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Le 5 mai 09 Ă 21:15, catherine guiral a Ă©crit :
Pong sur le ton lĂ©ger dâun bord de piscine, Ă prendre comme une pochade Ă grands traits et Ă lire comme tel… svp. merci.
Lorsque jâĂ©tais rĂ©sidente Ă la CalArts (note 1), beaucoup des Ă©tudiants du dĂ©partement Graphic Design ne juraient que par le ânouveau style suisseâ (lire celui de lâĂcal lausannois et de ses champions des annĂ©es 2000, les HappyPets et autres suisses sous acide-illustratif peuplant majestueusement le catalogue Pathfinder A Way Through Swiss Graphix), personne ne parlait encore (trop) du style hollandais mĂȘme si la plupart des Ă©tudiants BFA (note 2) de la Calarts partaient tous en Ă©change avec la Rietveld et autres pĂ©piniĂšres du pays de Dave et du Gouda. Et revenaient avec encore plus lâenvie de meltingpoter leur style de surfeurs postmodernes avec celui, plus rigoriste, des penseurs nĂ©erlandais.
Thierry, tu cites la notion de balancier. Le zombie moderniste doit se réjouir qui a vu revenir, à la fin des 90s, et selon les dires de Jeff Keedy, le spectre de la mise en page no style/neutre et le rejet du postmodernisme à la Emigre (encore un hollandais ce Rudy Vanderlans !). Merci les années Y2K (note 3) !
Mais ce nâest peut-ĂȘtre quâun effet de surface. Le corps mou, celui qui sâaperçoit dâabord : le style (rĂ©-Ă©couter lâĂ©mission de Field-Duhamel et la sĂ©quence sur le style des 100 jours dâObama comparĂ© au style en littĂ©rature (note 4)) ne dĂ©termine pas totalement le corps solide : le genre.
Les hollandais appartiennent (historiquement) au genre puritain ou la rĂ©flexion est certainement fondamentale contrairement (?) aux latins qui se repaissent dâimages et de grandiloquence toute baroque (il faudrait que je relise les mots compliquĂ©s !). Bref, rapidement, ce serait schĂ©matique et stupide de ma part dâopposer les cerveaux dâun cĂŽtĂ© et les instinctifs de lâautre. La carte des genres (note 5) du graphisme est mouvante et une frontiĂšre Est/Ouest ou Sud/Nord est trop simple mĂȘme si les contextes historiques jouent aussi leur rĂŽle dâinfluence. Pourtant nâest-il pas dĂ©licieux de se dire que les genres ont la peau dure ? Et que, malgrĂ© les mariages mixtes, on resterait toujours dans sa famille de prĂ©dilection (quand on ne choisit pas celle Ă la mode). Ă trĂšs gros traits, tu verras rarement un hollandais faire du british et un allemand faire du spanish. Ou alors câest une revisitation Ă la sauce locale.
Donc concept, rĂ©flexion et nouveau style vu-partout. Les hollandais chantent un nouvel air ou plutĂŽt le font (rĂ©)entendre au large public. Jan van Toorn avait dĂ©jĂ sonnĂ© le glas dâun style international encore vivace en instaurant la thĂ©orie Ă la JvE (fin des 80s) (note 6) et en rameutant les penseurs de Cranbrook et de la west coast (note 7). Toute une maniĂšre de rĂ©flĂ©chir (au sens propre et figurĂ©) se mettait en place qui re-questionnait le rĂŽle du graphiste… Van der Velden est dâailleurs un produit de ces rĂ©flexions qui veulent remettre au centre de la place publique le graphiste. Les hollandais nâont donc pas vraiment attendu la âchuteâ de Dunbar et consorts pour sâen remettre Ă un graphisme plus âmatureâ, moins âbling-blingâ. HĂ©las ou heu heu comme disent les latinistes, le corps mou de cette rĂ©flexion est trop souvent pris pour argent comptant et lâon voit fleurir une maniĂšre faussement neutre qui se conjugue des murailles de la « lierreuse » Yale (ou Van der Velden enseigne) aux tables des Ă©tudiants LCCiens en passant par Otis and Co. Sans parfois comprendre si câest de la vraie rĂ©flexion ou un costume de lumiĂšre.
