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Frederic Jameson nous assure avec beaucoup d’érudition et de sens de la nuance, dans un texte de 1991 et qui n’est traduit en français que depuis 2007, Le postmodernisme, que ce que l’on appelle la post-modernité est la « logique culturelle du capitalisme tardif ».
En bon marxiste, ce qui, soit dit en passant, n’est plus le gros mot qu’on croyait, mais deviendrait, paraît-il, à la mode, la mode de la crise comme, nous dit-on, il y aurait une mode des suicides, Jameson envisage, dans la veine des cultural studies anglo-saxonnes, le fait culturel, la superstructure, comme un effet de la base matérielle, la société, ses organisations et ses conditions historiques et économiques.
Mais le post-modernisme est justement ce moment du capitalisme triomphant et sans partage, sans ailleurs et sans visage, où ce dernier devient capable de rabattre le culturel dans l’économique. Les industries culturelles, selon le vieux terme de Max Horkeimer et Theodor Adorno, sont justement l’expression d’un matérialisme culturel dans lequel, pour reprendre Guy Debord contre une certaine idée des nouvelles économies de l’immatériel : « l’image est devenue la forme ultime de réification de la marchandise ».
Selon Jameson, le postmodernisme est caractérisé par le simulacre, la remise en cause en forme de déclassement des hiérarchies culturelles modernistes et un présent perpétuel qui recyclerait des formes historiques passées, réduites à l’état de code historiciste (code de l’Histoire, code des histoires), sans possibilité de se projeter dans l’utopie d’un futur. Selon lui, tout est devenu texte. C’est à dire que le réel est perçu au travers de ses représentations : la chose est transformée en « image d’elle-même ». Le signe n’est plus cet interprétant d’un quelconque objet ou d’une quelconque référence, soit l’objet déjà signifié, mais il devient le médiateur du code. Tout est devenu code, comme l’avait déjà annoncé Walter Benjamin en parlant « d’esthétisation » de la réalité.
« Maintenant, référence et réalité disparaissent complètement, et même la signification –le signifié– se trouve mis en crise. Nous nous retrouvons avec ce pur jeu aléatoire de signifiants que nous appelons le post-modernisme, qui ne produit plus d’œuvres monumentales de types moderniste mais qui remue sans cesse des fragments des textes préexistants, les cubes du jeu de construction d’une ancienne production culturelle et sociale dans quelque bricolage nouveau et exacerbé : métalivres qui cannibalisent d’autres livres, métatextes qui collationnent des morceaux d’autres textes. »
On pourrait peut être se risquer à proposer une périodisation du post-modernisme. Dans cette tentative de chronologie sans doute à gros trait et qui devrait être l’objet d’une étude évidemment plus fine, compétente, poussée et scrupuleuse, on rencontrerait d’abord une sorte de « haut post-modernisme » des années 80, 90, réactif et revanchard. Une sorte d’anti-modernisme qui se posa contre le dogmatisme du modernisme tardif et institutionnalisé. Comme une façon de rejouer le négativisme, la stratégie du refus moderne contre lui-même.
Ce premier dépassement / déplacement du modernisme voulut réconcilier la modernité avec l’histoire, non sans une certaine naïveté, et dépasser le traumatisme de la table rase. On vit resurgir les vieux modèles, hier dégradés, souvent symboliques de l’ancien régime : les angelots, les empattements, le canon latin, le modèle de la rue, l’image, la fiction et la narration… On voulut re-fonder les hiérarchies culturelles, et d’abord par leur salutaire, explosive ou déconstructive remise en cause.
Contre l’universalité et le collectif, on joua l’idiosyncrasie et l’individualité. Contre les aspirations élitaires, et par exemple, les pilotis du batiment moderniste le dégageant de l’environnement ancien, le goût du dégradé, de l’impur, de l’ailleurs, de l’altérité, du folklorique… furent à l’ordre du jour. Contre la retenue essentialiste et choisie, on cultiva le maximalisme et la saturation éclectique, jusqu’au n’importe quoi. On alla même jusqu’à envisager la fin de l’imprimé… On voulut rejouer Dada ou le classicisme. Mais on savait bien qu’on jouait déjà un jeu de dupes, un jeu de masques, ironique et sans futur…
Il semblerait que nous soyons entrés, depuis quelque temps, dans une nouvelle phase d’un postmodernisme presque re-fondateur qui se recentrerait autour de la dernière période du modernisme utopique. Ces années 60 charnières qui sont, au travers du minimalisme et de l’art conceptuel, une sorte d’acmé de la logique autonomisante et critique de la proposition moderne, et qui sont aussi l’annonce de sa fin avec l’avènement synchrone du pop art. Un « anti-anti-modernisme » qui reviendrait à la figure redevenue positive de l’ancien spectre formaliste. Ce que j’ai appelé un retour à l’ordre, et qui serait comme un retour, car il n’y a plus que des retours, aux aspirations utopiques de la première modernité, l’esprit retors du pop inévitablement en plus. Comme une nouvelle modernité évidemment éclectique, historiciste et maniériste. Comme un retour aux avant gardes, mais sans être bien sûr qu’il en a les potentialités, ou même les volontés émancipatrices… Sans être bien sûr qu’on est pas en train de créer une nouvelle niche et un nouveau gisement de fonds. Sans être bien sûrs que, conformément au système cinétique de la mode, si on est capable de circonscrire un nouveau phénomène culturel, ce n’est pas qu’il est déjà dépassé…
illustration : These New Puritans
Ben, par exemple et pour rester dans le domaine de la typographie, l’homonyme de Marcel Jacno qui dessina le Chaillot, les paquets de Gauloise ou les affiches fameuses du TNP, Jacno, donc, celui des Stinky Toys, il vient de mourir…
http://www.youtube.com/watch?v=jCsShJxGfLs&feature=related
les modèles photos comme François Havebeer ne semblent pas être cités….
Qu’en est-il des jeunes gens modernes ?
Un titre d’article qui incite directement à la lecture 😉