoration Ă©merveillĂ©e, mais aussi de la peur, â la plus puissante de toutes les Ă©motions »27 .
Les images des pochettes acquiĂšrent une autre vie que celle du groupe, cela est une Ă©vidence, parfois inadmissible.
DâoĂč le fait que lâimage pochette cristallise tant de tensions. Elle se vit comme un double, une interface, une protection, une idolĂątrie de plus.
Because the night
Fac 461 rassemble les diffĂ©rentes productions rĂ©alisĂ©es en lâespace de quatorze ans par le label Factory. Si on ne retient que les analyses, les commentaires et lĂ©gendes concernant les objets de Peter Saville, on remarque quâils accumulent tout en les nuançant les allusions iconographiques au « froid ».
« Pour dâautres, son esthĂ©tique industrielle Ă©tait prĂ©tentieuse, oppressante, froide » Ă©crit Matthew Robertson. Concernant le Fac 23 : « Pour Saville, le matĂ©riau froid et dur Ă©voquait parfaitement lâesprit urbain contemporain quâil voulait capter et il travailla avec le photographe Trevor Key pour obtenir cette forme en acier oxydĂ© »28 .
Certains pochettes déploient une tonalité froide par un climat glacé (Fac 250) ou des photographies hivernales (Fac 2).
Dans la continuitĂ© du registre du froid, on pourrait se risquer Ă dire que Peter Saville, pour ce label de musique, a Ă©tĂ© un graphiste du silence. Le graphiste donne identitĂ© au label avec un casque (Fac 2), non pas pour Ă©couter la musique mais se protĂ©ger du bruit, pour sâisoler de lâurbanitĂ© environnante. Le premier Fac se sert du pictogramme dâun homme qui se bouche les oreilles. Plus sĂ»rement, les images quâil produit provoquent le silence29 . Il nous place devant des scĂšnes, des objets, des matĂ©riaux dont le silence est communicatif. Ces compositions en lĂ©vitation participent Ă suggĂ©rer le silence intersidĂ©ral.
Le froid, le silence.
Ces deux qualificatifs définissent également la dureté des matériaux métalliques utilisés (Fac 150).
La solitude.
Il suffit de comparer le Fac 183 au Fac 183 R (« pour la pochette du remix, le motif a Ă©tĂ© travaillĂ© afin de former un feuillage multicolore et dynamique »30 ) pour ĂȘtre convaincu de la puissance de lâisolement, ou de la distinction que permet la solitude. « La mort est solitaire, la servitude est collective »31 .
Dans ces comparaisons de genre, on pourrait souligner la présence des nocturnes Fac13, Fac30, Fac 63.
Le registre du froid (impression mĂ©tallique), de la chute, du noir (le quasi monochrome de Blue Monday, Fac 73), du silence mĂšnent inexorablement Ă des Ă©vocations de la mort que les sujets iconographiques (nature morte, paysage dâhiver, pierres tombalesâŠ) particuliĂšrement rĂ©currents activent et que le rĂ©pertoire de Joy Division cultive : « le pessimisme de Joy Division semble total, bien plus radical que celui des groupes punk, et infiniment plus proche des poĂštes noirs, de GĂ©rard de Nerval Ă Stanislas Rodanski »32 .
Ces pensées, ces images liées à la mort se sont instantanément imposées à la réception de la pochette FAC 25 : le décÚs de Ian Curtis (1980) a donné une autre coloration à cette pochette.
« Pourtant, Ă cause de la nature mĂ©lancolique de la chanson et du suicide de Ian Curtis trĂšs peu de temps aprĂšs lâenregistrement, beaucoup de fans ont interprĂ©tĂ© cette image comme une pierre tombale. Cette pochette a pris une signification symbolique qui dĂ©passait de loin lâintention de son crĂ©ateur. » Mathew Robertson33
OĂč est lâĆuvre, entre les intentions de son crĂ©ateur et la lecture de ses regardeurs ? Peter Saville la situe avant tout dans un silence atteignable.
MĂȘme le court article WikipĂ©dia sur Peter Saville, mentionne cette « anecdote » sur lâalbum Closer. « Saville’s album design for Joy Division’s last album, Closer, released shortly after Ian Curtisâ suicide in May 1980, was controversial[4] in its depiction of Christâs body entombed. However, the design pre-dated Curtisâs death, a fact which rock magazine New Musical Express was able to confirm, since it had been displaying proofs of the artwork in its offices for several months ». La polĂ©mique Ă chaque fois est relatĂ©e puis amoindrie.