Enfin, parler des styles nationaux câest amusant voire osĂ© parce que tout le monde peut sâoffusquer et baver sur lâadjectif ânationalâ. Pourtant ils existent certainement ces styles et ils dessinent bien plus quâun Ă©vident magma formel reconnaissable et identifiable.
Mais si, par exemple, on comparait lâĂ©chelle des styles en graphisme Ă celle des tempĂ©ratures (ce que je pourrais bien faire dĂšs que jâai un moment), alors les tempĂ©ratures glaciales seraient hospitaliĂšres aux gardiens de temple et celles plus solaires aux tempĂ©raments bouillonnants voire brouillons… de lĂ Ă inventer de nouvelles catĂ©gories il y a des limites Ă la digression buissonniĂšre que je me garderai de franchir !
Bien sĂ»r il faudrait aussi que je redĂ©finisse style (maniĂšre caractĂ©ristique dâun artiste ou dâune Ă©poque de traiter la matiĂšre et les formes dans une Ćuvre d’art, maniĂšre personnelle de se comporter, dâagir) et genre (ensemble dâĂȘtres ou de choses ayant des caractĂšres communs). Et que je me plonge avec dĂ©lice dans mes archives pour approfondir cette esquisse rapide… Retenons simplement que les styles et les genres prouvent au moins deux choses : on peut y obĂ©ir et s’y identifier mais on peut aussi laisser ces clivages distinctifs et tenter le hors-cadre, c’est aussi un autre genre (insĂ©rer ici un point dâironie)…
(notes de texte)
- (1) 2002-2003 en MFA1 Graphic Design
- (2) le BFA est le Bachelor of Fine Arts, lâĂ©quivalent peu ou prou du DNAP. Il se construit sur trois annĂ©es qui vont des gĂ©nĂ©ralitĂ©s de lâenseignement en graphic design jusquâĂ des spĂ©cialitĂ©s en motion design, type design, etc.
- (3) Y2K est le terme qui a Ă©tĂ© employĂ© dans le monde anglo-saxon et informatique Ă la veille de lâan 2000 pour signifier que les ordinateurs pourraient boguer au passage du nouveau millĂ©naire. Une erreur de conception systĂšme de la plupart des machines laissait prĂ©sager que les ordinateurs risquaient au 31 DĂ©cembre 1999 minuit de passer au 1er Janvier 1900. Joli retour vers le passĂ© qui nâest jamais vraiment arrivĂ©. Y2K : Year 2K (2K = 2000).
La rĂ©fĂ©rence au zombie moderniste peut se retrouver dans lâarticle de Mr Keedy, Design Modernism 8.0, in Emigre NÂș64, The Rant, Princeton Architectural Press 2003 - (4) LâĂ©mission Mediapolis de Michel Field et dâOlivier Duhamel du 2 Mai 2009 revenait sur les deux ans de pouvoir de Nicolas Sarkozy ainsi que lâĂ©tat de GrĂące (les fameux 100 jours) du prĂ©sident amĂ©ricain Barack Obama. Vous pouvez rĂ©ecoutez le podcast ici. Il y Ă©tait aussi question de lâhypermĂ©diatisation comme âstyleâ en parallĂšle avec le livre de Roger GĂ©rard Schwartzenberg, LâĂ©tat Spectacle 2, Plon Essais, 2009
- (5) Je comparerais volontiers ici la notion de genre en graphisme Ă celle de genre en musique. Les musicologues font le distinguo entre genre musical et forme musicale. Selon Wikipedia, âdes Ćuvres musicales appartenant Ă un mĂȘme genre peuvent revĂȘtir diffĂ©rentes formes. Par exemple, une mĂ©lodie peut suivre la forme binaire (ABABA…), la forme rondo (ABACAD…), ou encore, une forme plus complexe, et inhabituelle (ABCDE…). Ă lâinverse, des Ćuvres musicales appartenant Ă des genres diffĂ©rents peuvent revĂȘtir la mĂȘme forme. Par exemple, la forme fugue peut se retrouver dans une messe, dans une piĂšce pour orgue, dans une ouverture, dans un opĂ©ra […] Le genre musical enfin, doit ĂȘtre distinguĂ© du style musical. Le style musical sert normalement Ă caractĂ©riser la « maniĂšre de faire de la musique », propre Ă tel ou tel musicien, et ce, mĂȘme si le style d’un interprĂšte ou dâun compositeur est susceptible de varier en fonction du rĂ©pertoire et du genre abordĂ©.
