Du brouillage des métaphores.
De lâĂ©phĂ©mĂšre et du design graphique.
De lâaffiche « Un papillon » de Fanette Mellier.
« Et cependant, dit Browne, chaque connaissance est environnĂ©e dâune obscuritĂ© impĂ©nĂ©trable. Nous ne percevons que des lueurs isolĂ©es dans lâabĂźme de notre ignorance, dans lâĂ©difice du monde traversĂ© dâĂ©paisses ombres flottantes ». W.G Sebald1
EphémÚre
Lâobjet graphique au moment oĂč il se donne au public dĂ©clenche son imminente disparition. Dans la plupart des cas, cette mort programmĂ©e sâannonce de façon ostentatoire. Lâaffiche comprime son temps de fonctionnalitĂ© entre deux dates. Elle Ă©met parfois une date de dĂ©but et obligatoirement la date de la fin dâun Ă©vĂ©nement ou dâune reprĂ©sentation. Cette derniĂšre compte particuliĂšrement pour le public. Annoncer â informer â et marteler la fin fonde la finalitĂ© de lâaffiche. Lâaffiche Ă©nonce et clĂŽture, elle coordonne et ordonne le temps. Elle sâinscrit immĂ©diatement dans un rapport de temporalitĂ© et de finitude, oĂč la caractĂ©ristique Ă©phĂ©mĂšre tient une place « essentielle ». On pourrait dire que la mort constitue tout objet de design graphique. La mort comme disparition dans le champ du visible et dans celui des usages. Un objet graphique est par dĂ©finition, « sujet Ă disparaĂźtre, Ă©phĂ©mĂšre, pĂ©rissable, temporel »2 , en terme Ă©conomique : jetable, consommable. De cette inĂ©vitable disparition, lâhistoire du design graphique puise sa visibilitĂ©.
Certains objets graphiques prĂ©tendent dĂ©fier le temps, ils posent une volontĂ© dâintemporalitĂ© â nous pourrions Ă©voquer le cas des livres, des identitĂ©s visuelles, mais aussi des signalĂ©tiques3 . Durant ces deux derniĂšres dĂ©cennies, on a pu constater le rĂ©trĂ©cissement de cette modalitĂ©. Il ne sâagit pas tant dâune dĂ©matĂ©rialisation des objets liĂ©s aux instances du numĂ©rique que dâune logique de crĂ©ation continue dâobjets effaçant et renouvelant les prĂ©cĂ©dents. Tout objet contemporain se destine Ă une vie surveillĂ©e, oĂč sa forme premiĂšre sera souvent retravaillĂ©e, revitalisĂ©e avant que dâĂȘtre Ă©puisĂ©e4. La durĂ©e dâun objet graphique nâest que croyance rassurante. Il est, par sa sujĂ©tion Ă la fonctionnalitĂ©, enfermĂ© dans son temps, entre un rĂŽle de capteur et dâindice.
Lâobjet graphique sâinscrit dans un dialogue complexe avec la temporalitĂ©. Conçu pour le ici et maintenant, sa valeur a souvent Ă©tĂ© cautionnĂ©e par sa capacitĂ© Ă agir dans le temps qui lui Ă©tait imposĂ© et Ă rĂ©pondre aux impĂ©ratifs dâune commande. Le fonctionnalisme dâun objet est un gage de qualitĂ©, une intentionnalitĂ© structurelle souveraine. La premiĂšre bataille que livre un objet graphique se situe dans cet espace-temps avec ses lecteurs contemporains. Quâil puisse envisager la postĂ©ritĂ©, avant sa relation avec le public est inconvenant. Câest en cela, pour une part, quâil se diffĂ©rencie, ou du moins sâest diffĂ©renciĂ© jusquâau milieu des annĂ©es 1990, dâune Ćuvre dâart. Lâhistoire de lâart sâest construite dans une logique de transcendance du prĂ©sent, dans le fait de se penser au-delĂ de toute temporalitĂ©, de toute actualitĂ©. Peu importe sa rĂ©ception. Vasari a lĂ©gitimĂ© les artistes comme des demi-dieux. « Tel fut le premier disegno, le premier grand dessein de Vasari historien : sauver les artistes de leur âseconde mortâ supposĂ©e, rendre lâart inoubliable »5.
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Lâhistoire du design graphique ne peut se construire sur ce paradigme â pour autant les travaux dâhistoriens et de critiques requestionnent la mort lĂ©gitime / immĂ©diate / fondatrice de lâobjet graphique du fait quâils extirpent ces objets et les remontent continuellement dans les circuits de la visibilitĂ©. Depuis les annĂ©es 1990, ce rapport Ă la finitude de lâobjet graphique Ă©volue. Des graphistes ont misĂ© sur une fonctionnalitĂ© dâune temporalitĂ© non immĂ©diate, seconde, Ă tremblements diffĂ©rĂ©s. La projection sur un aprĂšs â fonctionnel â donne Ă leur crĂ©ation une intemporalitĂ© programmĂ©e. Si lâaffiche ne se lit pas aujourdâhui6 , elle se lira dâautant mieux demain, aprĂšs lâĂ©vĂ©nement, grĂące Ă des retours discursifs quâelle aura gĂ©nĂ©rĂ©, grĂące Ă ses ombres dâincomprĂ©hension. Sa radicalitĂ© dâaujourdâhui lui permettra de gagner en intemporalitĂ© plus tard. Elle conserve sa fonction dâencreur temporel, sans se dĂ©sagrĂ©ger dans la poussiĂšre dâobjets jaunis et Ă©cornĂ©s car trop connotĂ©s par lâĂ©vĂ©nement quâelle promeut7. Lâaffiche est libre de voyager, de circuler au-delĂ des Ă©poques. De lâutilitĂ© de lâaffiche Ă lâornemental poster, le passage est plus complexe quâil ne paraĂźt.