Il ne faut pas faire image avec la mort dâune personne. Il ne faut pas vendre la mort34 . Et encore moins en avoir la prĂ©monition. La mort nâest pas un commerce, enfin si⊠Un vinyle nâest pas une Ćuvre dâart, mais une expression artistique, un produit commercial, enfin peut ĂȘtre. Il faut laver les objets graphiques de Peter Saville de lâombre de la mort.
Mais cette ombre existait au prĂ©alable, dans les paroles des chansons ; le dĂ©cĂšs de Ian Curtis nâest quâun fait extĂ©rieur Ă la puissance de ces images. Il reste Ă spĂ©culer sur la rĂ©alitĂ© de cette ombre (ombre de lâidĂ©e ou de lâangoisse de la mort) et de nâen Ă©tablir que des gĂ©nĂ©ralitĂ©s, des digressions non factuelles. Il nây a pas dâidĂ©es ou de regards sur la mort qui ne soient saufs dâune quelconque certitude. Parce que la mort câest toujours celle des autres, un simulacre quâon regarde de loin, une Ă©preuve dont on ne se remet pas ou quâintimement modifiĂ©. Sur le territoire de la finitude, on peut parier : sur lâidĂ©e de la mort quâelle vous sauve (en vous rĂ©vĂ©lant votre essentiel), parier quâelle vous perde (en vous apeurant ou vous fascinant alors quâelle nâaura aucune existence). Un jour dâautomne, le vendredi 21 novembre, Emmanuel Levinas Ă©crit : « Le rapport Ă la mort câest une Ă©motion, un mouvement, une inquiĂ©tude dans lâinconnu »35 . Il est inconvenant de citer les textes mĂȘme courts de Levinas, ce quâon grappille ce nâest quâun fragment, une feuille Ă un instant t, ce que retient Peter Saville, en ce soir dâautomne nâest quâune « inquiĂ©tude dans lâinconnu », quâil calme en lâemprisonnant.
Ă plusieurs reprises, Peter Saville Ă©pure les images de la mort quâon lui propose, sans obscĂ©nitĂ©. Il en tamise les sens provoquĂ©s.
Wild Leaves
En 1979, Fac 5, le single Certain all night party, le groupe « A certain ratio fournit Ă Peter Saville une sĂ©lection dâimages. Lâune dâelles montrait le cĂ©lĂšbre humoriste amĂ©ricain Lenny Bruce tel quâil avait Ă©tĂ© trouvĂ© mort dâune overdose en 1966. (âŠ) Trouvant lâimage problĂ©matique Ă la fois pour des raisons techniques et de contenu, Saville utilisa finalement des images extraites de la sĂ©rie des annĂ©es 1960 Death and Disaster dâAndy Warhol ».
Pour Fac 25, Peter Saville utilise une photographie de Bernard-Pierre Wolff. Le photographe français (nĂ© en 1930) sâinstalle Ă New York fin des annĂ©es 1950, devient dessinateur graphique Ă la Foreign Policy Association et se destinĂ© Ă la photographie en 1974, suite Ă un stage avec Charles Harbutt.
« Pendant les dix annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, mon style avait Ă©tĂ© influencĂ© par ma formation de dessinateur. Soudain, aprĂšs trois jours, tout sâest illuminĂ© (je venais seulement de comprendre comment on prend une photo »36 . Son Ćil de photographe, il lâapprivoise Ă travers de nombreux voyages, lâInde, le Japon. En 1983, il part pour Londres, saisir la ville et ses habitants. Les photographies de GĂšnes, de son cimetiĂšre datent de 1978, il y dĂ©veloppe les effets dramatiques Ă travers une rĂ©vĂ©lation par clair-obscur. Ses liaisons, entre le noir et blanc, quasi picturales, poursuivent une inspection sur les corps et la solitude. « Ce qui mâintĂ©resse, câest tous ces gens Ă la limite de la folie ». Peter Saville assourdit la folie du clichĂ© de Wolff.
Bernard-Pierre Wolff meurt en janvier 1985 du sida. La photographie de la feuille du FAC 183 (1987) rappelle la courbure du corps du Christ lors des dépositions de croix, les corps soumis, exultants, désespérés, photographiés par Wolff. Aucune preuve ne valide cette confrontation intentionnelle, mais de quelles maniÚres, les ombres des angoisses profondes refont-elles surface, étreignent-elles les formes de la composition ?
Ă la fin des annĂ©es 1980, la mort se vit viscĂ©ralement, elle vient chavirer « au-delĂ du principe de plaisir »37 . La mort sâinstalle confortablement et raccourcit avec violence, le cycle des saisons. Des corps subissent le virus du sida, les maladies quâil provoque, les traitements timides, les regards avec une violence inouĂŻe. Des Ćuvres cessent brutalement.