Toutefois, le mot « style » est parfois employĂ© pour dĂ©finir les caractĂ©ristiques dâun type de musique. Ainsi, le « style de la musique baroque » sâoppose à « celui de la musique de la pĂ©riode classique ». Quoi quâil en soit, mĂȘme pris dans ce second sens, ce mot ne doit pas ĂȘtre confondu avec le genre musicalâ.
Les frontiĂšres entre les genres restent cependant floues et fluctuantes quand de nouvelles voient mĂȘme le jour sous la plume de critiques musicaux crĂ©ant alors de nouveaux sous-genres qui affinent et complexifient la notion de genre… - (6) Jan van Toorn dirigea la Jan van Eyck Akademie de 1991 Ă 1998 ou il invita d’ailleurs Lorraine Wild alors Ă la tĂȘte du dĂ©partement de graphisme Ă la CalArts. Sa pratique et ses enseignements radicaux ont Ă©tĂ© une source d’inspiration pour la jeune gĂ©nĂ©ration de graphistes hollandais. Van Toorn utilise la forme graphique comme moyen critique. Celle-ci dĂ©coule de son ambition de voir le graphisme, le sens des formes et du style, rĂ©interroger le rĂŽle social du graphiste.
- (7) Durant ses annĂ©es vaneyckiennes, Jan van Toorn invita notamment Lorraine Wild, alors Ă la tĂȘte du dĂ©partement de graphisme Ă la CalArts, Ă venir prodiguer son enseignement postmoderniste et thĂ©orique aux chercheurs de lâakademie. Il en rĂ©sultera un excellent opus Design Beyond Design, une rĂ©flexion critique sur les pratiques de la communication visuelle.
- Jan van Toorn
-images 1 et 2
doubles tirées du livre Il Faut Cultiver Notre Jardin (1999). Voir commentaires ici.-image 3
affiche Je Ne Cherche Pas Je Trouve (1984) pour lâexposition âLâhomme et l’environnementâ au Beyerd Museum de Breda.-image 4
affiche Van Abbemuseum (1971), la typo manuscrite est utilisĂ©e pour imiter le style d’un comptable pas encore passĂ© Ă lâĂšre informatique mais aussi pour souligner l’argent total dĂ©pensĂ© dans les acquisitions du musĂ©e (source : Jason Grant, DesignObservatory 06.06.09). - Dave
-image multiple
lâĂ©volution capillaire minimale du chanteur nĂ©erlandais montre Ă quel point son style a su ĂȘtre tendance puis dĂ©modĂ© puis de nouveau tendance. - Alex Trochut
-image affiche
le travail graphique du barcelonais Alex Trochut qui revisite la typographie. - Happypets et le Pathfinder
-images 1-2-3-4
doubles et couverture tirées du livre Pathfinder: A Way Through Swiss Graphic (2003). - Scott Ponik et Karl Nawrot (Werkplaats)
-image affiche
série de 169 posters pour la New York Art Book Fair (2008), textes empruntés à Ed Ruscha. - Rietveld
-image affiche
Crazy Diamond est la radio de la Rietveld Akademie. Les Ă©tudiants de l’Ă©cole rĂ©alisent les affiches annonçant ses programmes. - CalArts
– images 1-2-3-4
Affiches rĂ©alisĂ©es par les Ă©tudiants du dĂ©partement de Graphic Design pour les confĂ©rences, spectacles, vernissages qui ont lieu dans lâĂ©cole. - Jae-Hyouk Sung
-images affiches Tadanori, workshop kaywon, GTF, Gilbert Rofe
Jae Ă©tait Ă©tudiant avec moi Ă la CalArts. ĂduquĂ© en CorĂ©e puis Ă Cleveland et au California Institute of the Arts, Jae Ă©tait trĂšs impressionnĂ© Ă la fois par ce qu’il dĂ©couvrait du travail des graphistes suisses de la nouvelle gĂ©nĂ©ration tout en flirtant en permanence avec le style CalArts des annĂ©es 90s lui-mĂȘme sous lâinfluence des avant-gardes nĂ©erlandaises (affiche typique avec collage, rĂ©invention de lâoutil informatique etc). Pour plus d’infos voir ici.