Un graphiste se confronte Ă cette double contingence, la mort programmĂ©e des objets quâil confectionne et la fragilitĂ© de son corpus. Il se retrouve en proie Ă une lutte intĂ©rieure, il doit accorder toute son attention Ă concevoir des objets qui, une fois mis sur le marchĂ© de la consommation, sâavĂšreront rapidement inutiles et pĂ©rissables. Pour parer Ă cette fragilitĂ©, certains graphistes nâauront de cesse que de faire vivre leur production dans un au-delĂ : et de collectionner, rassembler, Ă©diter, exposer, diffuser8⊠Pour dâautres, cet humain refus de lâeffacement prend dâautres voies : confectionner un portfolio â en ligne â ou jouer la survie dâune image en la dĂ©veloppant, la faisant revivre dans une autre commande, continuant formellement le dialogue entre les images. Ce rapport Ă la visibilitĂ© pourrait paraĂźtre prosaĂŻque. Cette relance du visible par lui-mĂȘme nâest pas de lâordre de la pose, de la minauderie. On approche de la complexitĂ© de lâimage contemporaine. Comment se projeter au delĂ de la consommation et crĂ©er un objet essentiel, fonctionnel, radical alors quâon mesure sa finitude ?
Lâhistorien, le critique, le bloggeur, lâamateur, Ă©pient ce dispositif visuel Ă la durĂ©e de la vie limitĂ©e. Ils regardent les objets graphiques lutter contre leur disparition, ĂȘtre avalĂ©s par cette sociĂ©tĂ© qui les gĂ©nĂšre et les dĂ©glutit. Une Ćuvre graphique a trĂšs peu de chance de rĂ©apparaĂźtre au-delĂ de sa gĂ©nĂ©ration, si elle nâa pas Ă©tĂ© consignĂ©e quelque part â dans un ouvrage, un catalogue, un fondsâŠ9. Et quand bien mĂȘme, lâoubli reste sa plus grande rĂ©alitĂ©.
Ce texte questionne les limites temporelles de lâobjet graphique. Lâaffiche est plus souvent invoquĂ©e car le texte a pour point de dĂ©part lâaffiche de Fanette Mellier Un Papillon mais les autres objets graphiques sont aussi concernĂ©s. Il sâagit de mesurer lâessence Ă©phĂ©mĂšre de la plupart des objets graphiques et de ce quâelle induit comme sensations dâinutilitĂ© et de vacuitĂ©. Une Ă©vidence, lâaffiche de par son obsolescence, passe plus du temps dans sa vie dâobjet disparu que dâobjet fonctionnel.
Lâhistorien du graphisme consacre son temps Ă Ă©tudier des objets « finis », Ă la fonctionnalitĂ© dĂ©passĂ©e. De ce fait une relation paradoxale sâimpose : une relation inquiĂšte qui cherche Ă instituer la nĂ©cessitĂ© dâune histoire. Lâhistorien doit aussi lĂ©gitimer la futilitĂ© de son objet dâĂ©tude. Ce qui mâamĂšne Ă interroger la duplicitĂ© de ce regard dans lequel sâĂ©tablit une incompressible tentative contradictoire : celle dâanalyser le plus prĂ©cisĂ©ment possible lâobjet dâĂ©tude et celle de le libĂ©rer. Celle de le consigner dans le fonctionnement de son passĂ© â et ainsi de lui donner du poids â et conjointement de lâallĂ©ger pour quâil puisse continuer Ă croĂźtre, comme bien culturel, dans le prĂ©sent et le futur. Dans ce dialogue heurtĂ©, sâinstillent la profondeur de lâĂ©tude patiente et la fraĂźcheur sporadique de lâĂ©merveillement10. â Faut-il Ă©pingler un papillon ? â
Epingler
Par la mĂ©taphore du papillon, Alain le Quernec Ă©voquait avec justesse lâaporie dâexposer le graphisme, plus prĂ©cisĂ©ment lâaffiche11 . Une affiche exposĂ©e dans un autre contexte que celui de sa raison premiĂšre, la rue, est un papillon mort.
« Le pauvre animal palpite dans les filets et perd en se dĂ©battant ses plus belles couleurs ; et mĂȘme si on rĂ©ussit Ă lâattraper intact, le voilĂ quand mĂȘme pour finir Ă©pinglĂ© lĂ , rigide, et sans vie ; le cadavre nâest pas la totalitĂ© de lâanimal, quelque chose dâautre en fait partie, partie principale, et en cette occurrence comme en tout autre, partie principale des principales : la vie ».12
Hors de son contexte de commande et au-delĂ de ses dates valides dâinformation, une affiche a perdu sa raison de vivre. Lâexposer hors de lâespace public lui retire sa finalitĂ© dâusage. « Le graphisme (âŠ) est toujours un objet de circonstance, Ă©phĂ©mĂšre en consĂ©quence. Vous pouvez, bien sĂ»r, lâarchiver, le recueillir et lâexposer, ce que nous faisons ici. Vous en suspendez ainsi certaines des finalitĂ©s que nous avons designĂ©es : persuader, tĂ©moigner. Vous ne gardez que plaire qui excĂšde la circonstance. Vous en faites une Ćuvre » Ă©nonce Jean-François Lyotard13.
La polĂ©mique est ancienne et concerne les beaux arts en gĂ©nĂ©ral : « les Ćuvres dâart perdent leur sens du fait dâĂȘtre exposĂ©es ». ExposĂ©, lâart perd de son « aura »14, en design, lâobjet graphique perd de son assise sociale. PrivĂ© de la saveur de son message, sa raison dâapparaĂźtre cesse. La comparaison avec le papillon opĂšre. Mais lâĂ©vidence de la mĂ©taphore sâĂ©vapore devant lâĂȘtre-papillon15. Le papillon nâest plus en vie, mais il reste visible. La mort transforme les humains et leur regard. Dâailleurs, seuls les objets survivent Ă lâinvisibilitĂ© de lâhomme dĂ©cĂ©dĂ©. « Il nâest pas certain cependant que la mort puisse ĂȘtre dite certitude, et pas certain non plus quâelle ait la signification de lâanĂ©antissement »16.
Une affiche exposĂ©e est livrĂ©e Ă lâexpĂ©rience du regard. Certes, Ă©pinglĂ©e, elle nâaura pas la mĂȘme visibilitĂ© quâen vol. Câest au regard, donc Ă lâentendement, de sâemparer de cette extension dâapparition. Ăpingler montre quâĂ un moment donnĂ©, nous souhaitons nous souvenir, approfondir, quâon ne peut oublier17.
Une question seconde, nĂ©anmoins cruciale, perdure. Faut-il sauver cet objet, du moins sauver quelques spĂ©cimens ? Ăpingler un papillon â une affiche â revient Ă lui assurer une sur-vie, une vie en-dehors de la vie ou de sa normalitĂ©. Au-delĂ de collectionner, exposer, câest-Ă -dire exhumer des fonds de conservation, redonne vie Ă lâobjet en question, le confronte Ă une nouvelle lumiĂšre. Il sâagit de raviver, de requestionner lâintentionnalitĂ© dâun objet pour en mesurer lâimpact formel, intellectuel, humain18. Chercher en dehors de la fonctionnalitĂ©, certes essentielle, mais non dĂ©finitive. Ă quoi sert un papillon ?