« Ă lâissue de cette sĂ©rie dâexpressions, lâultime travestissement, lâultime maquillage, la mort. On la bĂąillonne, on la censure, on tente de la noyer dans le dĂ©sinfectant, de lâĂ©touffer dans la glace. Moi je veux lui laisser Ă©lever sa voix puissante et quâelle chante, diva, Ă travers mon corps. Ce sera ma seule partenaire, je serai son interprĂšte. Ne pas laisser perdre cette source de spectaculaire immĂ©diat, viscĂ©ral » Ă©crit HervĂ© Guibert dans La mort propagande38 .
En 1989, quelques mois avant la mort de son double, Robert Mapplethorpe, Patti Smith lui compose un air, qui les lie Ă jamais et qui adoucit le dĂ©tachement. « Le matin, je me suis installĂ©e au bureau de notre chambre du Mayflower Hotel et lui ai Ă©crit la chanson « Wild Leaves », mais je ne la lui ai pas donnĂ©e. Jâavais beau essayer de lui Ă©crire un texte immortel, le rĂ©sultat semblait par trop mortel »39 : « les feuilles folles tombent / elles tombent au sol /chaque feuille un instant/ une lueur dans la couronne / que nous porterons tous / Ă lâheure dâĂȘtre dĂ©liĂ©s⊠».
Andy Warhol meurt le 22 fĂ©vrier 1987 dâune crise cardiaque40 , Trevor Key en 1995 dâune tumeur au cerveau. On pourrait continuer, en pur non sens, Ă Ă©grener les morts, en ressassant les raisons de leur disparition, logiques ou capricieuses, telle une litanie. On pourrait revenir aux paroles de Bernard Sumner pour Truth Faith sur le rien et sur la destinĂ©e (« And the value of destiny comes to nothing/ I can’t tell you where we’re going/ I guess there was just no way of knowing »). On pourrait, comme les pages Disparitions dans un quotidien, se demander : qui sait de quelle maniĂšre, lâidĂ©e de la mort « jardine » chez un ĂȘtre, parfois mĂȘme Ă son insu dans son travail ?41 Comment ces idĂ©es (liĂ©es Ă la mort) structurent et rendent palpable le visible ?
Aucun corps nâest Ă©tranger Ă la sociĂ©tĂ© quâil regarde. Lâacte crĂ©atif active et dĂ©samorce « lâangoisse de la mort et sa mise Ă distance ». « Les moyens de cette mise Ă distance sont toujours affectĂ©s par la tension qui nait de leur capacitĂ© Ă conjurer la peur mais aussi Ă lâaiguiser »42.
Le pouvoir des images face Ă la mort est incommensurable et il nâĂ©pargne pas de la mort. Il se glisse souvent, dans les images consignĂ©es par Peter Saville INc, Peter Saville Associates, etc. un espace pour des instants de vacillement, oĂč lâidĂ©e de la disparition, oĂč les foudres de la dĂ©ception semblent palpables, pour ces « bientĂŽt », pour ces « Deadline »43 . BientĂŽt, la chute ?((Paroles de Ian Curtis pour Insight (Unknow Pleasures) « nos rĂȘves disparaissent/ ils ne sâĂ©lĂšvent plus/ Ils choient/ Mais je ne mâen soucie plus/ jâai perdu la volontĂ© de demander/ davantage/ je nâai pas peur/ pas du tout/ Je les regarde tomber/ Mais je me souviens/ Quand nous Ă©tions jeunes ».)) BientĂŽt, la gloire ?
Le seuil de lâun Ă lâautre est si Ă©troit⊠(notamment dans lâunivers people). Lâabsence de savoir, de pouvoir mesurer ce « bientĂŽt »44 , concĂšde au temps, cette couverture de chagrin, une « vraie foi ».
RĂ©guliĂšrement ou furtivement, un memento mori aspire les pensĂ©es. Si lâidĂ©e de la chute (de sa propre chute) hante tout en demeurant improbable, lâanĂ©antissement des corps effraie, la disgrĂące des destins fascine et nul nây Ă©chappe, ni les Pierre, les Ă©toiles, ni les rock stars.
Life on mars ?
Comment ne pas mettre en écho cette pochette Fac 183 avec une autre évocation de la chute que figure la pochette de Unknown pleasures (Fac 10) qui reproduit un schéma scientifique45, isolé, lévitant qui « représente plus précisément les ondes radio émises par une étoile effondrée »46 .
De lâaction (passive) de choir, on ne voit rien. Peter Saville met le temps sur pause. Il suspend lâeffondrement
gravitationnel.
