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Philippe Millot, Collection Rouge-Gorge, Éditions Cent pages
Philippe Millot dirige avec une grande maestria le destin graphique remarqué des éditions Cent pages. J’emploie à dessein ce vocabulaire empreint de tradition car son travail me paraît relever de la même veine presque néo-classique que les productions éditoriales d’un Cornel Windlin.

Philippe Millot, Collection Rouge-gorge, Éditions Cent pages

Philippe Millot, Collection Rouge-gorge, Éditions Cent pages
Format presque poche, gamme subtile de bruns colorés, premières de couverture typographiques avec effets de fer à dorer, quatrièmes jouant l’inversion audacieuse avec visuel plein pot, tranches colorées à la Faucheux. Rectangles d’empagement harmoniques façon canon de Villard de Honnecourt, faibles corps, musts typographiques de Matthew Carter privilégiant les réales, subtilité des contrastes de gris typographiques et puis de soudains accidents, de brusques espiègleries quoique toujours nuancés. Finement et rigoureusement tonitruants.

Philippe Millot, Collection Rouge-gorge, Éditions Cent pages

Philippe Millot, Collection Rouge-gorge, Éditions Cent pages

Philippe Millot, Collection Rouge-gorge, Éditions Cent pages
Il ne s’agit pas seulement de ‘poursuivre les stratégies fonctionnalistes anglo-saxonnes avec d’autres moyens’ mais plutôt de dépasser la post-modernité bavarde et brouillonne par un retour à l’ordre de l’artisanat virtuose et de la mesure savante en tirant son vocabulaire exigeant autant des fastes savoureux du canon latin que de la rigueur de la posture radicale des avant-gardes du XXe.
Cette collection est une réédition de romans déjàs parus chez les éditions Cent Pages, d’où peut-être cette volonté de « retour » ou de nostalgie.
En tout cas, je trouve personnellement cette collection très réussie en terme de design. Malgré une identité commune forte, chaque livre est singulier, et le design en rapport avec le contenu.
J’apprécie également Dot Dot Dot (contenu et design), mais je suis tout de même lassée de voir son style graphique appliqué à toutes les sauces partout. Le style Werkplaats Typografie, malgré ses qualités, a tendance à stagner…
Vive les contradictions et l’ouverture exigeante.
😉
bof, bof, bof. J’y vois pour ma part une nostalgie maniérée qui nous renvoie à la posture ambiguë de Maximilien Vox, un rejet du risque du saut dans le vide (recherche d’une voie à venir), une réassurance historique qui revisite des gammes bien connues.
Mais le parallèle avec les fontes choisies par Cornel Windlin m’intéresse davantage. Ce retour aux incises depuis 2/3 ans est des plus troublants et des plus intrigants. On les avait croisées dans DotDotDot, puis Zak Kyes avait rebondi (ex. les affiches des conférences de la AA, en 2006 il utilise une Futura, en 2007 il passe à une Baker Signet ou qqch d’approchant). Windlin emboîte le pas… ça y est, c’est évidemment devenu tendance… A suivre donc.
Après l’engouement moderniste 60/70 de ces dernières années ce sont celles de la crise moderne (entre 35 et 55… les années de plomb dans tous les sens du terme) qui sont maintenant convoquées.
J’y devine, chez ces derniers, un ouverture aux années 60/70 de l’Est (voir les productions des pays communistes dans leur moment de solubilité idéologique).
Désolé de ne pas partager vos enthousiasmes, mais c’est de la contradiction que naît le débat.
Je lis avec plaisir que ça réagit et que ça échange par mal.
Oui, M. Tipitu, chaque ouvrage bénéficie d’un traitement spécial avec typographie choisie. Je ne sais celle que vous évoquez.
Oui, M. Guillaume, en tant qu’auteur, on se doit de choisir et de rejeter certains positionnements. En tant que pédagogue, il me semble qu’on doit observer une posture plus distanciée et ouverte. Sans être un grand fervent du fonctionnalisme ; sans non plus goûter les retours à l’ordre et leur idéologie du statisme nostalgique toujours plus ou moins mortuaire, il me semble que cette tendance sobre, savante et ténue qu’incarnent par exemple Windlin et Millot ne relève pas seulement d’une beauté éthérée, compassée et poussiéreuse mais possède aussi ses intérêts et ses énergies bien actuels, fussent-ils subtils et rigoureux. La beauté peut être autre que strictement convulsive même si j’adore Breton…
Pas dans tous les bouquins alors. Il utilise aussi (de mémoire, j’en ai aucun) qqch de beaucoup plus calligraphique, pour composer la citation de Carter notamment. Caractère assez piquant, avec des empattements prononcés. Peut-être qqch de Storm.
merci Mr. MilleLot.
Comme chez Cornel Windlin, j’ai l’impression de voir sur papier ce que Charles Ives, par exemple, a fait en musique classique.
Sublime; mais j’ai du mal à voir en quoi ça se rapporte au monde d’aujourd’hui. Je vois, de fait, bien plus un « retour à » qu’un « surpassement de ».
Ma première impression classicisante réale semble avoir été la bonne. Après mûr examen, il me semble que la typo de labeur de ‘trois contes’ est tout simplement un Adobe Caslon ce qui est tout à fait cohérent avec le Big Caslon de titrage !
😉
Effectivement, dans le Herman Melville “trois contes doubles”, les caractères de labeur diffèrent des fontes de titrage qui sont des Big Caslon. Il semble qu’on ait affaire à un genre de garalde type Garamond plutôt développée avec ligatures, panse du P capitale fermante, queue du Q capitale très longue… mais que je ne parviens pas à identifier.
Bravo pour votre œil bio-ionique et bonne chasse Tipitu !
Justement en corps de texte je crois que ce n’est aucun de ceux-là…
Désolé de cette erreur grossière maintenant réparée. Il n’est pas bon d’écrire trop tard dans la nuit pour un enseignant en période de jury…
Comme je l’ai dit les typographies sont (en tous les cas dans les ouvrages en ma possession) exclusivement des redessins ou des créations citationnelles de Matthew Carter revendiquées explicitement dans le colophon : Big Caslon, Olympian, Helvetica compressed, ITC Charter… Peut être faut-il voir aussi dans ce choix la dimension savante et référencée du travail de Millot. Matthew est bien le fils de son père Harry, fameux historien de l’imprimerie…
Les « uns-oh-oh » pages?
D’ailleurs je me demandais, quel est le caractère utilisé, non cité, pour l’intérieur?
Du Skia bidouillé devant, ça ok.