LâĆuvre graphique ne perd pas toute sa quintessence si elle se dĂ©shabille de son fonctionnalisme. Il ne sâagit pas de lĂ©gitimer lâĆuvre par une superbe transcendantale, mais dâaccorder Ă lâĆuvre, une Ă©coute diffĂ©rente, singularisĂ©e. Cette Ă©coute sâenregistre Ă travers une gamme assez large : le sociologue qui interroge lâobjet comme caisse de rĂ©sonance dâune Ă©poque, ou un esthĂ©ticien qui analyse la nuditĂ© structurelle de lâobjet comme forme de crĂ©ativitĂ©âŠ
Regarderais-je aussi attentivement les papillons dans la nature si je nâavais pas eu le temps de les scruter ailleurs ? DĂ©sespĂ©rais-je autant de ne pas pouvoir saisir les papillons au vol si certains ne mâavaient pas alertĂ© de leur singularitĂ© ? En saisirais-je la complexitĂ© si nous ne prenions le temps de les fixer sur des planches encyclopĂ©diques, des cimaises, des reproductions photographiques ?
Exposer un objet graphique participe Ă rĂ©inventer des dialogues entre sa valeur de document, la mĂ©moire des individus, son inscription dans lâhistoire, la grammaire formelle dâun crĂ©ateur, les concordances entre les diffĂ©rents artsâŠ
En ouvrant la boĂźte Ă reproductions, AndrĂ© Malraux invitait Ă repenser librement les Ćuvres. « Le chef dâĆuvre ne maintient pas un monologue souverain, il impose lâintermittent et invincible dialogue des rĂ©surrections »19 .
La survie dâune Ćuvre induit le fait quâelle sera de temps en temps sauvĂ©e de la poussiĂšre pour ĂȘtre suspendue, Ă©tudiĂ©e, regardĂ©e, dans sa matĂ©rialitĂ©. « Les Ćuvres dâart sont constamment recrĂ©Ă©es â rĂ©inventĂ©es â par leurs regardeurs â simultanĂ©ment et successivement â mĂȘme lorsquâelles paraissent Ă lâabri dans les musĂ©es ». Rappelons cette rĂ©flexion de Malraux, selon qui chaque rencontre avec une Ćuvre dâart la recrĂ©e, dans le sens oĂč elle nâest plus exactement la mĂȘme â elle a matĂ©riellement Ă©voluĂ© â, oĂč elle nâest plus prĂ©sentĂ©e ni vue de la mĂȘme façon, oĂč le spectateur a lui aussi changĂ© »20. Cadrer ou recadrer une Ćuvre graphique Ă©loigne et valorise le contexte premier de la commande. Lâobjet graphique sera dâautant plus flottant et offert au pouvoir du commissaire quâune Ćuvre dâart sera plus fortement accompagnĂ©e dâun discours analytique et surtout moins obligĂ©e de se soumettre Ă une temporalitĂ© dâobjet commanditĂ©.
Une affiche Ă©pinglĂ©e ne livre que ses formes, nous sommes notamment privĂ©s de son vol â sa fonction. Peut ĂȘtre que ces derniĂšres annĂ©es, de nombreux graphistes, en tentant de montrer le processus de formation dâun objet graphique21, et en se focalisant moins sur lâĆuvre finale que sur sa genĂšse, essaient de combler cette lacune : rĂ©vĂ©ler le vol ainsi que lâenvol22.
Papillons au vent. Usages multiples
Dans lâhistoire du design graphique, le papillon existe. Son appellation renvoie au vol libre ainsi quâĂ sa condition dâobjet multiple. « TrĂšs voisin du tract, auquel il emprunte la typographie ainsi que les aphorismes et les bons mots propres Ă attirer et retenir lâattention du passant, le papillon, placardĂ© sur toutes sortes de supports dans les rues â y compris dans les pissotiĂšres â, constitue un mode dâexpression qui assure, de maniĂšre plus efficace encore, une publicitĂ© au mouvement »23. Dada dĂ©tourne lâusage des papillons pour diffuser sur des papiers couleurs Ă bas prix Ă visĂ©e commerciale, des poĂšmes, des aphorismes de Paul Eluard. Tristan Tzara les imprime Ă un million dâexemplaires dans six couleurs diffĂ©rentes et les dĂ©verse Ă Paris au dĂ©but de 1920. Il espĂšre ainsi voir voltiger un Ă©tat dâesprit usant jusquâĂ son paroxysme de lâabsurditĂ©, transformant le tumulte typographique en poĂšmes visuels. Les papillons de Dada sont insaisissables, en sur-nombre, vouĂ©s aux caprices du vent et du bitume. Les aphorismes frĂŽlent lâindicible du discours. Des papillons ou des morceaux dâaffiches dĂ©collĂ©es du mur, dĂ©coupĂ©es, faisant du vent leur force de frappe.
Aujourdâhui encore, les papillons refusent la grandiloquence pour se fondre dans la misĂšre visuelle du quotidien. « Petit texte de publicitĂ© ou de propagande que lâon distribue ou que lâon colle »24. Les plus fonctionnels se retrouvent sur un pare-brise. Ă peine lus, ils gonflent les poubelles.
Un dernier usage, un papillon glissĂ© dans un livre peut alerter et rĂ©parer une erreur, un oubli. « Feuillet imprimĂ© sur lequel figure un avis au lecteur, un erratum que lâon insĂšre dans une publication »25. Dans un livre, comme dans la rue, le papillon est seul, jetĂ© au bon vouloir de la rĂ©ception du lecteur. Le papillon, de son jetĂ©, se gausse.
Le papillon, dans lâhistoire du design graphique amplifie la rĂ©alitĂ© fugitive de nombre dâobjets graphiques.