La feuille ne heurtera pas le bitume. On ne saura pas comment une Ă©toile sâĂ©teint.
On est Ă©veillĂ© Ă la conscience de la chute. Sans chute. Peter Saville Ă©ternise la chute infernale, celle qui ne parvient pas Ă son point dâĂ©crasement. Dâune certaine maniĂšre, le graphiste dĂ©peint la chute libre. Yves Klein lâavait scĂ©narisĂ©e en 1960 avec son photomontage Le saut dans le vide.
An ending (Ascent)
Avec cette feuille, PS enferme un souvenir et tout en parlant dâun moment Ă venir : la chute, câest littĂ©ralement la fin (le passage en or permet dâoublier la dĂ©composition ou les cendres). On pourrait voir dans cette image, une rĂ©thorique de la prolepse, mĂȘme si cette derniĂšre semble impossible dans une image fixe et unique, quâelle est et pour cause, une technique de la littĂ©rature ou du cinĂ©ma.
« En narratologie, la prolepse â ou anticipation â est une figure de style par laquelle sont mentionnĂ©s des faits qui se produiront bien plus tard dans lâintrigue »47 . Cette pochette â mais dâautres Ă©galement â de Peter Saville sâapparentent Ă des intrigues, elles semblent anticiper un fait, dont on attend dâavoir le dĂ©roulĂ© complet pour revenir au dĂ©but et comprendre la phrase initiale (lâimage du dĂ©but) qui dĂ©jĂ prĂ©sage de lâissue finale. On pourrait dĂ©crire : « des annĂ©es plus tard, face Ă cet instant fatidique, le directeur artistique Peter Saville devait se rappeler ce soir lointain au cours duquel depuis sa voiture, Ă travers, son pare-brise, il vit une feuille de chĂątaignier tomber ». Ou encore « des annĂ©es plus tard, face Ă ce moment crucial, le graphiste Peter Saville devait se rappeler ce lointain aprĂšs-midi oĂč avec le designer Trevor Key, il alla Ă la recherche de la feuille morte parfaite »48 . Ce dĂ©tour (ce leurre ?) de la prolepse Ă©claire la force attractive de la pochette Truth Faith.« Je pourrai presque dire, voilĂ , câest pour ça, câest pour cet usage de la prolepse, que jâai aimĂ© Crimes et ChĂątiment (âŠ). Il y a lĂ pour moi un prodige, un tour de prestidigitation, une magie, mais qui nâa rien de surnaturelle, ou de fĂ©Ă©rique, qui est au contraire terriblement quotidienne, banale, prosaĂŻque » Ă©crit lâĂ©crivain Jean-Philippe Toussaint dans son essai Lâurgence et la patience49 .
DostoĂŻevksi dĂ©peint la scĂšne dâun crime, il nous place dans les « bribes et les fragments de pensĂ©es » fourmillantes de Raskolnikov50 , au fil des pages, sous haute-tension, il nous soumet Ă la peur dâĂȘtre dĂ©couvert (soi-mĂȘme, incertain entre le bien et le mal). Peter Saville dĂ©peint la scĂšne post-punk, sans jamais la reprĂ©senter directement. Sporadiquement, il la ponctue dâimages chargĂ©es de tensions, interprĂ©tĂ©es comme des prĂ©monitions. Il ne lâencense pas, il ne la rĂ©cuse pas, il laisse planer la beautĂ© (ou la douleur des parcours personnels) au-delĂ des faits.
La prolepse en questionnant le dĂ©terminisme, le destin, le libre-arbitre rĂ©oriente la lecture de lâĂ©clatement du temps existentiel. Elle cherche Ă dĂ©mĂȘler lâorientation de nos actes, de nos images.
« Comme si vraiment il y avait là une sorte de prédétermination, un signe⊠»51 . Comment dans un temps donné (un roman, une image ) ces questions qui nous échappent constamment (une vie) peuvent-elles se concentrer pour devenir des décharges éclairantes, un « moment de sublime intensité » ?52
On pourrait Ă travers cette iconographie rĂ©currente de la chute, y projeter les dĂ©boires de parcours de Peter Saville. Emily King rappelle quâen dĂ©cembre 1993, « from then on Savilleâs LA experience careered Downhill. In spite of living in a now work-furnished Hollywood Hils House with panoramic Views, each day he struggled to find cash for food and petrol »53. Les articles sur Peter Saville alternent les mentions biographiques avec ses temps de gloire, ses lendemains difficiles, ses pĂ©riodes de rĂ©demption54 . Des images de Peter Saville Ă©clipsent le trivial pour ne concentrer que le sublimĂ©. Le quotidien nâest pas dans le sujet, mais dans le format, une pochette de disque, une minuscule surface oĂč se focalisent les tensions divergentes55 .