Ce qui est intĂ©ressant de noter câest la diffĂ©rence entre son affiche la plus rĂ©cente (celle dâun workshop quâil organisait Ă la Kaywon School of Art and Design) et son affiche pour la confĂ©rence dâAndy Stevens de Graphic Thought Facility (GTF).
Je m’aperçois m’ĂȘtre trompĂ© dans le lien pour Bruinsma : http://maxbruinsma.nl/index1.html
Merci de votre participation trĂšs intĂ©ressante qui pose bien la question Ă©pineuse des ««««« nationalismes »»»»» en gĂ©nĂ©ral mais aussi sâagissant de graphisme et notamment Ă lâĂšre du tout globalisĂ© promu et assurĂ©, entre autres par internet. ««««« Nationalismes »»»»», avec, comme vous le voyez Ă©normĂ©ment de guillemets, mais français, avec espaces qui ne peuvent ĂȘtre si fines sur la toile.
Câest du reste par ce genre de prĂ©cautions oratoires que je commençais mon PingâŠ
Il nâen reste pas moins que des genres qui sont aussi affaires de gĂ©nĂ©rations dĂ©finissent des rĂ©gions de la pensĂ©e, de la culture, de la technique⊠qui sont aussi concernĂ©es par la question gĂ©ographique et relayĂ©es par tous les rouages dâun groupe social institutionnalisĂ© et peut ĂȘtre de façon sensible par ses Ă©coles : lieu de mĂ©dation culturelle par excellence.
Il y a en tous cas une vocation, en ce moment, pour ce graphisme fait en Hollande pour ne pas dire hollandais (ce qui du reste est impropre, puisque, comme le dit Wikipedia, la Hollande est le nom de deux provinces des Pays-Bas crĂ©Ă©es en 1840 : la Hollande-Septentrionale et la Hollande-MĂ©ridionale. Le terme « Hollande » dĂ©signe souvent, mais abusivement, l’ensemble des Pays-BasâŠ).
Pardon pour le retard dans la mise en ligne de certains commentaires comprenant des adresses internet. Il sâagit dâune sĂ©curitĂ© anti-spam.
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(commentaire disparu ?)
Jae-Hyouk Sung a travaillĂ© en 2003 sur quelque chose de tout Ă fait intĂ©ressant : http://www.adobe.com/education/adaa/winners/2003/practicum.html. Le procĂ©dĂ© de superposition et de sur-ajout de donnĂ©es est en soit dĂ©jĂ intĂ©ressant, mais il se fait que son graphisme semble suivre le chemin totalement inverse, de la surcharge Ă l’Ă©puration hollandaise/contemporaine. C’est une belle mĂ©taphore de ce que mettent en place certains graphistes, sans doute en observant ce qu’il se passe en Hollande. Je suis intriguĂ© par la citation des Ă©coles en correspondance avec chaque nation, quand on sait qu’elles regorgent d’Ă©tudiants d’horizons justement diffĂ©rents, qui y apportent leur propre savoir/production. HappyPets auraient-ils Ă©tĂ© reliĂ©s au graphisme suisse s’ils avaient Ă©tudiĂ© en France ? Toko, hollandais pure souche dĂ©barquĂ©s en Australie, sont-ils toujours tant hollandais en engendrant des contenus au style « alĂ©atoire » ? Max Bruinsma parlait de « style global » (parce que « international » Ă©tait dĂ©jĂ pris) qui serait en fait un mixage continuel de ce qu’on connait et de ce qu’on voit ailleurs. (http://maxbruinsma.nl/index1.html?vantoorn_FR.htm)
(désolé pour les pensées un peu décousues de fin de journée)