Ne pas attraper
Muriel Pic, dans son essai sur lâĂ©crivain allemand Winfried Georg Sebald (1944-2001), Lâimage Papillon prĂ©cise que le concept dâimage papillon dĂ©ploie deux idĂ©es contradictoires. Lâ« image du papillon » renvoie aux heures passĂ©es dans un cabinet de curiositĂ© â dans une logique de lâimmobile. Lâ« image papillon » interroge lâimage qui ne se laisse pas fixer, du fait quâelle passe trop vite â dans une logique de mouvements insaisissables. Muriel Pic voit dans le papillon lâimage allĂ©gorique dâune relation dialectique Ă la mĂ©moire activant Ă la fois un geste scientifique de collecte, dâarchivage â figeant le passĂ© â et une attitude empathique vis-Ă -vis du passĂ©, la mĂ©moire Ă©tant le lieu dâune expĂ©rience. « Le passĂ© ne livre sa vĂ©ritĂ© quâĂ celui qui se risque en ce lieu inconnu, sâexpose Ă lâerrance et explore le temps. Pour cela, Sebald, recourt Ă des procĂ©dĂ©s propres Ă la photographie et au cinĂ©ma : le cadrage, le ralenti, le flou.
Inlassablement, Sebald suit et dĂ©chriffre des traces. Lecteur ou chasseur, il dĂ©cline un paradigme de lâindice et devient un âbutterfly manâ. Car la remĂ©moration est une chasse aux papillons » Ă©crit Muriel Pic26.
Image-papillon, lâaffiche ne peut ĂȘtre quâentraperçue. Ce nâest pas dans la rue quâelle sera analysĂ©e ou contemplĂ©e27. Exposer un objet de cette nature revient Ă contrarier la nature Ă©phĂ©mĂšre et Ă©phĂ©mĂšre de ce document.
Image du papillon, lâaffiche acquiert une autre vie dans les livres, les salles de bibliothĂšques, les archives, les collections, les expositions. « Saisir ce qui survit dans les images, câest faire affleurer ce qui du temps nâest pas visible »28.
Le papillon de Fanette Mellier existe en deux versions, lâune comportant les informations de lâexposition Un Imprimeur â Saison graphique, 2013 â29, lâautre dĂ©nuĂ©e de toute information. Lâune fonctionnelle, et lâautre, non. Mais mĂȘme la premiĂšre pourrait ĂȘtre jugĂ©e non fonctionnelle. Une affiche portant sur une exposition de graphisme peut-elle ĂȘtre une affiche Ă valeur dâutilitĂ© publique ? La question est souvent posĂ©e. Elle lâest dâautant plus ici que les informations sont inscrites en tout petit dans les membranes filaires des antennes. La rĂ©duction ou la minimalisation du contenu â dâinformations â renvoie Ă une dimension propre au design graphique â essentielle et subversive. Le graphiste a toujours dâune certaine maniĂšre retravaillĂ© la question de la commande, la contrariant, la redirigeant, non pas tant, il me semble, pour sâapproprier la commande que pour laisser une marge, une marge dâincertitude au regard, qui autorise Ă accorder une place Ă un spectateur â « Ă©mancipĂ© »30. Il crĂ©e ainsi un objet de non-contrĂŽle, un objet qui invite Ă lâautonomie de son lecteur.
Une nuĂ©e de papillons disposĂ©e dans des panneaux Decaux de la ville du Havre incitait Ă papillonner, Ă passer dâun panneau Ă lâautre, dâune couleur Ă lâautre, dâune pensĂ©e Ă une autre, sans avoir Ă dĂ©coder une directive ou un message publicitaire. Le papillonnage semblait dâautant plus appropriĂ© pour une affiche consacrĂ©e Ă une exposition itinĂ©rante.
Un Papillon questionne littĂ©ralement « lâimage papillon », une affiche culturelle qui a une durĂ©e de vie limitĂ©e et qui dispose de peu de temps pour ĂȘtre apprĂ©hendĂ©e, et un papillon, dĂ©jĂ , piĂšce Ă collectionner31. En double version, affiche ou poster, affiche et poster, exacerbant le questionnement français, autorisant peut ĂȘtre en 2013 Ă moduler une dĂ©finition du graphisme Ă lâĂ©conomie rĂ©duite, Ă lâinstar du budget â et de lâambition citoyenne â des commanditaires. Objets graphiques : Ă©ditions multiples â numĂ©riques ou impressions â, disposĂ©s Ă plus ou moins grande Ă©chelle dans les rĂ©seaux de distribution visuelle publique â et privĂ©e.
Sâabstraire
Jamais avant cette date, une affiche de Fanette Mellier nâavait Ă©tĂ© aussi Ă©clatante, monumentale â bien que toutes ses affiches soient dĂ©terminĂ©es par la taille Decaux. La minuscule figure du papillon se mue en une majestueuse incarnation de la sĂ©rigraphie. Ce papillon est une autre transposition du rapport que la graphiste entretient avec la couleur dĂ©jĂ dĂ©veloppĂ©e pour son affiche Specimen annonçant des expositions Ă Chaumont â 2008. Pour SpĂ©cimen, Fanette Mellier explicitait et citait ses outils, les barres de couleurs Ă©taient rĂ©pertoriĂ©es, alignĂ©es â les deux affiches sĂ©parent texte et images. Dans un Papillon, elle matĂ©rialise lâacte de sĂ©rigraphier. Avec la complicitĂ© de lâImprimeur Jean-Yves Grandidier et de son atelier le lĂ©zard graphique, la graphiste manipule la surface colorĂ©e en alchimiste des couleurs. « ConcentrĂ©e » Ă lâinstar de la matiĂšre encre32, Fanette Mellier a mĂ©langĂ© encres et vernis transparents, encres classiques et encres mĂ©talliques, repoussant les rĂšgles habituelles dâutilisation de la machine imprimante.
« Comme souvent dans mon travail, le processus dâimpression est constitutif du projet graphique (âŠ) Les quatre ailes seront imprimĂ©es sĂ©parĂ©ment et constitueront un terrain d’expĂ©rimentation plastique : dĂ©gradĂ©s, jets de couleurs, mĂ©langes alĂ©atoires, combinaisons d’encres spĂ©cifiques. Le texte et les logos imprimĂ©s sur les ailes auront aussi une couleur changeante au fil du tirage â tout en restant lisible â, avec des jeux de transparence. Les antennes-signature, imprimĂ©es en noir, et le jus bleu pĂąle du fond seront quant Ă eux toujours identiques. Ces combinaisons produiront des affiches uniques ».
Lâaffiche manifeste son appropriation du graphisme par les couleurs. Specimen serait mĂ©thodologique, Un papillon Ă©bruiterait davantage une intĂ©rioritĂ© expressive.