Sans signes blasphĂ©matoires, sans la gestuelle du DIY, Peter Saville, avec ses rhĂ©toriques de la chute, rĂ©introduit une contrariĂ©tĂ© fascinante, lâaction de corrompre. La chute, cette action irrĂ©solue par sa passivitĂ©, rappelle le risque de tomber moralement et la prolepse permet dâajourner les jugements sommaires tout en rĂ©injectant du sulfureux.
« Malgré toute la douloureuse lutte qui se livrait en lui, pendant toute cette période il ne put jamais croire un seul instant que ses projets fussent réalisables »56 .
Souviens-toi de lâidĂ©e de la chute qui a failli te faire tomber (ou tâĂ©lever). Il nâest guĂšre surprenant que Peter Saville ait convaincu toute une gĂ©nĂ©ration de sâengager dans le design graphique, il montrait quâon pouvait sây encanailler et y planer. Le design graphique est, mĂȘme dans son ancrage et ses intentions modernistes, un espace de corruption, un espace oĂč il ne faut pas plus quâailleurs se leurrer de la teneur des desseins bien intentionnĂ©s. Peter Saville revĂȘte la posture de lâintrigant, qui ne sĂ©pare pas lâappliquĂ©, lâutile, la domesticitĂ© du chien des hurlements des loups57 .
La feuille pourrait Ă©galement incarner un dĂ©tachement Ă la Cassandre, une Ă©pine inextricable oĂč « Savilleâs change of heart, his growing disillusion with what design had become, was prompted by experiences of personal failure that came as a shock to the system »58 .
Câest normal
La chute ? Rien ne tombe.
La fin ? Le design graphique nâest quâun moyen. « Graphics is the interface, the label ». (Peter Saville pousse souvent le vice en tant que graphiste de sĂ©parer lâimage du texte. La face A face de la face B, des compositions muettes face aux compositions typographiques). Fac 183 : le graphisme ne rĂ©pondra pas devant le tribunal criminel dâavoir usurper la fin en soi59 .
Peter Saville se serait-il servi dâune feuille dâautomne pour orner le requiem allemand de Brahms ? Il aurait dĂ©placĂ© un rebut (artistique, vĂ©gĂ©tal), choisi un angle, un procĂ©dĂ© technique qui auraient permis Ă cet air de trouver sa surface de silence, dâacquĂ©rir une rĂ©sonance dĂ©placĂ©e. Le graphiste peaufine des enveloppes qui tempĂȘtent avec des formes dissonantes, avec une Ă©lĂ©gance arrogante.
Fac 183 incarne le bleu sombre de lâĂ©tincelle enflammĂ©e dâun texte et retient le rythme entraĂźnant de True Faith. Fac 183 « remplit » son utilitĂ©, au-delĂ de la chanson. Il y aura toujours plus de fonctions, de possibilitĂ©s sur les tĂ©lĂ©commandes de notre quotidien que de besoins et de capacitĂ©s Ă les activer. Il nây aura jamais assez de poĂ©sure pour combler le jour oĂč les feuilles tombent, jamais assez de chansons pour savourer, aprĂšs des nuits chaotiques, la douceur dâun rayon lumineux.
Un graphiste Ă lâĂ©poque du libĂ©ralisme tchatchĂ©rien a retenu une feuille puis il sâautorise Ă la regarder vieillir. « I still have the leaf although I keep thinking that one day it will fall apart ».
Le vertige de lâidĂ©e ou de lâimage de la chute appartient Ă tout un chacun, surtout dans une sociĂ©tĂ© libĂ©rale, oĂč nous sommes constamment entourĂ©s dâexemples, de peurs, de chiffres, qui tĂ©moignent de notre prĂ©caritĂ© constitutive, dâune prĂ©caritĂ© Ă venir qui peut sâabattre. Cette feuille (mĂȘme si elle nâest plus de Manchester) Ă©voque une sociĂ©tĂ© post-industrielle en lutte avec ces peurs glaçantes.
Fac 183 sonde la précarité profonde, la déliquescence, une réalité politique.