Ă la villa MĂ©dicis, entre des confettis anormalement hypertrophiĂ©s33 et lâĂ©laboration de son ouvrage Marcus Manilius, Astronomicom Livre I34, le Papillon a pris forme. Il a littĂ©ralement dĂ©ployĂ© ses ailes dans une quĂȘte dâespace commun Ă tous ses projets romains. Dans ses esquisses prĂ©paratoires, la graphiste a commencĂ© par dessiner un oiseau. HabituĂ©e Ă ce que la profession compare, affiche et papillon, la figure papillon sâest naturellement imposĂ©e35 .
Dans Un Papillon, les couleurs, solaires, intenses, mais aussi translucides glissent, se mĂȘlent, se fondent. La matiĂšre Ă©caille des lĂ©pidoptĂšres se rĂ©vĂšle dans la suavitĂ© de la modulation des encres â elle a mĂ©langĂ© les litres d’encre directement sur l’Ă©cran de sĂ©rigraphie. LâopacitĂ© de la couleur se rĂ©vĂšle impossible, la graphiste la modĂšle comme un espace de projection. La couleur est passage, vers une autre couleur, vers le fond, et mĂȘme dans la partie dorĂ©e de son aile, les reflets de lâencre font que la surface appelle Ă la profondeur. Les encres sont jetĂ©es, manipulĂ©es, elles palpitent, une liquĂ©faction opĂšre36.
La limpiditĂ© colorĂ©e â ici cette liquiditĂ© â se manifeste toujours dans les affiches ou les objets conçus par Fanette Mellier. Son recours aux formes simples traduit la clartĂ© des concepts quâelle utilise37. « Sans le mot qui seul compte dans lâexpression dâune pensĂ©e, la pensĂ©e en question nâest quâun pur fantĂŽme en attente de corps. LĂ oĂč les mots manquent pour la dire, manque aussi la pensĂ©e » affirme ClĂ©ment Rosset dans Le Choix des mots38. Le philosophe Ă©tend cette rĂ©flexion aux artistes. Les objets de Fanette Mellier donnent souvent cette impression quâils vont de soi, leur forme est Ă©clatante, car incontestable, Ă©vidente39. Ă la diffĂ©rence de ses prĂ©cĂ©dentes affiches, il palpite dans Un papillon, un sentiment lumineux et ambigu, une zone libre de dĂ©rĂšglements que la graphiste a su mettre en scĂšne dans ses « livres bizarres »4041.
Entre deux battements dâailes
Figure rĂ©currente dans les livres pour enfants, le papillon symbolise le passage, la nĂ©cessitĂ© dâun Ă©panouissement. Pourquoi grandir, sans cet espoir de dĂ©ployer ses ailes ?42 Lâimaginaire convoquĂ© par lâinsecte papillon dĂ©passe le stade larvaire pour atteindre un Ă©tat â Ă©phĂ©mĂšre â de plĂ©nitude. « Elle est devenue un superbe papillon ! » conclut Eric Carle dans son album sur la chenille43. Le papillon Ă©lĂšve lâenfant, lâinvitant Ă penser dans les airs, Ă ĂȘtre moins apeurĂ© de grandir.
Les papillons vĂ©hiculent la promesse de voler, de regarder Ă distance, dans un Ă©tat au seuil de la conscience : « ĂȘtre soustrait du monde ». RĂȘve dâapesanteur, rĂȘve dâimmatĂ©rialitĂ©, dâĂȘtre pure crĂ©ation sans incarnation.
Avec Iela et Enzo Mari, dans La Pomme et le Papillon, ou Les aventures dâune petite bulle rouge, le papillon Ă©veille Ă la libertĂ©. Avec eux, le papillon est blanc, espace pour inventer et composer. Ce minuscule ĂȘtre peut contenir toutes les couleurs et toutes les combinaisons. Par sa forme cernĂ©e et ronde, il convoque les plaisirs de la variation. En dĂ©limitant et coloriant les papillons, lâenfant passe son temps Ă inventer formes, motifs et combinaisons visant Ă harmoniser et Ă Ćuvrer avec le vide.
Tendre lâoreille
Il y a une suprĂ©matie du voir dans cet animal â et du plaisir du collectionneur de papillons â, qui nous ramĂšne Ă notre position dâĂȘtre contemplatif. La contemplation comme une des voies possibles de la comprĂ©hension.
« Avais-je connu le grand, le trĂšs grand dĂ©tachement ? Au moins en avais-je eu un, tel que je savais maintenant que dans cette voie il y a une autre vue, la vue Ă©tendue qui se passe du moi, et qui imperturbĂ©e, se dĂ©ploie, se prolonge et, sans sâarrĂȘter, sans dĂ©vier, sans trous, sans fin se parachĂšve, en phase avec une onde inattendue, inaperçue ».44
Si la fonctionnalitĂ© a une valeur dâimmĂ©diatetĂ©, la contemplation nĂ©cessite dâaccorder le temps, dâĂȘtre happĂ© par une certaine distance â un a posteriori â, dâarrĂȘter le bruit et les mouvements quotidiens, afin de se projeter ailleurs.
Se heurter à la liberté
Le papillon de Fanette Mellier, dans sa version Cart Comm, est arrivĂ© dans ma bibliothĂšque en mĂȘme temps que deux livres de Virginia Woolf dont le graphiste iranien Majid Abbissi a conçu les couvertures. Les deux exercent la mĂȘme attraction. De lĂ©gĂšretĂ©, malgrĂ© les cailloux au fond des poches â Virginia Woolf met des cailloux au fond de ses poches avant de se noyer dans la riviĂšre Ouse en 1941. Majid Abbissi parsĂšme le portrait photographique45 de la londonienne de marguerites, mettant ainsi en tension les temps de plĂ©nitude que vit chaque mortel avec la fin tragique inĂ©luctable quâincarne dorĂ©navant le visage de Virginia Woolf. Peu de temps avant son suicide, Virginia Woolf, Ă©crit The Death of the Moth. Avec La mort de la phalĂšne, câest un Ă©pisode bien particulier que conte Virginia Woolf, un fait quotidien qui devient une quĂȘte sur le sens de la vie, une rĂ©flexion mĂ©taphysique sur la destinĂ©e humaine. Elle y mĂȘle son sens aiguisĂ© de lâĂ©coute. LâĂ©crivaine mĂ©dite les pulsations de vie et de mort dâun papillon nocturne et crĂ©pusculaire et les relie Ă des questions relatives Ă lâharmonie avec la nature ; quĂȘte que mĂšne dâune autre maniĂšre W.G. Sebald.
« Dehors souffle une lĂ©gĂšre brise ». « Un profond sentiment de bonheur mâenvahit, comme si jâavais enfin rejoint nature ».46
Regarder le papillon ou ĂȘtre le papillon ?
Passer et penser dâune phalĂšne, grise et petite, uniquement dĂ©crite par des mots â Virginia Woolf â, Ă un papillon gigantesque, ĂȘtre de pures couleurs â Fanette Mellier⊠la comparaison oscille entre le malaise existentiel â confrontĂ© Ă la tragĂ©die de la seconde guerre mondiale â et la splendeur de lâapesanteur. Deux trajectoires de papillons et un mur. Les deux papillons se heurtent Ă une vitre, la vitre dâune fenĂȘtre, dâune sucette Decaux. Les deux renvoient â peut ĂȘtre â au rĂȘve fondateur de voler, dâĂ©chapper Ă la destinĂ©e : passer du cĂŽtĂ© du jardin, devenir un objet autonome qui nâaurait plus besoin dâune permission â Decaux. Ătre soi, humblement et contraint de ces limites, et ĂȘtre plus que soi. Le papillon a si peu de temps pour profiter de ses ailes que son hĂ©sitation est redoutable.
Revenons Ă cette question. Faut-il conserver le papillon, lui donner une chance dâĂȘtre Ă©pinglĂ© ? Comment choisir les spĂ©cimens Ă sauver ? Dans la lutte mĂȘme, « cet effort gigantesque de la part dâune phalĂšne insignifiante ». Câest dans la lutte que lâobjet mĂšne quâil naĂźt objet. Quand cette lutte devient tangible. La plupart des objets graphiques ne luttent pas pour vivre au-delĂ de leur vie dâoutil de communication47.
«Ce quâelle pouvait faire, elle le faisait. En lâobservant on avait le sentiment quâune fibre, particuliĂšrement tĂ©nue mais pure, de lâimmense Ă©nergie de lâunivers avait Ă©tĂ© introduite dans ce corps minuscule et fragile. A chacune de ses traversĂ©es de la vitre, il me semblait voir vivre un filet de lumiĂšre. Il nâĂ©tait Ă peu prĂšs rien, mais il Ă©tait la vie »48.
Parfois, lâobjet graphique poursuit la bataille au-delĂ de sa fonctionnalitĂ© â bataille pour imposer la pertinence du graphisme. PrĂ©cisĂ©ment, dans sa valeur dâinutilitĂ©, lâaffiche Un papillon comble, par sa gratuitĂ© et sa beautĂ© la scĂšne publique. De beautĂ©, il est vraiment question ici. Jean-Luc Nancy, lors dâune confĂ©rence pour un jeune public Ă©voquait lâĂ©vidence de la beautĂ© â ainsi que sa dimension inquiĂ©tante49. Surtout « quand vous voyez des peintures ou des photographies prises dans lâintention de faire une Ćuvre dâart, vous ne pouvez pas tourner la page. Il faut sâarrĂȘter dessus, y revenir »50. Ainsi de certains papillons et de cette affiche. Revenir, Ă©pingler, câest savoir pertinemment que quelque chose51 ne sâest pas Ă©puisĂ©52.
Effet papillon
Le battement dâaile dâun papillon, cet effleurement si minime a-t-il une influence rĂ©elle ? La thĂ©orie de lâeffet papillon fait gronder la menace de lâinstabilitĂ© de notre univers nĂ© du chaos. La mĂ©taphore est plus impactante que rĂ©elle. Lâeffet papillon câest dâune autre maniĂšre la mesure du presque rien53, « ces petites phrases », « ces petites images » qui sâavancent inoffensives. Les ailes du papillon ont un poids, mortel. « Ce fut la plume ajoutĂ©e au poids des ans, celle qui lâanĂ©antit »54. Le conte mĂ©taphorique dâErri de Luca, Le poids du papillon, lâa si simplement Ă©voquĂ©, son braconnier ne pensait quâĂ la force du chamois quâil convoitait, non au parcours, encore moins Ă cet infime insecte. Il a concentrĂ© ses forces sur une obsession intĂ©rieure et la mort, insoupçonnable, lâa rattrapĂ©e, ailleurs. Le papillon est lâinverse dâun leurre, il recentre lâexistant.
Le papillon de Fanette Mellier a la gravitĂ© de la phalĂšne de Virginia Woolf, ils convoquent au temps de la conscience, quâelle soit concentrĂ©e ou papillonnante. A quoi sert une affiche dans un espace public ?5556 Ă quoi servent un papillon, lâimage dâun papillon et lâ« image papillon » ?57
« On me rĂ©pondra quâil nâest plus possible de âchanger le mondeâ. Câest Ă©videmment faux : le changement du monde nâest pas seulement possible, il est constant » martĂšle Bernard Stiegler, qui inlassablement dĂ©cadre nos peurs58. Changement nâĂ©quivaut pas Ă Ă©volution, progrĂšs, Ă©panouissement, mĂȘme sâil le sous-entend en partie, mais il dit mouvements, dĂ©placements â la terre tourne et nous vieillissons constamment. La chenille se mue en papillon, mais le vol dâun papillon paraĂźt chaotique, hachĂ©, en circonvolutions permanentes, suivant les caprices du vent. Un vol dĂ©viant, toujours de lâintentionnalitĂ© quâil avait prĂ©vu ? DĂ©viance du vol ou du regard portĂ© sur le vol ? Un papillon dĂ©vie toujours le regard, le concentre ailleurs. Un papillon est Ă©pinglĂ©, le vol ou la promesse de son vol plane.
ĂchappĂ©e. Lâaffiche Un papillon est libre. Entre les mains dâautres regards, libres dâinventer dâautres usages.