Cette feuille nâest quâune infime portion de son travail, un prĂ©lĂšvement dĂ©placĂ© (au milieu du strass et de lâargent60 ), mais elle est une de ses rares compositions Ă avoir Ă©tĂ© rĂ©activĂ©e, reprise au fil des dĂ©cennies. Telle une rengaine qui nâa pas fini de se livrer, de (lui) signifier lâessentiel, la feuille rĂ©apparaĂźt en couverture de la monographie (testamentaire ?) Peter Saville Estate 1-127 (Jpr Ringier, 2007), posĂ©e Ă plat, dans une lumiĂšre crue, laissant enfin voir son ombre. Dans une ultime compilation de New Order (2016). La feuille comme une rĂ©sille rĂ©vĂšle un impossible squelette, dĂ©pouillĂ©e de son orgueil dâor.61
Il y a du sublime dans les pochettes estampillées du nom de Peter Saville.
Et une lame (végétale) de cynisme62 .
Sa feuille nâest pas ballotĂ©e. Elle a la lĂ©gĂšretĂ© du « filtre » cynique. Elle a le vent (de la rĂ©partie, de la rĂ©plique) pour elle. Certaines images graphiques, comme certaines sentences, possĂšdent une capacitĂ© de se dĂ©tacher de tout ce quâon a pu leur accoler. Elles Ă©prouvent cette diligence Ă perpĂ©tuellement se dĂ©rober63 . La beautĂ© (des feuilles), lâamour (des images), le sublime (du quotidien), la culture (du design graphique) ont des facettes contingentes64 et certains jours, des tournures ridicules.
« Lâamour, lâamour, lâamour/ Toujours, le vieux discours/ Sois divin, sois humain/ Idem le Baratin/ Jusque dans les WC/ Jâen peux plus par pitiĂ©/ Faudrait changer de disque/ Entreprise Ă hauts risques »65 . Dans les inflexions cyniques, il y a des Ă©tincelles de protections et des royaumes dâintelligence.
Des objets du design graphique peuvent â rarement – devenir un promontoire pour affĂ»ter des instants sans filtres66 , pour sonder des peurs et arborer la pose du dĂ©tachement. Parfois, certains servent Ă tester la nĂ©cessitĂ© dâĂȘtre dĂ©pouillĂ©.
Titres : More than this (Roxy Music, 1982), Because the night (Patti Smith, 1978), Wild Leaves (Patti Smith, 1988), An ending (Ascent) (Brian Eno, 1983), Life on mars ? (David Bowie, 1971), Câest normal (Brigitte Fontaine et Areski, 1973).
- https://www.theguardian.com/music/gallery/2011/may/29/joydivision-neworder [↩]
- Mathew Robertson, FAC 461, Factory records, une anthologie visuelle, Thames and Hudson, 2006, p.14. [↩]
- Cf. Nicolas Bourriaud, entretiens avec Noritoshi Hirasawa, « Can Art deal with the current social set-up ? » in Documents pour lâart contemporain, N°1, Paris, octobre, 1992. [↩]
- « Mon souhait est de parvenir Ă capter le sens de la vie de ceux qui mâentourent et de les doter de la force et de la beautĂ© que je vois en eux », Nan Goldin, Ballade de la dĂ©pendance sexuelle, Ăditions de La MartiniĂšre, 2013 (premiĂšre publication 1986), p.2. [↩]
- Andy Warhol, Ma philosophie de A Ă B. et vice versa (1975), Flammarion, 1990, p.42 [↩]
- https://www.theguardian.com/music/gallery/2011/may/29/joydivision-neworder [↩]
- « In 1986, I happened to have a trauma in my personal life and it made me very attuned to the world around me », in https://www.theguardian.com/music/gallery/2011/may/29/joydivision-neworder [↩]
- Et dont nous ne souhaitons rien savoir. [↩]
- La dĂ©nomination nâĂ©tait pas chronologique, par exemple, les single de New Order utilisaient toujours le chiffre 3 et les projets importants le chiffre 1. [↩]
- Cf. Emily King, « in Designed by Peter Saville Â», Frieze, 2003, p.15. [↩]
- Laurent Le Bon dĂ©finissant les formes simples : http://www.centrepompidou-metz.fr/sites/default/files/images/dossiers/2014.10-FormesSimples.pdf [↩]
- Yves Klein, Le dĂ©passement de la problĂ©matique de lâart et autres Ă©crits, Ă©crits dâartistes, Ăcole supĂ©rieure des beaux-arts de Paris, 2003, p. 263 [↩]