- W.G Sebald, Les Anneaux de Saturne, traduit de lâallemand par Bernard Kreiss, Actes Sud, 1999, p. 29 [↩]
- DĂ©finition du Petit Robert. [↩]
- Les couvertures de livres sont actualisĂ©es Ă chaque rĂ©-Ă©dition. [↩]
- Cf. Deyan Sudjic, Le Langage des objets, Pyramyd, 2012 [↩]
- Cf le chapitre « Lâart comme renaissance et lâimmortalitĂ© de lâhomme idĂ©al », in Georges Didi-Huberman, Devant lâimage, Questions posĂ©es aux fins d’une histoire de l’art, Ăditions de minuit, 1990, p.78 [↩]
- « Cependant, pour Vier5, la lisibilitĂ© ne constitue plus lâenjeu majeur de la crĂ©ation de caractĂšres qui doit en revanche sâadapter aux exigences prĂ©sentes », Catherine de Smet, « Graphisme dâinutilitĂ© ludique (pourquoi jâaime le travail de Vier5) », in Pour Une Critique du design graphique, B42, 2012, p.120 [↩]
- Cf les affiches de m/m Paris pour le thĂ©Ăątre de Lorient, magnifiant lâambigĂŒitĂ© de lâimage, Ă la fois Ă©trangĂšre et fidĂšle Ă la piĂšce de thĂ©Ăątre en question. Elle font de lâillisibilitĂ© typographique â plus feinte que rĂ©elle â un gage libĂ©rant lâaffiche de la reprĂ©sentation de la piĂšce tout en lui confĂ©rant une singularitĂ©. Le Jour des meurtres dans lâhistoire dâHamlet emprisonne dans une vitrine un insecte aux ailes marrons, parmi les objets dâune collection privĂ©e rĂ©vĂ©lant par un demi-autoportrait, lâacte de consigner le temps et la confusion (de la collection des objets, des photos, des dessins, des souvenirs). PrĂ©cisĂ©ment, dans cette piĂšce, KoltĂšs interroge les reflets et les Ćuvres du passĂ© pour incarner les doutes du « faire histoire ». [↩]
- Aujourdâhui, lâactivisme particulier des acteurs du design graphique sur les rĂ©seaux sociaux (facebook, twitter, tumblr, pinterest) relĂšve de cette dĂ©marche. [↩]
- Certains dâentre nous tentent de les consigner en ne sachant pas si les boites quâils ont confectionnĂ©s ont une quelconque consistance. Ces deux derniĂšres dĂ©cennies, la numĂ©risation des images rend moins submersible le graphisme dans lâenfouissement historique continuel, pour autant, lâarchivage numĂ©rique qui paraĂźt inĂ©puisable et infaillible interroge les outils qui permettront de lire cette documentation, demain. Seront-ils toujours accessibles ? [↩]
- « Il y a un vrai problĂšme en France, câest que le synonyme du mot culture est le mot savoir, ce qui est une erreur fondamentale. Pour moi, le vrai synonyme du mot culture, câest le mot curiositĂ©. Le savoir câest ce qui sâempile, sâarchive, la culture câest ce qui sâinvente en permanence » Ă©voquait Gilles de Bure. [↩]
- « Une affiche dans une musĂ©e est un papillon mort » scande Alain le Quernec in Vanina Pinter, « Alain le Quernec, mise Ă nu », Ă©tapes : 79, dĂ©cembre 2001, p.60 [↩]
- Goethe citĂ© dans Muriel Pic, W.G. Sebald, lâimage papillon, Les presses du rĂ©el, lâespace littĂ©raire, 2009, p.140. [↩]
- Jean-François Lyotard, « Intriguer ou le paradoxe du graphisme », in Vive les graphistes !, Paris, Centre Georges Pompidou, SNG, 1990. [↩]
- Cf JĂ©rĂŽme Glicenstein, Lâart : une histoire dâexposition, Lignes dâart, PUF, 2009, p.221 et suivantes [↩]
- On nâĂ©pingle pas les grenouilles ! Le papillon se dĂ©vitalise sans altĂ©ration de sa beautĂ©. [↩]
- Emmanuel LĂ©vinas, La mort et le temps (1991), Biblio essais, 1994, p.11 [↩]
- Ătonnant comme nombre de papillons ont des noms aux accents divins : apollon, uranie, danaĂŻde parnassien, saturnie⊠[↩]
- CF la stratĂ©gie en court-circuits thĂ©oriques et visuels Ă©laborĂ©s lors de lâexposition Pierre Faucheux par lâAgence du doute dans le cadre du Nouveau Festival au centre Pompidou (2013). [↩]
- AndrĂ© Malraux, Le musĂ©e Imaginaire (1965), Folio essais, p. 256 [↩]
- Cf JĂ©rĂŽme Glicenstein, Lâart : une histoire dâexposition, Lignes dâart, PUF, 2009, p.205 [↩]
- « Le fait dâexposer un support graphique dans un cadre ou une vitrine le dĂ©nature en quelque sorte. En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas trĂšs Ă lâaise avec lâidĂ©e dâexposer des supports graphiques que nous avons rĂ©alisĂ©s dans le cadre dâune commande. Nous prĂ©fĂ©rons considĂ©rer lâexposition elle-mĂȘme en tant que commande », Norm Ă lâoccasion dâune exposition Ă Chaumont Superficial 1+6+15+20+15+6+1=64, Catalogue du 21e festival internationale de lâaffiche et du graphisme de Chaumont, p.27 [↩]
- Au sujet de la rĂ©activation via la reproduction, voir le travail de JĂ©rĂŽme Saint-Loubert BiĂ© et le livre Documents http://www.jslb.fr/index.php?/book-design/documents/ http://www.jslb.fr/index.php?/book-design/documents/ . Pour les expositions sur les processus, voir le travail de Daniel Eatock, lâexposition de Norm Ă Chaumont en 2008. [↩]
- Cf « Papillons », article de Xavier Rey, Catalogue de lâexposition Dada, Centre Pompidou, p 766. [↩]
- DĂ©finition du Petit Robert [↩]
- DĂ©finition du Petit Robert [↩]
- Muriel Pic, W.G. Sebald – lâimage papillon, Les presses du rĂ©el, lâespace littĂ©raire, 2009 [↩]
- Les affiches culturelles cĂŽtoient lâinvisibilitĂ©. Il est peu Ă©vident de les percevoir car dâannĂ©es en annĂ©es, elles sont de moins en moins diffusĂ©es, et de ce fait davantage enfouies au milieu dâautres affiches publicitaires. [↩]
- Muriel Pic, op.cit., p 62 [↩]
- Le papillon a Ă©tĂ© choisi notamment parce quâil sâagissait dâune exposition itinĂ©rante, pensĂ©e par Vincent Perrottet et Thomas Huot-Marchand, prĂ©sentĂ©e successivement en 2012 Ă lâInstitut SupĂ©rieur des Beaux-Arts de Besançon, puis aux Silos dans le cadre du Festival de Chaumont et Ă lâĂcole supĂ©rieure dâart et de design dâAmiens. Il sâagit dâune sĂ©lection dâaffiches rĂ©alisĂ©es par des graphistes et sĂ©rigraphiĂ©es dans lâimprimerie de Jean-Yves Grandidier. [↩]
- RanciĂšre Jacques, Le spectateur Ă©mancipĂ©, la fabrique Ă©ditions, 2008 [↩]
- Lâ« affichomanie » est quasi concomitant Ă la naissance de lâaffiche Ă la fin du XIXe siĂšcle. [↩]
- « AbsorbĂ© par le secret de leur fabrication », comme Ă©crit W.G. Sebald dans Les Anneaux de Saturne. [↩]
- Galaxy print avec Olivier Vadrot, http://www.fanettemellier.com/roma.html [↩]
- Edition B42, 2013 [↩]
- « La figure du papillon me semble signifiante à trois égards :
âą Il annonce habituellement le printemps, il annonce ici la Saison Graphique.