- « Jâai donc dĂ©bouchĂ© dans lâespace monochrome, dans le tout, dans la sensibilitĂ© picturale incommensurable » Yves Klein, Le dĂ©passement de la problĂ©matique de lâart, Editions Montbiard, 1959, p. 2 [↩]
- Un bleu, quâon retrouve glacĂ© et argentĂ© dans E-Z Go : design Pentagram, DA de Peter Saville, photo : Donald Christie, Trevor Key, Nobert Schoerner et Nina Schultz, pour la collection printemps Ă©tĂ© 1992 de Yohji Yamamoto. [↩]
- Johannes Itten, Lâart des couleurs. [↩]
- Johannes Itten, Lâart des couleurs. [↩]
- Patti Smith, Just Kids, Folio Poche, 2013, p.72 [↩]
- Correspondance de Gustave Flaubert avec Mademoiselle Leroyer de Chantepie, 18 février 1859, http://gallica.bnf.fr/ark:/
12148/bpt6k26956x/f5.item.r=m%C3%A9lancolie%20de%20la%20mati%C3%A8re.langFR [↩] - « De lâĂ©tat dâĂąme qui, cette lointaine annĂ©e-lĂ , nâavait Ă©tĂ© pour moi quâune longue torture rien ne subsistait. Car il y a dans ce monde oĂč tout sâuse, oĂč tout pĂ©rit, une chose qui tombe en ruines, qui se dĂ©truit encore plus complĂštement, en laissant encore moins de vestiges que la BeautĂ© : câest le Chagrin », Marcel Proust, Albertine disparue, Gallimard, 1946, p.331 [↩]
- « La sensibilitĂ© est la monnaie de lâunivers, de lâespace, de la grande nature qui nous permet dâacheter Ă la VIE Ă lâĂ©tat de matiĂšre premiĂšre », Yves Klein in « Discours prononcĂ© Ă lâoccasion de lâexposition Tinguely, Ă Dusseldorf, 1958 » in Yves Klein, Le dĂ©passement de la problĂ©matique de lâart, Montbiard, 1959, p. 20. [↩]
- Termes de Peter Saville lus dans lâinterview avec Christopher Wilson, Designed by Peter Saville, op.cit., p. 23-49. [↩]
- http://www.graphicthoughtfacility.com/design-museum-the-peter-saville-show-exhibition/ [↩]
- ParticuliĂšrement apprĂ©ciĂ© et collectionnĂ© par les anglais pour ses compositions florales. http://collections.vam.ac.uk/item/O18971/nasturtiums-capucines-tropaeolum-majus-oil-painting-fantin-latour-henri/ [↩]
- Parfois le « Fac » de Factory, devient « Fact », in Mathew Robertson, op.cit. [↩]
- Cf. The Barnbrook bible, Edward Booth-Clibborn Editeur, 2007 p 208-209 [↩]
- Horst Bredekamp, ThĂ©orie de lâacte dâimage, Editions la dĂ©couverte, 2015, p.195-196 [↩]
- Horst Bredekamp, op.cit. [↩]
- Mathew Robertson, op.cit. p.28. [↩]
- http://www.telerama.fr/arts/qu-est-ce-qui-fait-un-peintre-du-silence,145745.php [↩]
- Mathew Robertson, op.cit. [↩]
- Albert Camus, La chute, Gallimard, 1956, p.172 [↩]
- PacĂŽme Thiellement, « Le Luxe du monde, Joy Division » in Pop Yoga, Sonatine Editions, 2013. Lâauteur poursuit : « il ne sâagit pas de dĂ©truire la sociĂ©tĂ©, mais de se dĂ©truire soi-mĂȘme, (âŠ) on obtiendra une nouvelle forme, enfin adĂ©quate, enfin juste â un « nouveau corps amoureux » (Rimbaud), plus adaptĂ© Ă la monstruositĂ© du temps prĂ©sent et capable dây faire face ». [↩]
- Mathew Robertson, op.cit., p.28. [↩]
- « Le label et les graphistes furent accusĂ©s de vouloir faire de lâargent sur la mort de Curtis » in Mathew Robertson, op.cit. p. 29. [↩]
- Emmanuel Levinas, La mort et le temps, Le Livre de poche, Biblio Essais, 1994, p.19. [↩]
- Citations extraites de Bernard Pierre Wolff, catalogue d’exposition, Espace photographique de Paris Audiovisuel, 1986. [↩]
- http://mediatheque.lecrips.net/doc_num.php?explnum_id=31904 [↩]
- HervĂ© Guibert, La mort propagande, LâArbalĂšte, Gallimard, 2009. Chapitre liminaire remis lors de la rĂ©Ă©dition de 1991 p.9 [↩]
- Patti Smith, Just Kids, Folio Poche, 2013, p.377 [↩]
- Cf. Andy Warhol, op.cit., pages 98 et 100 et page 104. [↩]
- « LâidĂ©e de la mort purifie et fait lâoffice du jardinier qui arrache la mauvaise herbe dans son jardin. Mais ce jardinier veut toujours ĂȘtre seul et se fĂąche si des curieux regardent par-dessus son mur. Ainsi je me cache la figure derriĂšre mon ombrelle et mon Ă©ventail, pour que lâidĂ©e de la mort puisse jardiner paisiblement en moi », aurait dit Sissi lâimpĂ©ratrice, propos repris par E.M.Cioran, Sissi ou la vulnĂ©rabilitĂ©, In Vienne 1880-1938, Lâapocalypse joyeuse, sous la direction de Jean Clair, Ăditions du Centre Pompidou, 1986. [↩]
- Horst Bredekamp, op.cit., p.219. [↩]
- Deadline, catalogue dâexposition musĂ©e dâart moderne de la ville de Paris, Paris MusĂ©es, 2010. Conception graphique Laurent FĂ©tis. [↩]
- « Le ‹ Le POURQUOI PAS › dans la vie dâun homme est ce qui dĂ©cide de tout, câest le destin, câest le signal pour le crĂ©ateur en herbe qui indique que lâarchĂ©type dâun nouvel Ă©tat des choses est prĂȘt, quâil a muri, quâil peut apparaĂźtre au monde », Yves Klein, Le dĂ©passement de la problĂ©matique de lâart, p.1. [↩]
- http://www.slate.fr/story/98179/createur-image-pochette-unknown-pleasures-joy-division [↩]
- 461, Factory Records, une anthologie graphique, op.cit., p.23 [↩]
- WikipĂ©dia : dĂ©finition du mot prolepse. [↩]
- En Ă©cho au dĂ©but de Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez. [↩]
- Jean-Philippe Toussaint, Lâurgence et la patience, Les Editions de minuit, 2012, p.73. [↩]
- Cf. lâĂ©tat de Raskolnikov aprĂšs son double assassinat. [↩]
- Dostoievski, Crime et chĂątiment, Le Livre de poche, 1991, tome 1, p.106 [↩]
- Peter Saville, Estate, 1-127, migros museum fur gegenwartskunst, Zurich, P.67 [↩]
- When routines bites hard, Emily king, in designed by Peter Saville, frieze, p.18 [↩]
- Rick Poynor, Peter Saville, in Ă©tapes : 101, octobre 2003, p.30-37. [↩]
- « Lâurgence est un Ă©tat dâĂ©criture qui ne sâobtient quâau terme dâune infinie patience » prĂ©cise Jean-Philippe Toussaint. Le format de lâurgence dĂ©pend dâun individu Ă un autre. [↩]
- Dostoievski, Crime et chĂątiment, Le Livre de poche, 1991, tome 1, p.111 [↩]
- Le chien est une allusion Ă DiogĂšne, philosophe grec (413-327 av JC). Le loup et le chien sont des mĂ©taphores Ă partir de laquelle Pierre Paulin sĂ©pare â Ă juste titre – lâart et le design, dans une Ă©mission de radio, Une vie, une Ćuvre. https://www.-franceculture.fr/emissions/une-vie-une-oeuvre/pierre-paulin-1927-2009-rediffusion-de-lemission [↩]
- Rick Poynor, « Different colours, different shades » in Designed by Peter Saville, p.155. [↩]
- « Mais ce nâĂ©tait pas du graphisme/ ce nâĂ©tait absolument, catĂ©goriquement pas du graphisme. CâĂ©tait une sorte de salle de jeux » dixit Peter Saville in Rick Poynor, Ă©tapes : 101, p. 34 [↩]
- « He spends real money on clothes (âŠ) the rest of this money goes on dinner and sex » in Peter York, A snow white tan, in designed by Peter Saville, op.cit. [↩]
- Cf. DiogĂšne (132), (133), (134), Les cyniques grecs, Fragments et tĂ©moignages, choix, traduction, introduction et notes par LĂ©once Paquet, Le livre de poche, 1992, P. 128. [↩]
- « (VI, 68) On lui demandait si la mort est un mal : « comment serait-elle un mal, disait-il puisquâon nâest plus conscient quand elle se prĂ©sente ? », Les cyniques grecs, op.cit, p.118. [↩]
- Une piĂšce graphique efficace prĂ©cipite les Ă©checs de tentatives dâinterprĂ©tations. [↩]
- « (VI, 68) La culture, disait-il, câest la sagesse des jeunes, la consolation des vieux, la richesse des pauvres, lâornement des riches », Les cyniques grecs, op.cit., p.118 [↩]
- Brigitte Fontaine, KekeLand, 2002 [↩]
- (VI, 69), « Quelle est, demandait-on, la plus belle chose au monde ? » â « la libertĂ© de langage », rĂ©pondit DiogĂšne. [↩]