âą L’analogie entre collections de papillons et collections d’affiches permet des parallĂšles intĂ©ressants : ils s’Ă©pinglent Ă la verticale, se conservent prĂ©cieusement, sont en deux dimensions, etc.
Les affiches imprimées par Lézard graphique, comme les ailes des papillons, sont merveilleuses dans leurs couleurs et leurs reflets. Elles suscitent tout autant de fascination.
âą Enfin, le mouvement gracieux des ailes symĂ©triques du papillon, qui agissent comme un dĂ©calque, renvoie de façon poĂ©tique Ă l’idĂ©e de l’impression. Mouvement entre forme imprimante et forme imprimĂ©e⊠» Fanette Mellier dans sa note dâintention adressĂ©e Ă la Saison graphique. [↩] - Fanette Ă©voque quâelle a conclu par « des jets de gouttes de diluants sur l’encre avant passage de la racle, ce qui produit ces petites gouttes alĂ©atoires sur les ailes ». [↩]
- « Mellier, who is comfortable designing at a variety of scales-posters, identities, typeface, and books is perharps best known for her inventive use of color and shape to transform words and letterforms into imagistics compositions », Andrew Blauwelt, in Graphic design : Now in production, Cooper Hewitt, National design museum, p.108 [↩]
- ClĂ©ment Rosset, Le Choix des mots, Ăditions de minuit, 1995, p. 41 [↩]
- Cf son travail pour le parc Saint LĂ©ger [↩]
- cf les romans Bastard Battle de CĂ©line Minard et Le travail de riviĂšre de Laure Limongi [↩]
- Cf Victor Guegan, « Des Livres bizarres, Fanette Mellier et la question de lâĂ©criture », in Le Livre au corps, Presses Universitaires de Paris Ouest. [↩]
- Revoir lâaffiche de Jan Lenica pour sa rĂ©trospective au centre Pompidou en 1980, avec ses ailes immenses qui pousse dans son dos. De profil, lâhomme-dont on peut que penser quâil sâagit dâun autoportrait est toujours en mutation intĂ©rieure. [↩]
- Eric Carle, La Chenille qui fait des trous (1969), Mijade, 1995 [↩]
- « Survenue de la contemplation », in Henri Michaux, Face Ă ce qui se dĂ©robe, Gallimard, Paris, 1975, p.116. [↩]
- De G.C Beresford, Virginia Woolf a alors vingt ans et elle semble avoir toujours vingt ans. [↩]
- W.G. Sebald, Lâart de voler, in Muriel Pic, op.cit. [↩]
- Sans aucun doute, car les auteurs ne se sont pas investis, ils nâont pas eux-mĂȘmes luttĂ© pour crĂ©er cet objet. Lâobjet, lâĆuvre est toujours le fait dâune conscience, dâun auteur qui sâest armĂ© pour crĂ©er. [↩]
- Virginia Woolf, La Mort de la phalĂšne, traduction de Marie Picard, Edition Sillage, p.25 [↩]
- Ici, prĂ©sente par ce sentiment ambigu de dĂ©rĂšglements. [↩]
- Jean-Luc Nancy, La beautĂ©, les petites confĂ©rences, Bayard, 2009 p.29 [↩]
- Ce quelque chose a Ă voir avec la quĂȘte du sens. Le graphiste dessine Ă dessein. [↩]
- MĂȘme fixĂ©, le beau papillon continue de nous Ă©chapper. [↩]
- « Jâoubliais que chaque petit acte de la vie quotidienne fait ou dĂ©fait le caractĂšre et quâen consĂ©quence il faudra un jour crier sur les toits ce que lâon a fait en secret », constate Oscar Wilde dans sa cellule alors quâil est en prison, en lutte contre lui-mĂȘme, contre et pour sa rĂ©habilitation. Oscar Wilde, De profundis, traduit de lâanglais par LĂ©o Lack, bibliothĂšque cosmopolite, Stock, 1982, p.105. [↩]
- Erri de Luca, Le poids du papillon, traduit de lâitalien par DaniĂšle Valin (2009), Folio Gallimard, 2011, p.68 dont le Chasseur ermite pĂ©rit le jour oĂč il tue lâanimal qui convoite depuis des mois. « La grandeur des exploits consiste Ă avoir tout autre chose en tĂȘte » p 22. [↩]
- Les affiches dâauteurs sont souvent fustigĂ©es, car elles Ćuvrent pour elles, elles ne servent Ă rien, elles ne rĂ©pondent Ă aucune rĂ©alitĂ© de commande. Or la gratuitĂ© â de la crĂ©ation ou de la beautĂ© â est peut ĂȘtre une rare chose que notre Ă©conomie ne maitrise pas. [↩]
- « The poster persists not on the basis of the value as a device to reache the masses but on its aesthetic and symbolic value ». in The Persistence of posters, Andrew Blauvelt, op.cit. p93. [↩]
- Ă plusieurs occasions, complice de Fanette Mellier, GrĂ©goire Romanet avait, pour Une Saison Graphique 2013, rĂ©activĂ© sa sĂ©rie dâaffiches rĂ©alisĂ©es pour Edito, oĂč justement il fossilise une image de papillon, dont les ailes sont impressionnantes, quâon pourrait associer aux ailes de paon : qui regardent le spectateur en train de chercher le sens de lâĆuvre. [↩]
- Bernard Stiegler, La tĂ©lĂ©cratie contre la dĂ©mocratie, Champs essais, Flammarion, 2008 p.59. Le philosophe avec son association Ars Industrialis entend rĂ©enchanter le monde et la vie de lâesprit. [↩]